mercredi 17 avril 2024

IMMACULEE (Michael Mohan, 2024)

 

Soeur Cecilia, une jeune novice américaine, intègre un couvent où on soigne des religieuses mourantes en Italie à l'initiative du père Tedeschi. Elle s'est convertie au christianisme très jeune après avoir failli se noyer dans un lac gelée et avoir été déclarée morte pendant sept minutes. Convaincue qu'elle doit sa survie à Dieu, elle prononce donc ses voeux et devient nonne. On lui remet un chapelet.



Cecilia se lie d'amitié avec Gwen mais bientôt des événements étranges l'interpellent, comme cette soeur plus âgée sur la plante des pieds de laquelle elle remarque des cicatrices en forme de croix. Puis elle découvre par hasard dans la chapelle un clou qui, selon le père Tedeschi, aurait été un de ceux qui a servi à la crucifixion du Christ. Lorsqu'elle confie ses doutes au cardinal, celui-ci reste silencieux.


Un jour qu'elle prend son bain en compagnie d'autres soeurs, Cecilia est prise d'une violente nausée. Examinée par le médecin du couvent, elle apprend l'impensable : elle est enceinte. Impossible, jure-t-elle devant le père Tedeschi et le cardinal car elle est vierge. La nouvelle fait grand bruit dans cette communauté et tout le monde croit à un miracle.


Alors, soeur Cecilia porte-t-elle en elle le nouveau Messie ?


La production de Immaculée est en soi toute une histoire : il y a quelques années, Sydney Sweeney auditionne pour un rôle dans ce film. Mais finalement, le projet est abandonné, faute de financement. Entre temps, la jeune actrice se fait un nom à Hollywood en apparaissant dans la série Sharp Objects, et surtout dans Euphoria dont elle devient l'une des stars (avec Zendaya, l'autre grande révélation du show de Sam Levinson).


Sweeney n'est pas du genre à attendre sa chance. Elle veut faire carrière et prouver son talent d'actrice quand les trolls la réduisent à une poupée blonde à forte poitrine qui ne sait pas jouer la comédie. Elle monte donc sa propre société de production pour initier des longs métrages dans lesquels elle aura le premier rôle et le le choix des sujets. C'est ainsi qu'elle convainc Sony de payer pour Tout sauf toi en échange de sa participation à Madame Web.


Mais son autre objectif, c'est de jouer dans un film d'horreur, genre dont elle est fan. Alors elle récupère les droits d'Immaculate, fait réécrire le script, participe aux repérages en Italie, rappelle Mike Mohan avec qui elle a tourné Les Voyeurs pour le mettre en scène.

Les films situés dans des couvents où il se passe des choses peu catholiques, il y en a eu pléthore, et souvent des nanars. Mais Immaculée échappe à cette malédiction et résonne même de manière très politique dans l'Amérique de 2024 alors que la Droite républicaine et la Cour Suprême se liguent pour restreindre le droit des femmes à disposer de leur corps, notamment en donnant à chaque Etat fédéral l'autorisation d'interdire l'avortement.

Et Immaculée, sous l'apparence d'un film d'horreur classique, parle justement de ça : du combat féministe contre l'emprise des hommes. Dans ce couvent italien isolé où atterrit la jeune novice Cecilia, une religieuse, dans le prologue du récit, a tenté de s'enfuir avant d'être rattrapée in extremis et enterrée vivante. Plus tard, une autre bonne soeur se verra infliger un traitement aussi barbare (on lui tranchera la langue) pour avoir osé protester contre l'attitude de sa communauté.

Cecilia, dès le début, est traitée avec un mélange de suavité er de sévérité : le père Tedeschi qui l'a invité à rejoindre ce couvent fait tout pour la rassurer, faciliter son intégration (en traduisant ce que les nonnes et le cardinal lui disent en italien, qu'elle comprend mal), tandis que soeur Isabella la traite avec dédain et la prévient de l'austérité de l'endroit et de la dureté des tâches qui lui incombent (on soigne là des religieuses à l'agonie).

Puis survient l'inimaginable : Cecilia tombe enceinte. Immaculée conception ? C'est en tout cas ce qu'on lui affirme puisqu'elle jure être vierge, n'avoir jamais couché avec un homme, jamais fait oeuvre de chair. Son statut change radicalement : elle porte en elle le futur Messie, le sauveur de l'humanité. Ses soeurs la bénissent. Sauf Isabelle qui tente de la tuer en la noyant dans son bain - écho à l'accident auquel elle survécut plus jeune en tombant dans un lac gelé et en étant déclarée morte sept minutes durant (ce qui décidera de sa vocation, persuadée qu'elle doit la vie à Dieu).

Le scénario d'Andrew Lobel joue habilement avec les ellipses et Mike Mohan ne perd pas de temps (le film dure 90'). La grossesse déclarée, on fait un bond dans le temps pour arriver au second trimestre. Cecilia a le ventre alors bien rond mais souffre de nausées violentes et sa santé se détériore (elle perd une dent en vomissant, puis un ongle à sa main droite se détache). Lorsqu'elle demande à aller à l'hôpital, elle essuie un refus catégorique.

Puis à nouveau, plusieurs mois ont passé en un éclair : on arrive au troisième trimestre de la grossesse. Et là, les révélations glaçantes s'enchaînent à mesure que Cecilia se rebelle et qu'on fait tout autour d'elle pour contrarier ses projets de fuite. Lorsqu'elle découvre l'horrible vérité, elle est sur le point d'accoucher et elle se bat alors pour survivre dans un déchaînement de violence impressionnant. Plusieurs scènes réclament au spectateur d'avoir le coeur bien accroché et les armes improvisées dont usera Cecilia feront tourner de l'oeil aux intégristes (ce qui, en soi, est toujours jubilatoire). La fin est franchement renversante et confirme le propos féministe et survivaliste du film, sans aucune ambiguïté possible. Mais n'est-ce pas là qu'on distingue une bonne série B, par sa capacité à délivrer un message sous le voile du divertissement ?

Sans vouloir être désobligeant, on se fiche un peu du casting car Sydney Sweeney est tout simplement bluffante et écrase tout sur son passage. Elle livre une composition habitée et encore une fois, dans la toute dernière scène, elle vous fait dresser les cheveux sur la tête dans un moment primal d'une force inouïe. Après ça, ceux qui douteront encore de son talent de comédienne seront des cas désespérés.

Entre les films dont elle sera à l'affiche prochainement (comme Eden de Ron Howard, aux côtés de Ana de Armas et Jude Law) et ses propres projets (comme le remake de Barbarella, que pourrait réaliser Edgar Wright - un cinéaste à même de la crédibiliser encore davantage), on n'a pas fini d'être épaté par Sydney Sweeney, et pas que pour sa beauté de pin-up.

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