lundi 22 avril 2024

BATMAN / SUPERMAN : WORLD'S FINEST, TOME 3 : ELEMENTAIRE / TOME 4 : RETURN TO KINGDOM COME (Mark Waid / Dan Mora)


Simon Stagg a été assassiné dans sa chambre d'hôtel alors qu'il avait un rendez-vous d'affaires avec Bruce Wayne. Batman, Robin et Superman mènent l'enquête et soupçonnent tout de suite Metamorpho. Celui-ci, quand il s'appelait encore Rex Mason était un pilleur de tombes et l'amant de Sapphire Stagg, la fille unique de Simon, qui voyait d'un mauvais oeil leur liaison et avait cherché l'éliminer.


Mais Metamorpho n'a jamais cherché à se venger et aujourd'hui encore il clame son innocence. De toute façon, Jimmy Olsen qui couvre l'affaire pour le "Daily Planet" accable quelqu'un d'autre : Bruce Wayne lui-même. Superman va devoir poursuivre les investigations seul avec Robin. Mais Wayne est vite libéré sous caution et enquête à domicile pour découvrir que plusieurs de ses riches amis, parfois super-héros (comme Oliver Queen/Green Arrow et Ted Kord/Blue Beetle) ont des comportements étranges.
 

Et l'affaire prend un tour inattendu et spectaculairement dramatique quand Superman et Robin sont surpris par la nouvelle version d'un vieil ennemi de la Justice League...


Bon, je vais y aller franco : c'est mauvais, très mauvais. Pourtant, ça démarre bien avec un cas classique de "whodunnit" avec le meurtre dans une chambre close (façon Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux) concernant une crapule notoire en la personne de Simon Stagg.


L'occasion pour Mark Waid d'intégrer au récit Metamorpho, un de ces outcasts du DCU qu'il affectionne, après la Doom Patrol (qui fait encore une fois une apparition ici) dans le tome 1 de World's Finest. Il introduit rapidement l'alter ego de Rex Mason puisqu'il est suspect et revisite ses origines de manière plus horrifique. Bruce Wayne est confondu par Jimmy Olsen puis tout déraille.


En vérité, c'est comme si Waid avait eu deux idées d'histoires mais aucune suffisante pour former un arc entier. Alors il a tenté à la manière de Paul McCartney et John Lennon pour A Day in the Life de lier ses deux morceaux pour n'en faire qu'un. Mais ça ne fonctionne pas du tout et pire, ça aboutit à un résultat brouillon, sombrant dans la surenchère. Une intrigue obèse et bancale.

En effet, comme s'il avait voulu traiter de l'essor des intelligences artificielles avant toute autre chose, le scénariste fait intervenir une multitude de robots, androïdes et autres créatures cybernétiques et son lot de savants plus ou moins fous pour résoudre cette affaire. A la fin, il enchaîne deux épisodes de batailles non-stop indigestes au possible. Ce machin bourrin est plus racoleur qu'inspiré.

Le pire reste à venir car il entraîne dans son bric-à-brac Dan Mora. Le dessinateur s'amuse comme un gamin avec une caisse de jouets pour mettre en images des bastons spectaculaires et une quantité non négligeable de guest-stars dans ce qui, au final, ressemble plus à un arc de la Justice League qui ne dit pas son nom qu'à une aventure de Batman et Superman (tous deux vite dépassés).

D'un côté, on se dit que Mora a bien du mérite et on est impressionné encore une fois par son abattage. Mais de l'autre, on se dit aussi que c'est un lamentable gâchis de voir un dessinateur de ce calibre se dépenser sur une histoire aussi navrante et poussive. Avec tous les personnages qu'il doit caser dans un seul plan, évidemment, il sacrifie les décors, mais à quoi bon quand tout ça n'est destiné qu'à être détruit pas des bagarres interminables et destructrices.

J'ai rarement lu un truc aussi mauvais de la part de Waid, totalement en roue libre. Mais surtout on en sort avec le sentiment que l'auteur a surtout voulu gagner du temps plutôt que d'embrayer directement avec la suite de l'histoire qu'il racontait dans le tome 2. La conclusion reste la même : ce n'est ni fait ni à faire.

*


Flash, grâce à son tapis de course cosmique, peut explorer le multivers et découvrir des Terres parallèles. C'est ainsi qu'il aperçoit pour la première fois et par hasard la Terre 22 et reconnaît David Sekela/Boy Thunder, le garçon recueilli par Superman il y a quelques temps et qui a été renvoyé on ne savait où.


