mardi 2 avril 2024

KNOCK AT THE CABIN (M. Night Shyamalan, 2023)


Wen, 7 ans, est en vacances avec ses deux pères, Eric et Andrew, dans une cabane isolée en Pennsylvanie. Un inconnu, Leonard, l'aborde et lui explique qu'il a besoin qu'elle et ses parents doivent l'aider à sauver le monde. La fillette, apeurée, se réfugie dans la cabane et avertit ses pères. leonard frappe à la porte, rejoints par trois acolytes, puis finissent par entrer. Edward se défend comme Etic mais celui-ci fait une lourde chute et subit une commotion cérébrale.


Ligotés à des chaises, Eric et Andrew écoutent Leonard leur assurer qu'il n'a aucune intention de le maltraiter mais que, suite à des visions apocalyptiques qu'il a eues comme ses trois complices, il affirme que l'un d'eux doit se sacrifier pour éviter le pire. Le suicide n'est pas une option, il faut que ce soit Eric qui tue Andrew ou Wen ou Andrew qui tue son compagnon et leur fille ou la fillette qui tue un de ses deux pères.


Mais face au refus des deux parents, Redmond accepte que ses compagnons le tuent. Leonard allume ensuite la télé et un flash spécial des infos apprend que plusieurs mégatsunamis se déchaînent actuellement dans le monde, provoquant des millions de morts. Andrew remarque alors deux choses : ce qu'ils voient n'est pas direct et surtout il se rappelle avoir déjà vu Redmond qui l'avait agressé dans un bar il y a quelques années. Il est convaincu que tout ça n'est qu'une machination délirante.


La nuit passe et le lendemain, c'est au tour de Adriane d'être exécuté par Leonard et Sabrina, avant qu'à la télé les infos évoquent l'apparition d'un virus qui s'en prend particulièrement aux enfants. Eric commence alors à douter mais Andrew met cela sur le compte de sa commotion cérébrale...


Alors que Les Guetteurs, son nouveau film, va bientôt sortir, M. Night Shyamalan montre qu'il est toujours très productif puisque l'an dernier il proposait Knock at the Cabin. L'ex-prodige du suspense du cinéma américain travaille avec des budgets plus réduits qu'à ses débuts et sans grande star à l'affiche.


Ce que prouvait déjà Old avant Knock at the Cabin, c'était une évolution assez nette dans la manière dont Shyamalan tournait. Pour résumer, on pourrait dire que le réalisateur était d'abord un scénariste virtuose, expert dans les twists narratifs, de ceux qui vous obligent à reconsidérer toute l'histoire qu'il vient de vous raconter. Sixième Sens, Incassable, Le Village en étaient les démonstrations les plus impressionnantes.


Mais désormais, Shyamalan adapte souvent, et plus seul, les histoires des autres (le roman graphique Château de Sable de Frederik Peeters et Pierre-Oscar Levy pour Old par exemple) et cette fois le roman de Paul G. Tremblay, d'après un premier traitement par Steve Desmond et Michael Sherman. En s'appropriant un matériau dont il n'est pas le créateur, Shyamalan semble davantage se concentrer sur la mise en scène.

Old était de ce point de vue un exercice assez bluffant et Knock at the Cabin semble en être le prolongement. Dans les deux cas, on retrouve une unité de lieu, ce qui donne au film un côté théâtral assumé, et une ambiance fantastique qui s'appuie beaucoup sur la suggestion (budget réduit oblige). Le casting est également limité en nombre et ne compte aucune star.

Sur le fond, Knock at the Cabin est un curieux récit où quatre personnages prennent en otages un couple d'homosexuels et la petite fille qu'ils ont adoptée. Le propos est vite posé : s'il l'un d'eux ne sacrifie pas un des deux autres, ce sera la fin du monde, avec d'abord des catastrophes naturelles en série, puis une pandémie, et enfin la chute du ciel. Bien entendu, les deux pères croient comme le spectateur avoir affaire à une bande de cinglés collapsologues, d'autant plus quand ses membres disent avoir eu des visions communes de cette apocalypse imminente.

Shyamalan instille le doute quand à la télé, des flashs infos confirment les prédictions. Il insiste aussi sur le fait que Eric, blessé à la tête, se met à douter alors que Andrew s'y refuse absolument. Mais c'est justement un peu là que le film patine...

Je ne saurais exactement dire pourquoi, mais ça n'a pas fonctionné sur moi autant que je l'aurai souhaité. Par exemple, pendant un bon moment, Andrew soupçonne les intrus de les avoir pris en otages, lui et sa famille, parce qu'ils sont homosexuels et qu'il a toujours souffert d'un sentiment de persécution à cause de son orientation sexuelle. Qui plus est il est certain que Redmond l'a jadis agressé dans un bar à cause de ça. Il en aura la confirmation plus tard (que Redmond l'a agressé, pas qu'il l'a fait parce qu'il était gay), mais alors le film est trop avancé pour que cela justifie tout ce qui s'est passé.

Le malaise invoqué ne prend pas aussi fortement que prévu. Le fait que Leonard et ses compagnons se sacrifient les uns après les autres est notamment bizarre : cela semble avoir pour objectif de secouer Eric, Andrew et Wen, de les forcer à empêcher que cela se reproduise. Mais dans ce cas, pourquoi parler de fin du monde, pourquoi un tel enjeu, aussi démesuré ? Il aurait suffi que Leonard et ses complices menacent de se tuer si Eric, Andrew et Wen ne se sacrifiaient pas et ça aurait, à mon avis, amplement suffit à rendre la situation insoutenable.

Knock at the Cabin m'a rappelé un roman de Robert Silverberg, que j'ai lu il y a longtemps, Le Livre des Crânes où quatre étudiants découvrent le secret de l'éternité et comprennent qu'il faut que l'un d'eux accepte de se sacrifier pour les trois autres. La logique qui désigne le sacrifié est imparable, renforcée par l'écriture "blanche", sans fioritures, de Silverberg. Il faudrait que je le relise mais je reste hanté par ce bouquin depuis tout ce temps parce que l'argument et sa résolution sont terriblement simples. Cette simplicité manque ici et le film s'égare avec des justifications spectaculaires, voire racoleuses. Dommage.

Reste que le film n'est pas sans qualité. La mise en scène est extraordinaire, tirant parti au maximum des contraintes de l'histoire. Et le casting est assez ahurissant, Dave Bautista en tête. Celui qui a campé le Drax simplet des Gardiens de la Galaxie de James Gunn est tout à fait remarquable dans la peau de ce bonhomme à la fois imposant et doux, fébrile et déterminé. Jonathan Groff est aussi très bon, comme il l'était dans la série Mindhunter (de David Fincher sur Netflix). Ben Aldridge est impeccable dans un registre encore plus à fleur de peau. Et Shyamalan dirige à nouveau avec brio Rupert Grint (Ron Weasley dans la saga Harry Potter), qui figurait déjà dans sa série Servant.

Imparfait donc, frustrant surtout, mais accrocheur.

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