mardi 9 avril 2024

TOUT SAUF TOI (Will Gluck, 2023)


Bea, étudiante en Droit, rencontre Ben, informaticien, dans un café où la sort d'une situation embarrassante (prise d'une envie urgente, elle souhaite utiliser les toilettes de l'établissement qui les réserve aux clients, il commande et la fait passer pour sa femme). Ils passent ensuite la journée ensemble et s'apprécient assez pour finir la nuit chez lui, chastement. 


Mais au matin Bea préfère s'éclipser discrètement pour parler de tout ça avec sa meilleure amie au téléphone qui lui conseille de revenir sur ses pas et d'en profiter. Elle obéit et surprend alors une conversation entre Ben et son ami Pete où il la dénigre. Six mois passent et Halle, la soeur de Bea, s'apprête à épouser Claudia, la soeur de Pete. A cette occasion, Bea retrouve Ben et c'est tendu. Mais les deux futures mariées annoncent leur intention de se passer la bague au doigt en Australie.


Bea et Ben partagent le même vol pour Sydney et une fois sur place, accueillis par Pete, apprennent que tous les invités de la noce logeront au même endroit, chez les parents de Claudia. Pour ne rien arranger, les parents de Halle et Bea ont eu l'idée d'inviter Jonathan, l'ex de cette dernière dans l'espoir qu'ils se rabibochent, tandis que Pete a convié Margaret, l'ex de Ben dans le même but. Contrariés, Bea et Ben, déjà tendus, risquent de plomber l'ambiance. A moins que...


... Comme l'imaginent les parents de Claudia, on pousse Bea et Ben à se réconcilier sur l'oreiller. Mais ces deux-là découvrent ce stratagème et décident de jouer la comédie pour tromper tout le monde. Y compris eux-mêmes ?


Je dois avouer que j'ai hésité un moment avant de voir Anyone but you. Non parce que j'avais honte de regarder une comédie romantique (c'est un genre qui ne mérite pas le mépris et que j'apprécie), mais parce que je doutais fortement de sa qualité. Pourtant, le film a fait un carton aussi énorme qu'inattendu au box office américain (25 M$ de budger, plus de 200 M$ de recettes), et a eu bonne presse.


Mais bon, il faut bien reconnaître que Will Gluck n'est pas exactement Preston Sturges, Ernst Lubitsch, Billy Wilder ou Blake Edwards. Même s'il a révélé Emma Stone avec Easy A, ce n'est pas un cinéaste sur lequel on fonde de grandes espérances. Quant à la scénariste Ilana Wolpert, c'est une inconnue au bataillon.

Pourtant, rapidement, j'ai cessé de résister. Parce que Tout sauf toi est une comédie romantique efficace à défaut d'être originale (mais que peut-on raconter d'original dans un genre à la fois aussi désuet et éculé ?). Le film ne traîne pas en longueur (à peine 1h. 40), c'est joliment photographié, dans un cadre idyllique, avec de très bons acteurs qui jouent vraiment le jeu.

Bien entendu, on peut s'agacer des clichés que le film véhicule complaisamment et des figures qu'il s'impose pour coller à l'air du temps (le mariage de deux filles, le bon pote black, les parents dépassés et/ou manipulateurs, la présence des ex embarrassante). Mais là encore, rien de suffisant pour gâcher le plaisir.

Evidemment, on sait comment cela va se terminer et toutes les étapes pour arriver à ce dénouement sont respectées à la lettre. Ils se rencontrent, s'apprécient, se détestent, risquent de ruiner les noces, jouent la comédie, commencent à y croire, se déçoivent, etc. L'essentiel n'est pas là : ce sont des conventions, comme les cowboys et les indiens dans un western, les flics et les voyous dans un polar. Les dénigrer est hypocrite parce que c'est ce qu'on attend de ces longs métrages, d'une manière ou d'une autre. On peut espérer que les auteurs trouveront des moyens détournés de les traiter mais en fait, ils sont inévitables.

Ce qui fait alors la différence, c'est comment scénariste et réalisateur réussissent à nous rendre attachants les protagonistes. Car si on ne les apprécie pas, alors on se moque bien qu'ils finissent ensemble et heureux. Et de ce point de vue, Tout sauf toi est satisfaisant, honnête : Bea est une jeune femme qui tente de faire plaisir à son entourage, de le rassurer, mais qui ne s'épanouit pas ainsi et qui en fait (se) cherche à être simplement bien, en accord avec elle-même. Ben est un jouisseur mais qui sent qu'il lui manque les sentiments et comprend que son machisme l'empêche d'y accéder. Tous deux croient que revenir auprès de leur ex combleraient à la fois leurs proches et eux-mêmes, tout en découvrant au fil de l'histoire que ce n'est pas une solution durable.

Leur romance "situationnelle" comme il la nomme devient une ruse qui se retourne contre eux : puisque leurs amis et familles conspirent pour qu'ils finissent ensemble, ils jouent la comédie et fatalement, progressivement, le trouble les gagnant, cela les pousse à tomber le masque, à être plus sincère avec l'autre et soi-même. Quand ils arrêtent de déguiser leurs émotions, c'est pour admettre que leurs failles se correspondent, que leurs fragilités créent une force commune. Ben n'est plus ce mâle alpha et Bea cette paumée : il est aussi paumé qu'elle et elle peut enfin être sûre d'elle.

Soutenus par de solides comédiens dans les seconds rôles (notamment Alexandra Shipp, Hadley Robinson - que j'avais adorée dans Moxie d'Amy Poehler - , Dermot Mulroney...), le couple que forme Sydney Sweeney et Glen Powell affiche une complicité à l'écran qui ne trompe pas. L'actrice révélée par la série Euphoria confirme qu'il faut compter avec elle : de toutes les filles découvertes par le show de Sam Levinson elle est sûrement la plus volontaire et lucide. Elle plaisante volontiers de son image de blonde pulpeuse dont beaucoup doute qu'elle sache jouer, mais elle produit le film et ressuscite un genre tombé en désuétude avec beaucoup de charme et de finesse. Lui s'est fait remarquer avec le carton de Top Gun : Maverick et vaut également plus que son image de beau gosse un peu lisse, sachant faire preuve d'autodérision dans plusieurs scènes où c'est lui qui est nu face à la caméra.

Pas la peine d'être devin pour imaginer qu'il y aura une suite (peut-être un effectif Anyone but you 2, ou des retrouvailles entre Sweeney et Powell pour une nouvelle romcom). En tout cas, j'ai passé un très bon moment, drôle, sentimental, très relaxant à côté d'un actu bien déprimante.

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