lundi 1 avril 2024

RED ROCK WEST (John Dahl, 1992)

 

Michael Williams, vétéran du Corps des Marines, arrive à Red Rock, dans le Wyoming, à la recherche d'un emploi. Au bar où il commande une bière, le patron, Wayne, le prend par erreur pour un tueur à gages qu'il a contacté et à qui il a promis 10 000 $ (5 000 tout de suite, l'autre moitié ensuite) pour tuer Susan, sa femme infidèle. Michael se rend au ranch du couple et surprend Susan en lui expliquant le projet de Wayne : elle lui offre alors 20 000 $ pour qu'il liquide Wayne. Mais Michael laisse tout ce beau monde en plan pour fuir avec cet argent.



Alors qu'il quitte Red Rock, un orage éclate. La pluie provoque un accident : Michael renverse un homme qui attendait une dépanneuse. Pris de remords, il le transporte à l'hôpital et l'infirmière appelle la police. Le shérif débarque et Michael découvre qu'il s'agit de Wayne. Il le suit au poste mais en route, Michael s'échappe et Wayne le poursuit en lui tirant dessus. Michael échoue sur une route secondaire où il est pris en stop par Lyle.
 

Lyle accepte de conduire Michael jusqu'à son véhicule en apprenant que, comme lui, il est un ex-Marine. Mais avant cela, il l'invite à partager un verre au bar de Red Rock. Michael fausse compagnie à son sauveur quand il comprend qu'il s'agit du véritable tueur à gages attendu par Wayne. Coupant à travers champ, Michael retourne au ranch et prévient Susan que cette fois le vrai assassin est en route pour l'éliminer. Lyle arrive peu après mais Michael réussit à l'assommer et le désarme.; Il prend la fuite avec Susan.


Pourtant, Michael n'en a pas fini avec Red Rock car Susan le convainc d'y retourner avec elle pour vider le coffre de son mari afin qu'ils partent pour le Mexique. Evidemment, ça ne va pas se passer comme prévu...


Trois ans après Kill Me Again, joli succès d'estime, John Dahl revient pour compléter sa série de films noirs. Red Rock West bénéficie d'un budget un peu consistant et d'un casting plus attractif. Mais comme ses héros, Dahl va jouer de malchance : 1992, c'est aussi l'année où Quentin Tarantino sort Pulp Fiction, pour lequel i décroche la Palme d'or au festival de Cannes, énorme succès critique et commercial, mais surtout une vision diamétralement opposé du genre "noir".


De fait, Red Rock West, sans être un bide, souffrira énormément de la comparaison. En vérité, il n'y aura même pas de match : Tarantino va devenir le roi du pétrole, la coqueluche des critiques et du public, qui adoreront son polar déjanté, déconstruit, abondant en dialogues savoureux, en personnages haut en couleur, relecture moderne d'un genre. Là où Dahl respecte la tradition, Tarantino  l'explose pour la revitaliser.


Quand on examine la construction du scénario de Red Rock West, on n'est donc pas surpris par sa linéarité, mais plutôt par son extrême fatalisme, son absurdité même, qui fait même rire parfois. En effet, tout le film comme son héros ne fait que revenir sur ses pas, comme prisonnier de cette bourgade du Wyoming où ses pas le ramènent en permanence.

Il y a même une sorte de dimension karmique dans cette histoire car Michael Williams est un brave type : la première scène le montre arrivant sur un chantier de forage et candidater pour un poste. Il remplit un formulaire dans lequel il mentionne une blessure de guerre (son genou droit est abîmé) qui l'empêche d'être embauché. L'ami qui l'avait recommandé au patron lui dit qu'il aurait dû cacher cette info, mais Michael répond que ça n'aurait pas été honnête et que ça aurait fini par être découvert. Tout est dit : l'intégrité vaine et la fatalité.

Quand, une fois à Red Rock, il est pris pour un tueur à gages et qu'il empoche plusieurs milliers de dollars de la part d'un mari jaloux et de sa femme infidèle, Michael se laisse griser par tout cet argent et c'est alors que les ennuis s'abattent sur lui comme la pluie torrentielle à la sortie de cette ville. Le karma. Plus loin, quand il veut semer le shérif qui lui tire dessus, par qui est-il sauvé ? Le véritable tueur dont il a usurpé l'identité un peu plus tôt. L'absurde.

Sans être forcément un spectateur cynique, c'est presque comique, cette déveine. Et ça l'est aussi parce que John Dahl a confié le rôle de Michael à l'inénarrable Nicolas Cage, en mode Droopy. Le neveu de Francis Ford Coppola est alors une vedette qui, deux ans plus tôt; était le premier rôle de Sailor et Lula, Palme d'Or de David Lynch. La décennie qui commence sera la sienne, avec d'énormes cartons comme Kiss of Death (Barbet Schroeder, 1995), Leaving Las Vegas (Mike Figgis, 1995, pour lequel il décrochera l'Oscar du meilleur acteur), The Rock (Michael Bay, 1996), Les Ailes de l'Enfer (Simon West, 1997), Volte-Face (John Woo, 1997), Snake Eyes (Brian de Palma, 1998), A Tombeau Ouvert (Martin Scorsese, 1999).

C'est donc non sans ironie qu'on le voit incarner ce loser magnifique, mais il est vraiment excellent dans ce registre. Face à lui, hélas ! Lara Flynn Boyle (un des Twin Peaks girls de Lynch) manque par trop de charisme pour être une femme fatale à la hauteur de l'intrigue. Quant à Dennis Hopper, il se contente de répéter son numéro de psychopathe vu dans Blue Velvet (encore Lynch !), cabotinant sans limite.

Malgré ces imperfections, Red Rock West reste un très bon film noir qui, en une centaine de minutes, développe sa narration très dense avec une mise en scène d'une remarquable fluidité, une ambiance prenante, des lumières superbes. John Dahl (qui a co-écrit le script avec son frère Rick) a réussi à dépasser Kill Me Again. Maintenant, tout le monde peut le redécouvrir dans une magnifique copie UHD qui vient d'être publiée.

Il lui reste à signer son vrai chef d'oeuvre avec Last Seduction, qui sera aussi son chant du cygne, et dont je vous parlerai prochainement.

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