dimanche 28 avril 2024

LOVE LIES BLEEDING (Rose Glass, 2024)


1989. Jackie couche avec JJ qui al présente ensuite à son beau-père pour qu'elle décroche une place de serveuse dans le stand de tir qu'il dirige. Le soir venu, Jackie pousse la porte d'une salle de sport tenue par Lou. Une fois les clients partis, celle-ci lui propose des stéroïdes pour améliorer ses performances de culturiste avant un concours qu'elle disputera à Las Vegas. Après lui avoir injecté une dose, elle l'embrasse et l'emmène chez elle où elles couchent ensemble.


Le lendemain matin, au petit-déjeuner, Lou invite Jackie à s'installer chez elle en attendant son départ pour Vegas. Mais lorsque Lou apprend que Jackie travaille au stand de tir, c'est-à-dire chez son père avec lequel elle est en froid depuis plusieurs années, un malaise s'installe. Il ne dissipe pas le soir venu quand les deux femmes dînent avec JJ et sa femme Beth, la soeur aînée de Lou, qui subit des violences conjugales. Lou menace JJ qui lui révèle avoir couché avec Jackie.


Revenues chez Lou, elles se disputent puis se réconcilient au lit. Au matin, un coup de fil réveille Lou : Beth a été hospitalisée après avoir été de nouveau frappée par JJ. Elle va à son chevet où elle retrouve son père qui entend régler ce problème lui-même. En voyant le désarroi de Lou, Jackie s'absente en prenant le volant de sa voiture. Elle se rend chez JJ qu'elle surprend et tabasse à mort. Lorsque Lou rentre chez elle en taxi, elle remarque sa voiture devant la maison de sa soeur et trouve à l'intérieur Jackie en état de choc puis le cadavre de JJ.


Ensemble, elles déplacent le corps dans le coffre de la voiture de JJ puis quittent la ville. Daisy, l'ex de Lou, les aperçoit. Lou a une idée pour faire disparaître le cadavre tout en faisant en sorte qu'on ne lie pas le crime à elle ou à Jackie. Mais c'est sans compter avec des flics corrompus, deux agents du FBI qui enquêtent sur le père de Lou, la jalousie de Daisy et l'incapacité de Jackie à se contenir...


Love Lies Bleeding est le deuxième film de Rose Glass, après Saint Maud sorti en 2021. Ce long métrage avait attiré l'attention de Kristen Stewart qui avait fait savoir à la cinéaste son envie de travailler avec elle sur une histoire originale. Entre temps, l'actrice s'est mariée avec la scénariste et productrice Dylan Meyer, officialisant leur homosexualité (même si ce n'était plus un secret depuis longtemps).


Toutefois, cela motive Stewart à s'affirmer en s'engageant dans des oeuvres où sa sexualité n'est plus cachée. Un élément déterminant pour apprécier Love Lies Bleeding qui s'inscrit dans la veine du thriller lesbien, quelques mois après la sortie de Drive-Away Dolls d'Ethan Coen. Sauf qu'ici on n'évolue pas dans un registre comique et léger.


Le film co-écrit par Rose Glass et Weronika Tofilska est un curieux objet hybride qui mêle romance gay, polar, drame psy, et ose même sur la fin ajouter un zeste de fantastique quasi-super-héroïque. Pourtant, malgré tous ces ingrédients, ça fonctionne et le spectateur, qui adhèrera à ce drôle de mix, sera conquis par les surprises que lui réservent l'intrigue.

L'action se situant à la fin des années 80 nous replonge à l'époque où tous les mecs arboraient la coupe mulet, les filles des brushings, et les vêtements des couleurs souvent flashy. Il semble que cela ait été retenu surtout pour inscrire le récit à un moment où le culte du corps était très présent, notamment avec la starification au cinéma de comédiens comme Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger, ce dernier ayant été d'abord un champion de culturisme comme ambitionne de l'être le personnage de Jackie.

Bien que Rose Glass soit bisexuelle et ses deux actrices principales gays, le film se dispense intelligemment de tout militantisme. Tout juste est-il évoqué le fait que Jackie a quitté sa famille et sa région parce qu'elle était victime des préjugés de sa communauté (en plus de son tempérament volcanique). Quant à Lou, elle assume son homosexualité mais sort d'une relation bancale avec Daisy, dont on devine la toxicomanie (ce qui explique son caractère extrême et sa jalousie).

