mercredi 24 avril 2024

MR. MAJESTIK (Richard Fleischer, 1974)


Ancien instructeur des Rangers de l'armée américaine et vétéran du Vietnam, Vincent Majestik s'est reconverti dans la culture de pastèques dans le Colorado. Il doit procéder rapidement à sa récolte pour maintenir la solvabilité de son affaire et recrute des saisonniers mexicains pour l'aider.


Mais Bobby Kopas tente de le contraindre à employer de la main d'oeuvre local. Majestik ne s'en laisse pas compter et lui inflige une correction. Kopas, rancunier, porte plainte et Majestik est arrêté et conduit au poste de police, ce qui entraîne l'arrêt de la récolte.


Comme si ça ne suffisait pas, en cellule au commissariat, Majestik fait la connaissance de Frank Renda, un tueur à gages de la mafia qu'il agace. Lors de leur transfert jusqu'au palais de justice, des complices de Renda attaquent le fourgon qui les transporte, blessant plusieurs policiers de l'escorte. Makjestik prend alors les choses en main et fuit au volant du véhicule avec Renda, toujours menotté, qu'il emmène dans les contreforts voisins où il possède une cabane de chasse.


Majestik se voit proposer par Renda 25 000 $ contre sa liberté mais Vincent préfère jouer une autre carte et téléphone à la police pour passer un marché : l'abandon des poursuites contre lui en échange de Renda. Le capitaine refuse. Majestik décide alors de négocier avec la mafia et Wiley, la femme du tueur, vient les chercher. Mais elle donne aussi une arme à son mari qui tente d'abattre Majestik. Celui-ci réussit à fuir mais le tueur refuse de renoncer à l'éliminer...


Mr. Majestik a 50 ans et revoir ce film me renvoie à mon année de naissance. Le long métrage de Richard Fleischer écrit par Elmore Leonard ressemble au vestige d'une époque lointaine avec son héros viril et cool contre un tueur aussi bête que méchant. Vertigineux.


Bien sûr, c'est une erreur de juger un film (ou un livre ou disque) avec le regard de 2024 : les moeurs ont changé, la façon d'apprécier une histoire aussi, le traitement des personnages, le filmage, tout ça est totalement différent aujourd'hui. Si on n'est pas familier avec ce cinéma-là, nul doute qu'il paraîtrait machiste, primitif, archaïque. De quoi être un spectateur condescendant à bon marché.
 

Mais moi, j'ai grandi avec ce cinéma-là et quand j'étais gamin, Charles Bronson était une des mes idoles. Je ne l'estimai pas pour ses qualités d'acteur, je m'en fichais bien : c'était un héros, un dur-à-cuire qui avait un sourire étrangement doux, des petits yeux, une moustache, et un physique inhabituel - celui d'un ancien bûcheron qui n'avait pas besoin de fréquenter une salle de sports comme par la suite les action heroes des 80's comme Stallone et Schwarzenegger. Aujourd'hui encore quand je remarque les tablettes de chocolat qu'un comédien exhibe pour un rôle, ça me fait sourire car je pense à la musculature naturelle de Bronson.

On a pour nos héros de cinéma pour toujours les yeux du gamin qui les a découverts. Charles Bronson n'est pas de Niro, mais il est ce type qui jouait de l'harmonica dans Il était une fois dans l'Ouest en attendant de défier Henry Fonda pour l'éternité. Tant pis si ensuite il a complètement sombré en rejouant Un justicier dans la ville ad nauseam (cela dit, le premier reste bien).

Ici, donc, il est Vincent Majestik (ah, ce nom !), un ancien de l'armée, ayant servi au Vietnam, qui est désormais exploitant agricole. Une suite invraisemblable d'emmerdements et de quiproquos le met sur la route d'un tueur particulièrement rancunier et totalement crétin puisqu'au lieu de foutre la paix à Charles Bronson, il s'entête à vouloir le tuer pour avoir voulu le livrer aux flics. Sa bêtise lui coûtera cher et énervera Majestik : deux mauvais points.

Frank Renda est joué par Al Littieri, qui courait déjà après Steve McQueen et Ali McGraw dans Guet-Apens de Sam Peckinpah, deux ans plus tôt : le mec cherchait vraiment les ennuis. Mais c'est un adversaire crédible car c'est une armoire à glace avec une certain génie pour camper les sales types, goujat, grossier, brutal. Son affrontement avec Bronson est donc crédible et entretient un relatif suspense.

Le scénario du romancier Elmore Leonard décrit surtout formidablement bien le racisme ambiant avec l'ignoble Kopas qui appelle les saisonniers mexicains des "métèques". Les dialogues de celui qui est le modèle de Tarantino fusent, cinglants, et on se rend compte qu'ils seraient impensables aujourd'hui sans qu'on accuse leur auteur d'être raciste. On vit vraiment une drôle d'époque...

De même les néo-féministes verraient sans doute d'un drôle d'oeil la romance entre Majestik et Nancy Chavez, soulignant que le premier exploite la seconde et la complimente non pas pour son activisme syndical mais pour sa beauté. Pourtant ils n'auront même pas le temps déchanger un baiser de tout le film.

Enfin, Mr. Majestik s'embarrasse assez peu de justice légal : les méchants connaissent tous une mort expéditive et vengeresse, la police laisse faire. Mais qui peut bien voir autre chose ici qu'un western qui ne dit pas son nom : imaginez seulement la même histoire avec des chevaux au lieu de voitures et vous verrez que c'est le cas. S'offusque-t-on que les cowboys envoient leurs ennemis ad patres sans formalité ? Ce monde est-il sérieux ?

En 2024, donc, Mr. Majestik est un film inconvenant. Mais pour moi, c'est Charles Bronson qui dégomme des méchants avec le sourire et ses petits yeux malicieux. C'est mon enfance. Et l'enfance se fiche bien des convenances.

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