dimanche 31 mars 2024

LES FILS DE L'HOMME (Alfonso Cuaron, 2006)


Royaume-Uni. 2027. La civilisation s'est effondrée suite à un écocide. Plus aucun enfant n'a vu le jour depuis 18 ans. La Grande-Bretagne est un des rares pays dont le gouvernement fonctionne toujours mais il s'est transformé en Etat répressif, arrêtant et parquant dans des camps tous les immigrés. Theo Faron, un ancien activiste devenu bureaucrate, échappe de justesse à un attentat avant d'être kidnappé par les Poissons, un groupuscule classé terroriste qui lutte pour les droits des migrants et dont le leader est Julian Taylor, l'ex-femme de Theo.


Celle-ci lui remet une forte somme d'argent s'il lui procure deux laissez-passer. Theo s'adresse à son cousin ministre, et contre une rallonge accepte d'escorter à l'autre bout du pays Kee, une jeune femme africaine, et Miriam. Ils roulent avec Julian et Luke, son second, en direction de Canterbury lorsqu'ils tombent dans une embuscade. Des tires sont échangés et Julian est mortellement blessé. Plus loin, deux policiers les arrêtent avant que Luke ne les abatte.


Gagnant une ferme, Luke est élu nouveau chef des Poissons tandis que Theo découvre que Kee est enceinte de huit mois ! Mais la nuit venue, il surprend une discussion animée au cours de laquelle il comprend que Luke a organisé l'embuscade qui a conduit à la mort de Julian et qu'il veut enlever le bébé à sa mère pour l'exploiter à des fins politiques. Theo réveille Miriam et Kee et s'enfuit avec elles.


C'est le véritable début d'une odyssée dans l'Angleterre dévastée par un début de guerre civile entre des mouvements révolutionnaires et les autorités, au milieu de laquelle il faut sauver Kee et son futur enfant en les livrant à l'équipage d'un navire appartenant à une organisation scientifique luttant contre l'infertilité...


J'ai longtemps entendu beaucoup de bien au sujet des Fils de l'Homme sans l'avoir jamais vu. Il faut dire que Gravity, le succès planétaire de Alfonso Cuaron, son réalisateur, m'a beaucoup échaudé et je craignais une nouvelle désillusion. En revanche, je suis un grand fan de l'acteur Clive Owen, qu'on peut voir actuellement dans la série Mr. Spade sur Canal +, et c'est ce qui m'a finalement motivé.


Je n'ai pas lu le roman éponyme de P.D. James dont est adaptée l'intrigue de Children of Men, dont je ne sais pas si c'est fidèlement transposé, mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Et je dois dire que question ivresse, ce long métrage la procure avec sa réalisation virtuose, son rythme soutenu et son intensité implacable.


Faut-il dire que Les Fils de l'Homme est un film d'anticipation ? Si vous êtes un adepte de la collapsologie, sans doute. C'est hélas ! un courant de pensée qui compte de nombreux partisans, prédisant la chute de la civilisation industrielle à la suite d'un écocide dans les prochaines années. Mais ce n'est pas mon cas : sans être un optimiste aveugle, je crois aux forces du progrès, sinon au sursaut de l'humanité, pour surmonter des crises comme celles qui nous attendent.

Mais il faut aussi reconnaître que ça ne va pas bien, que les menaces sont multiples, et que surtout, d'un point de vue romanesque, le pire inspire de bonnes histoires. Celle-ci ne fait pas exception, qui fait d'ailleurs étrangement écho à la série de comics Y le dernier homme de Brian K. Vaughan et Pia Guerra (DC Comics pour la vo, Urban Comics pour la vf), même si le livre de P.D James date de 1992, soit dix ans avant l'oeuvre de BVK et Guerra.

On plonge donc dans une société frappée par une infertilité depuis 18 ans et le héros, Theo Faron, va devoir escorter à travers une Angleterre au bord de la guerre civile une jeune femme africaine enceinte. La révélation est bien amenée même si, entre temps, je connaissais ce rebondissement (difficile de ne pas se faire spoiler avec un film qui est sorti il y a 16 ans). Ce qui compense, c'est l'enjeu que représente cet enfant à venir.

Le récit montre comment un groupuscule d'activistes, comme celui auquel a appartenu Theo dans le passé, compte exploiter cet événement à des fins politiques puisque la question migratoire est devenue centrale en 2027 (année où se situe l'action). Que se passerait-il, effectivement, si une jeune africaine portait dans son ventre le premier bébé à naître depuis 18 ans alors qu'elle est coincée dans un pays qui arrête en enferme tous les immigrés dans des camps ? Le sujet est traité de manière directe et mouvementée via le prisme de la course-poursuite et du film de guerre.

Les péripéties traversées par le trio de protagonistes (Theo, Kee, Miriam) dressent le portrait glaçant d'une nation qui a sombré dans un régime répressif d'un côté et celui non moins flippant d'une bande de rebelles armés prêts à commettre u coup d'état. La mise en scène d'Alfonso Cuaron exploite très bien le cadre sans avoir besoin d'en rajouter pour maquiller les décors. 

Mais surtout la caméra est extrêmement mobile, souvent porté à l'épaule, ce qui donne au film des allures de reportage, ou alors avec des plans-séquence ahurissants (comme celui de l'embuscade et de la fuite ou plus tard quand Theo s'engage dans un immeuble sous le feu de l'armée régulière, gravissant les étages, parcourant des paliers à la recherche de Kee et son bébé). Faut avouer, ça secoue, mais surtout c'est moins gratuit que dans Gravity où ces mouvements d'appareils ressemblaient davantage à une démonstration technique.  

L'interprétation est évidemment de première classe. Julianne Moore apparaît peu, son personnage étant vite sacrifié, ce qui est malin pour convaincre le spectateur que personne n'est à l'abri. Chiwetel Ejiofor campe un bel enfoiré. Michael Caine s'amuse en vieux caricaturiste hippie. Peter Mullan joue un flic bien louche. Et Clare-Hope Ashitey est épatante dans le rôle de cette jeune mère. Quant à Clive Owen, il est égal à lui-même, c'est-à-dire rien moins qu'excellent : son secret, c'est lui-même qui le dit, c'est que, fou de Bogart et des films noirs, cela lui a appris à n'en faire jamais trop, à épouser le rythme du film plutôt qu'à chercher la performance. Et c'est bien l'un des rares aujourd'hui (avec Ryan Gosling) à jouer comme ça.

Les Fils de l'Homme mérite sa bonne réputation.

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