Le scénario se découpe en trois actes nets : d'abord la rencontre et la romance entre Lou et Jackie, puis l'agression de Beth et ses conséquences dramatiques, et enfin un dénouement en forme de règlement de comptes familial. Ces trois blocs narratifs sont denses car chaque personnage bénéficie d'une évolution riche et imprévisible : ce soin apporté à la caractérisation autant qu'à l'intrigue remplit bien les 100' du film et empêche le spectateur de s'ennuyer.

C'est donc une belle réussite, superbement filmé, et magnifiquement interprété. Dans les seconds rôles, on trouve Dave Franco (le frère de James) parfait en mari ignoble, Jenna Malone poignante en femme battue mais incapable de dénoncer son époux, et surtout Ed Harris, affublé d'une perruque assez incroyable mais qui réussit à vous foutre les pétoches malgré tout.

Surtout, Love Lies Bleeding repose sur un duo d'actrices phénoménal : Kristen Stewart est parfois horripilante mais quand elle s'empare d'un rôle avec l'énergie qu'elle affiche ici, elle est tout simplement magistrale, vibrante de colère rentrée. Face à elle, on découvre Katy O'Brian, qui en plus de s'être entraînée pour être sculptée comme une vraie culturiste, a une présence cinégénique prodigieuse - franchement, si Marvel l'avait embauchée elle pour jouer Jennifer Walters / She-Hulk (en supposant que le studio aurait aussi fait l'effort d'avoir un vrai scénario), ce serait déjà une star. L'alchimie entre Stewart et O'Brian est juste fascinante et leur duo va rejoindre au panthéon des héroïnes cultes Thelma et Louise.

Violente, surprenante, habitée, cette romance queer sortira en France le 12 Juin prochain. Ne la manquez pas !

samedi 27 avril 2024

IF YOU FIND THIS, I'M ALREADY DEAD #3 (Matt Kindt / Dan McDaid)


Robin découvre que le colonel Brand, un des officiers militaires ayant appartenu au premier corps expéditionnaire sur Terminus, s'y est établi et, après y avoir été torturé, en a pris le contrôle avec les Chasseurs. Il a conçu un soldat ultime pour asseoir son pouvoir et ses préparer à l'arrivée de nouveaux soldats en provenance de la Terre et veut faire de Robin sa reine...
  

Mes aïeux, quel final ! Trois épisodes et c'est déjà fini, mais Matt Kindt a exploité à la perfection le format de sa mini-série à la pagination augmentée. L'aventure de Robin, cette reporter envoyée sur Terminus avec quelques soldats, s'est très vite retrouvée livrée à elle-même et doit maintenant composer avec une effrayante révélation.


Matt Kindt a idéalement su rythmer ses péripéties et nous entraîner à l suit de son héroïne dans un trip assez insensé, sur cette planète étrange et hostile. Il a su surtout créer de fausses pistes pour arriver à ce dénouement spectaculaire et renversant. Voilà un auteur qui sait ménager ses effets.


En ayant recours à un seul et unique flashback, il met en perspective ce périple et explique qui est le véritable maître de ce monde étrange. Brand est un personnage vraiment cinglé mais aussi traumatisé par son arrivée sur Terminus et ce militaire explorateur évoque immanquablement le colonel Kurtz dans Apocalypse Now, à la tête non pas d'une tribu reculé mais d'une planète qu'il a soumis à ses délires impérialistes.


En lieu et place de Willard dans le film de Coppola, on a donc Robin qui refuse d'abord d'accomplir la mission que les indigènes asservis lui ont confiée parce qu'elle est journaliste et en tant que tel elle est là pour témoigner, raconter, observer - pas pour prendre une vie. Mais a-t-elle le choix face à Brand qui veut en faire sa reine comme Kurtz voulait faire de Willard son partenaire, son complice ?


La manière dont Kindt règle ce problème dramatique est épique et revient sur le concept très organique de Terminus, une planète vivante littéralement et qui abrite dans ses entrailles des dieux anciens, lovecraftiens, se réveillant pour contrer un danger menaçant l'existence même du monde auquel ils sont liés. C'est très original et spectaculaire, même si en vérité l'affrontement est somme toute assez bref. C'est aussi une manière de duel entre la technologie développée par Brand et le vivant brut, primordial, des dieux de Terminus.

