mardi 9 avril 2024

GRIM, VOLUME 3 : LUST FOR LIFE (Stephanie Phillips / Flaviano)


Annabel a trahi Jessica et ses amis en le livrant à Adira. En échange, elle accède à ce qu'elle avait réclamé à cette dernière et Kelly. Cependant l'incarnation de la Vie consent à exaucer le souhait le plus cher de Lilah, la mère de Jessica, contre l'amulette qu'elle possède. Adira, soucieuse de ce qu'elle a accepté de donner à Annabel, demande son aide à Jessica en lui remettant la faux de son père, la Mort.


L'incarnation de la Vie s'impatiente et arrache son amulette à Lilah. Jessica comprend que la faux de son père est dotée d'une âme et peut la conduire là où elle désire. Mais alors qu'elle pense libérer Marcel, elle et Eddie vont faire l'expérience de leur enfer personnel. Quant à Annabel, ce qu'elle a obtenu se retourne contre elle.


Pendant ce temps, en enfer, Marcel est replongé en 1898, quand, à Paris, il vivait avec Marcel et l'ambition de devenir un grand auteur dramatique. Mais incapable de produire quoi que ce soit, il scelle un pacte faustien pour arriver à ses fins et le prix à payer ne cessera de le hanter...


Tout d'abord, je dois préciser que j'appuie cette critique sur la lecture du trade paperback en vo car j'ignore à quand Huginn & Muninn sortira la traduction de ces cinq nouveaux épisodes en français. La série a par ailleurs connu un hiatus de quelques mois aux Etats-Unis et vient tout juste de reprendre sa publication donc il ne serait guère étonnant que la vf attende un peu, pour que le décalage ne soit pas trop grand.
 

Grim a fait de Stephanie Phillips, sa co-créatrice et scénariste, une femme convoitée par les grands éditeurs. Après DC, elle est désormais occupée chez Marvel (elle va relancer la série Spider-Gwen). Mais cette série demeure son oeuvre la plus personnelle et intéressante.


Toutefois, il apparaît clairement que ces épisodes (#11 à 15) sont en quelque sorte de chapitres de transition avant, peut-être, un dénouement prochain. Phillips s'emploie en effet à disposer de nouveaux enjeux, à cerner plus exactement certains personnages, et l'intrigue donne parfois l'impression de progresser avec moins de fluidité en raison de rebondissements abondants mais sans liens apparents les uns avec les autres.

Le fil rouge est toutefois assez clair : du trio formé par Jessica Harrow, Eddie et Marcel, ne subsiste depuis la fin du tome précédent qu'un duo (Jessica et Eddie) car Marcel a été envoyé en enfer, puni pour une ancienne faute. Le retrouver et le libérer devient donc la priorité de ses deux amis mais ils ne sont pas en mesure de le faire car ils ont été trahis par Annabel qui les a livrés à Adira.

Prisonniers sous la rivière Styx, Jessica et Eddie sont au comble di désespoir et ignore que Annabel s'est vu promettre un e récompense exorbitante et dangereuse pour sa trahison. Au point que Adira craint que cela ne mette encore davantage en péril sa propre situation de remplaçante de la Mort dans l'au-delà. Dès lors, l'improbable se produit : Adira demande l'aide de Jessica qui, en échange, exige d'abord de récupérer Marcel.

Stephanie Phillips prend le parti, risqué, d'occulter tout ce qui se passe pendant ce temps sur Terre où plus personne ne meurt mais souffre quand des humains sont blessés ou malades. J'avoue que cet arrière-plan m'a manqué car il rendait l'histoire plus abordable. Là, on évolue dans des cadres abstraits, et souvent le rythme fléchit nettement.

L'exemple le plus notable, c'est dans les scènes entre Lilah, la mère humaine de Jessica, et l'incarnation de la Vie. Il est question de cette mystérieuse amulette en possession de Lilah que convoite la Vie. Problème n°1 : on ne sait pas jamais bien au juste pourquoi une entité su puissante que la Vie veut cette amulette - quel est le pouvoir si considérable de cet artefact ? Problème n°2 : il faut attendre deux épisodes pour que la Vie, excédé, décide d'arracher l'amulette à Lilah et alors on se pose la question de savoir pourquoi il ne l'a pas fait avant - pourquoi a-t-il voulu négocier quelque chose qui lui est finalement si facile de prendre ?

Parfois donc, Phillips semble vouloir jouer la montre avec des péripéties périphériques un peu longuettes, comme quand elle fait dialoguer les Moires (Cletho, Lachésis, Atropos) comme si elles commentaient, avec un mélange de détachement et d'envie d'agir, les événements. 

En revanche la scénariste prouve la qualité de son inspiration quand, au #13, elle ose un interlude pour dévoiler l'histoire de Marcel et son amant Henri dans le Paris de la fin du XIXème siècle. Un chapitre poignant, cruel, merveilleusement écrit et somptueusement mis en images. Tout ça avant les deux derniers épisodes de l'album, qui voit une vraie montée en puissance, avec des moments spectaculaires et un cliffhanger très accrocheur.

Si donc le script est inégal, les dessins de Flaviano sont toujours aussi magistraux. L'artiste peut toujours compter sur Rico Renzi aux couleurs pour produire des images mémorables, captivantes et troublantes, magnifiquement composées. Mais surtout son storytelling est irréprochable et rattrape souvent les coups de pompe du scénario par des inventions graphiques - notamment en inversant le sens des images et en montrant les personnages comme en train de chuter (ce qui colle parfaitement avec le voyage en enfer).

Il y a par ailleurs dans le trait de Flaviano une rondeur élégante qui adoucit le côté "grim'n'gritty" de l'intrigue de telle sorte que le lecteur s'y plonge et ne prend qu'en suite conscience de la noirceur des situations auxquelles sont confrontés Jessica, Eddie, Marcel. Une espèce de logique conformiste voudrait que Grim soit dessinée par un artiste au style plus lugubre (façon Ashley Wood), mais avec la palette de Rico Renzi et le trait de Flaviano, on perd nos repères et on est davantage surpris car le résultat est moins convenu.

Grim, malgré quelques trous d'air dans ce tome, demeure une des meilleures séries indés du moment et on n'est pas rassasié par ce qu'ont à raconter Stephanie Phillips et Flaviano.

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