Prévenus, Superman et Batman décident de se rendre sur la Terre 22 s'assurer que tout va bien pour le garçon en utilisant à leur tour le tapis de course cosmique de Flash. Mais une fois là-bas, ils vont vite déchanter : pour plus de discrétion, ils évoluent en civil puis découvrent que personne n'a jamais entendu parler du multivers. Puis ils voient David, devenu adulte et agissant désormais sous le pseudonyme de Thunderman, appliquant une justice violente contre des super vilains locaux.


Ils l'abordent et leur ancien protégé cherche à tuer Superman parce qu'il l'a abandonné. Les Superman et Batman de ce monde viennent à sa rescousse et obligent leurs doubles de notre Terre à fuir et se cacher pour apprendre que les héros ici sont aux ordres d'un géant tout-puissant, Gog, aux troubles desseins...
 

En 1996, Mark Waid et Alex Ross signaient Kingdom Come, à l'époque un récit "Elseworlds", c'est-à-dire hors continuité, dans lequel la Justice League se reformait pour endiguer une vague de crimes violents et raisonner des justiciers brutaux inspirés par le plus fameux d'entre eux, un certain Magog. En fait une critique directe contre les comics de l'époque et une réhabilitation de ceux du "silver age", mais avec suffisamment d'ambiguïté pour ne pas être une opposition manichéenne.


Ce classique allait être intégré finalement à la continuité onze ans plus tard dans le deuxième run de Geoff Johns sur la série Justice Society of America. Co-signé par Alex Ross, l'arc géant Thy Kingdom Come prétendait expliquer l'origine de Magog, en fait un descendant de Franklin Roosevelt, David Reid, transformé par Gog, un dieu endormi du Troisième Monde (en référence à ceux du Qiatrième Monde de Jack Kirby).


Ces deux récits cultes ont ensuite été effacés des tablettes lors du reboot des New 52 de 2011 par DC puisque ni la Justice Society of America ni les événements de Kingdom Come n'avaient eu lieu dans cette nouvelle continuité. Quand l'éditeur voulut réunir l'ancien et le nouveau statu quo avec l'ère Rebirth en 2016, plus personne ne savait trop à quoi s'en tenir avec ces sagas.

On comprend alors que Mark Waid ait voulu opérer une sorte de synthèse, d'autant que lui et Alex Ross s'étaient quitté fâchés au terme de Kingdom Come (le scénariste ayant voulu développer des spin-off que l'artiste désapprouvait). Le résultat, c'est ce Return to Kingdom Come (j'ignore encore comment Urban Comics traduira ce titre à paraître le 12 Juillet prochain), quatrième tome de World's Finest.

Waid intègre des éléments produits par Johns et Ross sur Justice Society of America tout en composant une préquelle à Kingdom Come. A ceci près que Magog n'est plus David Reid, le descendant de Roosevelt, mais David Sekela, le garçon rescapé ayant échoué sur notre Terre dans le tome 2 de World's Finest. Et ce "détail" est une façon directe pour Waid de corriger la copie de Johns et de Ross, de se réapproprier Kingdom Come (de toute façon, Ross ne veut plus entendre parler de cette histoire depuis qu'il a cessé toute collaboration avec DC, laissant la voie libre à Waid).

Si on met donc de côté ce vieux différend entre les deux auteurs, cet arc est très satisfaisant, surtout après Elémentaire. Waid se reprend en main et accouche d'un récit palpitant, cohérent, solide, où les temps d'exposition et d'action sont superbement dosés. La pléthore de personnages qui apparaissent au fil des cinq épisodes, le plus souvent en qualité de figurants, réveille chez le fan des souvenirs émus du classique de 2006 sans altérer la qualité de Thy Kingdom Come.

Dan Mora hérite encore une fois d'une mission délicate en devant succéder à des dessinateurs de première classe, Alex Ross bien sûr, mais aussi Dale Eaglesham, Fernando Pasarin et Jerry Ordway qui avaient illustré l'arc de Justice Society of America. Il s'en tire formidablement, comme si rien ne lui faisait peur, jamais.

La manière dont il campe Gog est fascinante, la naissance de Magog est un grand moment, la bataille finale est grandiose et on a même droit à la visite d'un méchant très réputé sur le dernier numéro dont je vous laisse la surprise, mais que Mora représente de manière très impressionnante dans une séquence absolument démente. Les couleurs de Tamra Bonvillain, complice de Mora depuis longtemps et qui a déjà brillé depuis le début de la relance de World's Finest, donnent ici un cachet incomparable à l'ensemble.

Un sans-faute autant le dire, surtout si on le lit d'une traite.

Me voilà à jour sur cette série et je vais donc pouvoir rédiger la critique du n°26 qui ouvre un nouvel arc. Stay tuned !

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