Dan McDaid donne à tout cela une matière palpitante, vibrante. Le découpage privilégie les cases aux dimensions généreuses, avec des splash pages et une double page vraiment grandioses. Le lecteur ne peut qu'être ébloui et terrifié à la fois par la puissance des entités qui se manifestent.

Mais l'artiste n'oublie jamais que l'intrigue repose sur deux personnages humains et opposés, philosophiquement et physiquement : Robin est devenue au fil du récit une survivante et elle se bat comme une guerrière, Brand lui est un soldat expérimenté mais débordé par sa folie. Tout cela aussi McDaid le traduit intensément et le lecteur peut apprécier pleinement ce que ressentent les deux antagonistes, prendre parti facilement tout en savourant la complexité de la situation.

If you find this, I'm already dead s'inscrit dans ce que les comics indépendants américains n'ont désormais plus peur d'oser : des formats plus longs, une narration dense, des univers fouillés, des personnages contrastés. Dark Horse, avec un projet pareil, n'est pas différent de ce que produit DSTLRY (cf; Somna) ou de ce que Jonathan Hickman a plusieurs fois proposé en indés (avec Black Monday Murders) ou chez Marvel (avec HoX/PoX, son run sur X-Men, G.O.D.S.).

C'est passionnant et surtout ça doit inspirer d'autres créateurs pour renouveler les comics.

vendredi 26 avril 2024

LE REGNE ANIMAL (Thomas Cailley, 2023)


Dans un futur proche, un virus se propage partout dans monde et provoque la transformation progressive de certains individus en animaux anthropomorphiques. Les chercheurs sont désemparés face à cette maladie qui peut toucher n'importe qui, quel que soit son âge ou son sexe. Chaque pays tente de gérer cette crise à sa manière et en France, c'est l'armée qu'on envoie pour capturer les "créatures" ou les "bestioles" comme on les appelle.
  

Emil et son père François, cuisinier, déménagent dans le Sud de la France pour suivre Lana, sa mère, atteinte par cette métamorphose. L'adolescent vit très mal la situation car elle est internée dans un centre de soins spécialisé et il ne peut plus communiquer avec elle. Logés dans un mobil'home dans un camping, le père et son fils apprennent que le fourgon qui convoyait Lana et d'autres patients a un accident et que plusieurs d'entre eux se sont enfuis. Julia, une gendarme, tente de les rassurer mais François est résolu à mener ses propres recherches et force Emile à l'accompagner.


Dans la forêt environnante, ils tombent une nuit sur deux créatures, un homme oiseau et une fillette caméléon, mais ne signalent pas leur présence aux autorités. Au lycée où il est admis, Emile se rapproche de Nina, une camarade de classe. Mais il découvre aussi qu'il présente les premiers symptômes de la maladie et le cache à son père. Il s'aventure dans la forêt, seul, et renoue le contact avec l'homme oiseau qu'il encourage dans ses tentatives pour voler.


François reçoit le renfort de Julia pour chercher Lana dans la forêt la nuit. Il retrouve le vélo de son fils et de retour au mobil'home l'interroge à ce sujet. Emile lui avoue son état et son père décide alors de l'aider à ne pas être capturé tout en ignorant combien de temps encore il pourra dissimuler sa transformation...


Présenté l'an dernier dans la section "Un certain regard" au Festival de Cannes, le deuxième long métrage de Thomas Cailley, neuf ans après Les Combattants, a fait immédiatement sensation en investissant le genre fantastique, si délaissé par le cinéma hexagonal. Le cinéaste a pu disposer d'un budget confortable grâce à la présence en tête d'affiche de deux acteurs populaires.


Cailley n'a pas eu l'idée du Règne Animal (un titre un peu maladroit tant il fait plutôt penser à un de ces innombrables documentaires sur la faune diffusé sur le service public) : c'est Pauline Munier, étudiante à la Fémis, qui le lui a soumis lors d'un atelier d'écriture et ensuite il lui a proposé de le développer avec elle. Le résultat est invraisemblablement original.
 

Comme je le disais plus haut, le cinéma français n'envisage le cinéma de genre qu'à travers la comédie et le polar. Les tentatives pour explorer d'autres registres effraient les chaînes de télé, principales sources de financement des films qui réclament des produits formatés pour un public familial en prime time avec des têtes d'affiche. Autant dire que la prime à l'originalité n'est pas distribuée facilement.

