dimanche 14 avril 2024

THE GREATEST HITS (Ned Benson, 2024)


Harriet est une jeune bibliothécaire qui s'isole du monde extérieur en portant quasiment en permanence des écouteurs aux oreilles et même des boules Quies. Elle fréquente également un groupe de soutien thérapeutique pour des gens de tous âges qui n'arrivent pas à faire le deuil d'un être aimé. 


Deux ans auparavant, Harriet menait pourtant uen toute autre vie : elle travaillait comme productrice musicale et vivait une histoire d'amour avec Max, un musicien. Jusqu'à cet accident de la route qui lui a coûté la vie (à lui) et l'a laissée (elle) dans le coma pendant une semaine. Et avec une séquelle aussi étrange qu'inattendue...
 

En effet, depuis, dès qu'elle entend une chanson liée à un moment passée avec Max, elle remonte littéralement le temps pour revivre la scène. Harriet essaie alors de profiter de cette opportunité pour changer le cours de son histoire et empêcher l'accident, mais sans succès, car si elle peut modifier son comportement dans le passé, elle est impuissante à changer celui de l'homme qu'elle aimait.


Si son meilleur ami, le DJ Morris, la réconforte et la pousse à refaire sa vie en se détachant de tout qui a trait à Max, Harriet s'y refuse. Jusqu'à sa rencontre avec David, qui vient de perdre ses parents, qui la séduit mais à qui elle n'ose pas révéler son secret par peur qu'il ne la croit folle. Et aussi parce qu'elle a le sentiment de tromper Max...


Sorti aux Etats-Unis dans quelques salles et disponible depuis Vendredi sur Hulu, plateforme de SVOD attachée à Disney +, The Greatest Hits est un curieux mélange de romcom et de fantastique. Ecrit et réalisé par Ned Benson, le résultat est charmant mais pas tout à fait abouti.


Comme je l'écrivais à propos de Tout sauf toi récemment, la comédie romantique est un genre à l'équilibre délicat et quelque peu tombé en désuétude. Autant dire que ceux qui s'y risquent s'aventurent en terrain miné. Et si Ned Benson a eu une excellente idée pour renouveler le genre, en y introduisant un zeste de fantastique, il ne parvient pas complètement à un produit harmonieux.


Le film n'est pas long, ce qui est un bon point car la comédie romantique s'accommode mal de durées excessives. Cependant, on prend le temps pour nous présenter Harriet, jeune femme intelligente, sensible et séduisante, mais traumatisée par la mort accidentelle de l'homme qu'elle aimait. Dans le groupe de soutien et de parole auquel elle assiste, elle ne prend pas la parole malgré les encouragements de la thérapeute, le Dr. Evelyn Bartlett.

De même, avec son meilleur ami, un DJ, elle se crispe dès qu'il lui conseille de refaire sa vie, jurant que c'est qu'aurait souhaité Max et parce qu'elle est justement encore jeune, avec la vie devant elle. Une sorte de comble est atteint quand elle prend enfin la parole devant le groupe mais qu'elle est interrompue par l'arrivée d'un nouveau venu maladroit. Pourtant, David va être la planche de salut de Harriet.

La question que pose Ned Benson dans son script est simple : à quand peut-on recommencer à aimer ? Autrement dit : quelle est la durée du deuil au-delà de laquelle on s'autorise à être à nouveau heureux, à composer avec son chagrin sans avoir l'impression de trahir celui qu'on a perdu ? C'est un sujet superbe mais casse-gueule et le mérite de The Greatest Hits est de le traiter avec délicatesse, sans mièvrerie, sans cacher les difficultés morales qu'il pose.

La mort d'un être cher nous le fait idéaliser : ainsi Max n'était pas un si bon musicien que ça, mais un authentique mélomane qui partageait cette passion avec Harriet. Logique alors que le lien fantastique qui les unisse par-delà la mort reste les chansons, ces plus grand succès, qu'ils écoutaient ensemble et qui hantent aujourd'hui la jeune femme au point qu'ils la renvoient aux moments précis où ils étaient la bande-son de sa romance.

Comment, dès lors, pour un nouvel homme, se glisser dans la vie de Harriet qui s'isole de la musique ambiante en ne quittant jamais son casque là où elle risque d'entendre une chanson aimée d'elle et de Max ? C'est l'épreuve qui se dresse devant David, lui aussi frappé par le décès (de ses parents). Le fantôme de Max devient alors alors un rival imbattable parce qu'absent. On ne peut pas casser la figure d'un spectre ou l'effacer. C'est à Harriet que revient cette tâche. Mais, comme elle va le découvrir, le prix à payer est terrible...

Le film développe avec beaucoup de tact comment David parvient lentement à apaiser Harriet, comment Harriet aussi baisse sa garde tout en ayant conscience qu'à tout moment tout peut déraper car elle n'a aucun contrôle sur ses crises. De ce côté-là, c'est une vraie réussite.

Dommage alors que Ned Benson ait oublié ce qui était presque aussi essentiel, à savoir faire exister le couple que formèrent Harriet et Max. Le spectateur doit se contenter de flashs trop brefs, trop superficiels, et ça ne fonctionne pas. Ou en tout cas pas suffisamment. Max reste une figure trop esquissée pour exister vraiment et nous convaincre qu'il était l'homme de la vie d'Harriet. On ne peut pas résumer une telle histoire d'amour à quelque scènes fugaces où le couple joue, va à la plage, danse dans des soirées, vont à des concerts, échangent quelques réflexions sur la vie et la mort. C'est frustrant et surtout trop parcellaire. Autant j'accepte qu'un cinéaste laisse de la place au spectateur pour compléter des blancs dans le récit, autant là Ned Benson oublie carrément de donner de la substance à un des protagonistes majeurs de l'histoire.

C'est encore plus déplorable que le casting est parfait. Lucy Boynton est absolument adorable en jeune veuve déchirée entre ses souvenirs et son avenir. Justin H. Min est impeccable en type délicat mais dépassé par cette fille. En revanche David Corenswet (le futur Superman de James Gunn) doit se contenter de miettes pour imposer un homme qui a bouleversé la vie d'Harriet et c'est mission impossible.

Incomplet, The Greatest Hits aurait mérité d'être mieux construit. Comme quoi les meilleurs best of doivent aussi compter autre chose que des tubes efficaces : des chansons plus personnelles, moins connues mais qui gagnent à l'être.

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