mardi 30 avril 2024

THE TWO FACES OF JANUARY (Hossein Amini, 2013)


1962. Chester MacFarland et sa femme Colette son en vacances en Grèce. A l'Acropole, ils rencontrent Rydal Keener, jeune guide américain qui leur sert d'interprète dans un marché où Chester achète un bracelet à sa femme. Ils l'invitent à dîner le soir puis partagent un taxi pour rentrer. Après s'être fait leurs adieux, Rydal remarque que Colette a oublié son bracelet sur la banquette arrière du taxi et il part le lui ramener.


Cependant, Chester reçoit d'abord la visite d'un homme dans leur chambre et s'isole avec lui dans la salle de bain : il s'agit d'un détective privé engagé par des clients que Chester a floué financièrement par des placements douteux. Les deux hommes en viennent aux mains et le privé fait une chute et se cogne la tête contre le rebord de la baignoire. Il meurt sur le coup. Chester le déplace dans sa chambre en faisant croire à Colette qu'il s'est seulement blessé.


Rydal surprend Chester dans le couloir et s'entend dire que l'homme est ivre et a cherché à agresser Colette. Mais une fois dans sa chambre, le jeune guide comprend que c'est un mensonge en voyant des photos volés du couple. Chester lui offre de l'argent pour qu'il les aide, lui et Colette, à quitter l'hôtel discrètement. Ils filent par l'arrière sans récupérer leur passeport et se réfugient chez Rydal. Ce dernier emmène ensuite Chester chez un ami faussaire pour qu'il procure des faux papiers aux MacFarland. 


La livraison aura lieu à Heraklion en Crète où Rydal accompagne les MacFarland. Sur cette petite île, l'attirance entre Colette et Rydal attise la jalousie de Chester qui croit que le guide veut l'escroquer. Alors qu'ils prennent un bus pour gagner Heraklion, Colette prend peur, craignant d'avoir été reconnue par un passager et descend avant le terminus. Le trio se réfugie dans les ruines de Knossos pour la nuit qui va conduire Chester à commettre l'irréparable...


Alfred Hitchcok est un cinéaste qui a inspiré bien des cinéastes, sans que beaucoup aient pu rivaliser avec son art. C'est comme si le maître du suspense avait emporté ses secrets dans la tombe, laissant ses émules impuissant à reproduire ce mélange d'élégance et de tension qui faisait tout le seul de ses films. Brian de Palma a trouvé le moyen de marcher dans ses pas en soulignant ses effets de style jusqu'à l'outrance.


Mais Hossein Amini, en adaptant lui-même le roman de Patricia Highsmith, a sans doute réalisé ce qui se rapproche le plus de ce que réussissait Hitchcock dans ce méconnu The Two Faces of January, qui aurait très pu être signé par le cinéaste anglais avec Grace Kelly, Cary Grant et, disons, Farley Granger dans les rôles respectifs des MacFarland et de Rydal.


On suit donc ce trio étrange formé par un américain devenu guide touristique en Grèce et un couple de riche vacanciers après qu'un échange de regards à l'Acropole ait scellé leur destin commun. Rydal voit en Chester MacFarland un homme qui lui rappelle son père, récemment décédé, possédant la même classe mystérieuse. Il tombe aussi sous le charme de sa très belle épouse, Colette.

Mais Chester n'est pas celui qu'il paraît : c'est un escroc qui fuit des clients qu'il a escroqués en les convaincant de placer leur argent dans des affaires louches. Il profite des sommes qu'il a détournées pour mener la grande vie et voyager avec sa femme dont on ignore si elle sait vraiment ce qu'il a fait - elle le sait sans doute mais ferme les yeux, comptant sur l'assurance de son homme pour se sortir de toutes les situations : Chester n'a-t-il pas été un des soldats débarquant sur les plages de Normandie à la fin de la seconde guerre mondiale, brillant par son courage et son héroïsme ?

Rattrapé par ses délits, Chester tue accidentellement un détective et doit fuir avec Colette. Ils peuvent compter sur Rydal pour les aider, lui que son père, autoritaire, a forcé à apprendre plusieurs langues et à se débrouiller seul. Il connaît la région comme sa poche, a des amis précieux capables de fournir de faux papiers rapidement, et s'il n'apprécie pas spécialement Chester, il est prêt à tout pour Colette.

Le trio, retranché en Crète, va faire l'expérience d'une vie de fugitifs. Chaque fois qu'ils croisent un policier, la peur les étreint. Hossein Amini excelle à traduire ce climat oppressant sous le soleil écrasant de cette petite île qui semble égarer Chester, persuadé que Colette le trompe avec Rydal, que Rydal attend le moment opportun pour lui voler son argent contenu dans la valise dont il ne se sépare jamais.

Arrivé aux deux tiers de l'aventure, un drame se produit, d'autant plus terrible qu'il est accidentel et témoigne de l'infortune qui désormais colle à Chester. Pourtant, il pense toujours s'en sortir. Quand le dernier acte se joue, Amini convoque Le Troisième Homme de Carol Reed avec une poursuite dans les rues et ruelles d'Istanbul. Le plus fort, c'est que malgré le poids de ces références, le cinéaste n'est jamais écrasé et son film se déroule avec une remarquable fluidité, sans rougir de la comparaison. Ce qui est tout de même bluffant.

On passe donc un moment savoureux avec ce thriller, finement écrit et superbement mis en images, soutenu par des acteurs qui sont juste parfaits. Oscar Isaac a l'ambiguïté nécessaire pour qu'on ne sache jamais ce qu'il pense vraiment après la fébrilité affichée au début de l'histoire, quand il est mis devant le fait accompli. Viggo Mortensen est royal en filou parano, promenant sa classe incroyable et son charisme naturel. Enfin, Kirsten Dunst trouve là une partition qui lui permet de mettre en valeur son jeu au cordeau et sa beauté classique, n'étant jamais la troisième roue du carrosse ni un simple objet de convoitise entre deux hommes.

Voilà donc un film qui mérite d'être (re)découvert. Quant à son réalisateur, il a depuis, semble-t-il, abandonné le grand écran pour le petit (où il a écrit et dirigé des séries comme L'Aliéniste ou Obi-Wan Kenobi).   

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