mardi 30 avril 2024

MARS EXPRESS (Jérémie Périn, 2023)


Années 2200. Aline Ruby, enquêtrice privée, et Carlos Rivera, réplique androïde de son partenaire dans l'armée mort au combat cinq ans auparavant, sont sur Terre pour capturer la hackeuse Roberta Williams, qui loue ses services pour "débloquer" des robots afin de leur rendre leur atonomie, ce qui constitue un délit grave depuis la dernière guerre où certains d'entre eux se sont retournés contre des humains. C'est d'ailleurs ainsi qu'est "mort" Carlos.
   

Mais, de retour sur Mars, Roberta est remise en liberté car son mandat d'arrêt a disparu de la banque de données de la police. Frustrée, Aline n'a guère le temps de ruminer cette avanie car on lui confie une nouvelle mission. Une jeune étudiante en cybernétique, June Chow, a disparu après avoir été accusée d'avoir elle aussi "débloqué" un robot, mais il s'en serait pris à elle avant de s'enfuir. L'affaire est suivie par l'inspecteur Simon Gordaux, un débutant qui pense à une fugue.


Mais en inspectant la chambre de June, Aline et Carlos y découvrent le cadavre de sa colocataire. Gordaux et Aline décident de se partager l'enquête : à lui la traque du robot, à elle la recherche de June. En interrogeant un des professeurs de l'étudiante, elle apprend que nombre d'élèves louent leurs cerveaux pour la compagnie privée Brainfarmers et d'autres, les filles, se prostituent afin de pouvoir payer leurs frais de scolarité élevés.


Aline et Carlos se rendent donc dans le club où les étudiantes monnaient leurs charmes et y trouvent June mais également la réplique androïde qu'elle avait conçue pour la remplacer en cours ou avec des clients. Les deux sont arrêtées quand des tueurs surgissent et obligent Aline et June à fuir, couvertes apr Carlos. Peine perdue : June est exécutée.
 

Tandis que la brigade scientifique arrive sur place, Aline reçoit un appel de Gordaux qui a retrouvé le robot, neutralisé. Et celui-ci n'a pas perdu son temps puisqu'il avait commencé la fabrication d'un vaisseau spatial...


Je vais être parfaitement franc : je ne suis plus très client des films d'animation. Je trouve que les films, notamment produits par Pixar, Dreamworks, Illumination Enertainment ou autres se ressemblent tous, avec ces designs de personnages caoutchouteux, lisses, au surjeu hystérique. Parfois, certes, c'est au service d'un bon scénario, mais je m'en suis lassé. Même Les Indestructibles 2 de Brad Bird m'a déçu (alors que le 1 était une merveille), idem pour Spider-Man : Accross the Spider-verse qui m'a donné la migraine (alors que là aussi Into the Spider-verse m'avait réjoui).


Sur le petit écran, c'est à peu pareil : les designs sont souvent affreux, ou pas à la hauteur des promesses annoncées. Seules les productions d'exception, en provenance de Netflix comme Arcane ou récemment Blue Eye Samuraï sortent du lot par leur inventivité narrative et leur beauté esthétique.


Donc, tout ça pour dire que je suis totalement passé à côté de Mars Express lors de sa sortie en salles en Novembre 2023, malgré des critiques dithyrambiques. Finalement, encouragé par des connaissances, j'ai pris sur moi de rattraper ce long métrage, qui plus est français. Et, ma foi, j'ai bien fait car voilà quelque chose qui mérite le détour.

Déjà parce que l'intrigue investit le domaine de la science-fiction mélangé au polar, deux genres qui ont bercé ma jeunesse de lecteur quand je passais de Isaac Asimov à Dashiell Hammett. Si j'ai ensuite considérablement ralenti ma fréquentation de la s.-f. en roman, je suis resté friand d'histoires policières, et quand Blade Runner 2049 est sorti, je l'ai adoré (presque plus, pour une fois, que le premier volet).

Visuellement, Mars Express se démarque donc nettement de tout ce que les majors américaines produisent en matière d'animation. Il ne doit rien non plus à la déferlante manga (qui me laisse froid). Le trait évoque volontiers la ligne claire franco-belge et les designs sont particulièrement sobres tout en soignant les décors, les véhicules et accessoires. On est là dans un univers qui a été superbement pensé, ouvragé, et ça se voit à l'écran. Tout est cohérent, solide, avec une vraie originalité.

J'ai particulièrement apprécié que la texture des images ne ressemblent pas à ce look plastifié, aseptisé des Pixar et compagnie. Les personnages appartiennent au style réaliste, mais pas photo-réaliste, avec une stylisation impeccable. La façon dont ils sont vêtus, coiffés, les accessoires dont ils se servent (armes, véhicules), le cadre dans lequel ils évoluent (des métropoles futuristes sans excès), c'est vraiment très bien dosé, conçu.

Parfois l'animation manque un peu de souplesse, de dynamisme, mais je pense qu'on peut mettre ça sur le compte d'un budget qui n'a rien à voir avec les fortunes dépensées Outre-Atlantique, avec des armadas d'artistes et de logiciels perfectionnés pour rendre le plus crédibles possible le moindre détail, dans ce curieux mélange de fantaisie et d'hyper-réalisme. Toutefois, quand l'action domine, Mars Express réserve de belles scènes, avec des angles de vue très dynamiques, qui rendent justice au script.

Le script, parlons-en : l'intrigue est touffue mais accessible, les auteurs (Jérémie Périn, le réalisateur, a co-écrit avec Laurent Sarfati) ne se perdent pas en digressions (comme pour, par exemple, expliquer comment la société humaine a colonisé Mars, ou la place qu'occupent les robots, ni même la guerre que mentionne Aline et Carlos dans laquelle ce dernier a trouvé la "mort" avant que son esprit ne soit transféré dans un androïde). Les protagonistes sont bien caractérisés, en particulier le duo Aline-Carlos, mais également la hackeuse Roberta. C'est un peu moins le cas pour Chris RoyJacker, ce magnat de la robotique, qui manque un peu d'épaisseur et de temps de présence à l'image. On a aussi un peu de mal avec l'inspecteur Gordaux qui hérite d'une affaire importante alors que c'est un "bleu" et que sa contribution est finalement limitée et peu utile au tandem de détectives.

Le dénouement ose quelque chose d'assez poignant et se permet une référence directe, visuellement, à la célèbre séquence de la porte des étoiles dans 2001 : L'Odyssée de L'espace de Stanley Kubrick. Mais loin d'être une citation frimeuse, elle a sa place et elle est bien amenée par Jérémie Périn.

Vocalement, Mars Express ne commet pas l'erreur de beaucoup de distributeurs français qui vont chercher des stars sans aucune compétence particulière pour le doublage mais qui sont sollicités pour espérer attirer leurs fans. Ici, le réalisateur et ses producteurs ont préféré s'appuyer sur des acteurs solides qui ne cherchent pas à voler la vedette au film, en l'occurrence Léa Drucker (Aline), Daniel Njo Lobé (Carlos), Matthieu Amalric (RoyJacker) et Sébastien Chassagne (Gordaux). Le résultat est impeccable.

Bref, si vous aussi vous êtes passé à côté, rattrapez-vous et voyez cet excellent Mars Express. Assurément un des meilleurs opus hexagonaux de l'an dernier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire