vendredi 12 avril 2024

WONDER WOMAN, VOLUME 1 : OUTLAW (Tom King / Daniel Sampere)


Le meurtre de plusieurs civils américains par une amazone provoque une crise diplomatique sans précédent entre les Etats-Unis et l'île de Themyscera. Une loi est votée qui bannit toutes les amazones du territoire américain et Sarge Steel est chargé des expulsions, en usant de la force si nécessaire.
 

Wonder Woman ne l'entend pas de cette oreille et veut enquêter. Steel reçoit comme mission de l'arrêter et de la renvoyer. Il accorde une chance à Steve Trevor, qui fut l'amant de l'amazone, de parlementer avec elle pour la raisonner. Mais elle préfère affronter l'armée à qui elle inflige une raclée.
 

Dans l'ombre, un homme, le Souverain, orchestre toute ces opérations. Proche du Président américain, il le manipule comme il l'a déjà fait avec ses prédécesseurs. Il reçoit un jeune soldat qui a été malmené par Wonder Woman. Quand ce militaire rentre chez lui, il rédige une lettre accablant l'amazone et se donne la mort.


Une nouvelle étape s'ouvre dans l'escalade politico-médiatique et l'image de Wonder Woman est compromise. Celle-ci pourtant est convaincue qu'on ne dit pas au peuple tout en haut lieu et elle confronte Sarge Steel qui lui révèle alors le nom de la meurtrière, une vieille connaissance de Wonder Woman. Amanda Waller, elle, aide ensuite Steel à former une équipe de choc pour stopper l'héroïne à tout prix tandis qu'elle refuse la main tendue par ses amies...
 

Tout d'abord, une précision : Urban Comics publiera la traduction de ces six premiers épisodes dans un album à paraître le 26 Mai prochain, tandis que le trade paperback en vo sera disponible le 2 Juillet. M'étant procuré ces numéros en floppies, je vous en livre donc une critique anticipée (le n°7 vient de sortir aux Etats-Unis).


Ensuite, il faut revenir sur deux points essentiels pour apprécier cet énième relaunch de la série consacrée à Diana Prince. D'une part, le personnage a connu bien des auteurs à son chevet depuis quelques années sans qu'aucun d'entre eux ne réussisse à transformer l'essai (comprendre : à refaire du titre une succès critique et commercial). Malgré tout, le run le plus récent, conduit par Becky Cloonan et Michael Conrad, s'est achevé avec le 800ème épisode.
  

A la fin de ce numéro historique, on pouvait découvrir les toutes premières pages écrites par Tom King et dessinées par Daniel Sampere, à l'origine de cette nouvelle relance. Des pages plutôt déconcertantes d'ailleurs puisque leur action se situait dans le futur avec Jon Kent, qui avait pris la place de son père en tant que Superman, et Damian Wayne, celui de sien en tant que Batman, et les deux jeunes hommes étaient accompagnés par une certaine Trinity, fille de... Wonder Woman ! Mais sans que l'identité de son père biologique ne soit révélée...

Ce qui nous amène à évoquer Tom King. Depuis son long run (80 épisodes + la mini série Batman/Catwoman) sur Batman, le scénariste avait pris ses distances avec les séries régulières, concentrant ses efforts sur des récits complets entre huit et douze épisodes au sein du DC Black Label (avec des titres à succès comme Mister Miracle, Strange Adventures, Rorschach, The Human Target...). Visiblement échaudé après avoir été écarté de Batman par un editor n'appréciant pas son style, c'est donc une surprise de le voir aux commandes de Wonder Woman dans son mensuel.

Il existe différents façons d'aborder ce personnage, qui expliquent ses difficultés à fidéliser un public, car contrairement à Superman, Batman et d'autres, il n'y a pas/plus de versions définitives de l'amazone. Soit, grosso modo, les scénaristes la traitent comme une déesse, proche par la puissance de Superman ; soit il privilégie une approche plus humaine, l'ambassadrice pacifiste des amazones. En confiant sa série à Tom King, DC semble avoir parié sur la faculté du bonhomme à trouver un angle original, comme il l'a fait avec des héros de seconde zone au sein du DC Black Label.

Et King met les pieds dans le plat sans tarder : une amazone tue, inexplicablement, plusieurs américains et provoque une crise inédite. Une loi est votée qui bannit toutes les amazones du territoire. Mais Wonder Woman veut rester pour enquêter sur le geste de sa compatriote et la retrouver. A partir de là, elle est considérée comme une outlaw, une hors-la-loi.

Hormis l'épisode 4, absolument imbuvable de niaiserie, qui voit Wonder Woman passer la journée avec une adolescent cancéreux et homosexuel, on n'est pas loin du sans-faute. King expose l'héroïne à une situation où elle voit un pays qu'elle a servi à de nombreuses reprises dans sa longue carrière se retourner contre elle. L'opposition à laquelle elle fait face est telle qu'on se demande comment elle peut gagner car il ne s'agit pas seulement de contrer un adversaire dans une bonne vieille baston, mais bien de composer avec une opinion hostile et des autorités sur les dents.

Tout cela, King le met en scène de manière très efficace et souvent spectaculaire, avec une excellente gestion des scènes d'action et d'exposition, une caractérisation précise, un méchant qui oeuvre en coulisses avec une intelligence tactique diabolique. Il y a un effet crescendo parfaitement maîtrisé, qui culmine avec l'épisode 6 et une bataille dantesque à Washington contre une bande de super vilains particulièrement coriaces.

Cependant, j'ai quelques réserves : la première concerne l'absence totale des amis super héros de Wonder Woman, dont on conçoit mal qu'il ne vienne pas soit l'aider, soit plaider sa cause. Editorialement, ça me paraît un choix hasardeux parce que même si, dans leurs séries respectives, les membres de la Justice League sont bien occupés, la situation de leur collègue ne peut les laisser insensibles et puis ça n'arrête pas ni les editors ni les auteurs que leurs personnages apparaissent dans les séries des autres.

Ensuite, il y a ce quatrième épisode que j'ai mentionné qui, en plus d'être insupportablement mièvre, est illogique. Wonder Woman est devenue la femme la plus recherchée des Etats-Unis et elle prend sa journée pour visiter un enfant malade. Et pendant ce temps, ceux qui la traquent laissent faire ? Grotesque.

Enfin, les Wonder Girls (Donna Troy, Cassie Sandsmark, Yara Flor) offrent naturellement leur aide à Diana mais elle la rejette sans qu'on comprenne vraiment pourquoi (elle se justifie en expliquant qu'elle ne veut pas les compromettre ni rendre la crise encore plus terrible entre les Etats-Unis et Themyscera). Mais ça ne tient pas. Comme pour la Justice League, ça n'a pas de sens.

Toutefois, sur ce dernier point, avec le dénouement de ce premier arc, les choses peuvent changer, donc wait and see. Mais bon, ce sont trois éléments qui m'ont un peu fait tiquer dans un ensemble de six chapitres par ailleurs très satisfaisants, affichant une cohérence qui manquait depuis des lustres à la série et qui prouve que King a un plan sur le long terme (comme pour son Batman, en espérant que cette fois il pourra aller au bout de ses idées).

Habitué à collaborer avec d'excellents artistes qui sont aussi des amis (au point que ceux-ci travaillent rarement ensuite avec d'autres auteurs que lui), King peut cette fois s'appuyer, pour la première fois, sur Daniel Sampere. Ce dessinateur a attendu son heure, après avoir souvent été cantonné à jouer les doublures pour d'autres (notamment son compatriote Bruno Redondo). Mais après avoir prouvé de quoi il était capable sur l'event Dark Crisis, DC lui a enfin fait confiance sur une de leurs séries phares.

Son mérite est d'autant plus grand que le script est exigeant. King lui a imposé de travailler dans un registre très réaliste et donc il a dû se documenter sur les armes, les tenues militaires, les engins de combat, très présents dans le premier tiers de l'arc. Quand ensuite interviennent les super vilains réunis par Amanda Waller et Sarge Steel, Sampere se montre toujours à l'aise pour les représenter et les animer dans des décors existants et des scènes intenses.

L'artiste dessine Wonder Woman de telle manière que sa force et son autorité ne font pas débat : elle est grande, athlétique, mais conserve sa beauté divine, son allure majestueuse, cette bienveillance combinée à une détermination sans faille. C'est une magnifique synthèse qui rend crédible chacune de ses apparitions. Ses face-à-face avec Sarge Steel sont tendus mais impeccablement retranscrit par une découpage rigoureux, souvent ponctués par des planches d'un esthétisme soigné, avec une colorisation de Tomeu Morey sublime.

Surtout on voit que Sampere est motivé, inspiré par ce qu'on lui donne à dessiner, à raconter, et il a annoncé son intention de dessiner une dizaine d'épisodes en un an (il est remplacé sur le #7 par Guillem March). Ambitieux mais prometteur.

Wonder Woman est en tout cas entre de très bonnes mains. A suivre donc.

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