Qu'un long métrage comme Le Règne Animal ait réussi à être produit tient donc du miracle. Mais ça n'a pas empêché le public d'aller le voir en salles et de lui réserver un beau succès, ni d'être nommé une douzaine de fois aux derniers Césars (même s'il n'a remporté que des statuettes dans les catégories techniques - faut pas déconner quand même et puis les professionnels de la profession n'avaient d'yeux que pour Anatomie d'une chute de Justine Triet).

L'histoire suit donc un père et son fils dans une France en proie à un virus mystérieux qui, comme partout ailleurs dans le monde, transforme n'importe qui en créatures mi-humaines, mi-animales. Intelligemment, le scénario évite de tenter d'expliquer le phénomène, c'est parfaitement inutile et surtout ça préserve de justifications pseudo-scientifiques maladroites. La mère de famille est atteinte et déplacée dans un centre de soins qui ressemble beaucoup à une sorte de camp de concentration. François, son mari, tente de garder le contact puis la recherche lorsqu'elle s'échappe.

Thomas Cailley capture la beauté sauvage de la nature et interroge avec Pauline Munier les questions relatives à un tel sujet : la différence, l'instinct contre la raison, la peur contre la tolérance, la civilisation... On voit que les habitants du coin s'organisent en milice et que l'armée est chargée de capturer le créatures. L'ambiance est oppressante. Mais dès qu'on s'éloigne de cette humanité qui oublie toute notion de cohabitation, on est saisi par la paix qu'abrite la forêt environnante et l'entraide entre les créatures qui s'y réfugient.

Le point de bascule survient, de manière certes convenue mais néanmoins efficace, quand le fils, Emile, présente à son tour des symptômes. Il les cache à son père puis son secret ne peut plus être gardé et François décide alors d'épargner à sa progéniture le même sort que sa femme. En parallèle, Emile nourrit des sentiments pour une jeune fille dans sa classe (sentiments réciproques) et François est aidée dans ses recherches par Julia, une gendarme frustrée de ne pouvoir plus activement participer aux opérations confiées à l'armée mais surtout mue par une envie de ne pas persécuter les créatures.

Le film souffre d'être un peu trop long (2h. 10) à mon goût, mais son ambition mérite qu'on soit indulgent. Par ailleurs la mise en scène est superbe, la photo très léchée, les effets spéciaux vraiment sidérants. Il y a surtout une poésie qui habite l'histoire en même temps qu'une cruauté poignante. Difficile de ne pas être touché par ce que traversent ce père et son fils, mais aussi parce qu'on voit de la vie des créatures qui perdent petit à petit toute leur humanité (langage, apparence, sociabilité...).

Romain Duris est formidable dans le rôle de François, passant du désarroi le plus total à la compassion et à un attitude protectrice bouleversante. Adèle Exarchopoulos hérite d'une partition moins aboutie mais à laquelle elle donne une interprétation vibrante et sobre. Le jeune Paul Kircher est assez épatant dans la peau d'Emile même si je dois avouer qu'au début son jeu peu expressif m'a un peu agacé.

Le Règne Animal n'est pas parfait mais c'est un de ces films qu'on a envie de soutenir, de partager. Il possède des fulgurantes esthétiques et une singularité narrative qui le distinguent et l'honorent.

ULTIMATE SPIDER-MAN #4 (Jonathan Hickman / David Messina)


Harry Osborn a invité à dîner Peter Parker et Mary Jane (Ben Parker et J.J. Jameson gardent les enfants). Il leur présente son épouse, Gwen Stacy. Les deux couples échangent sur leurs métiers et Gwen, en privé avec MJ, exprime son envie d'investir dans le nouveau média d'info de Ben Parker et JJ Jameson. De leur côté, Norman et Peter discutent de leur double vie et de leur mission...


Commençons par parler du grand absent de ce numéro : Marco Checchetto (qui signe quand même la couverture) est remplacé par David Messina et évidemment la différence est notable. Si on prend en compte que le premier épisode de Ultimate Spider-Man avait une pagination plus importante, on peut être indulgent et pardonner à Checchetto. En même temps, Checchetto a rarement enchaîné plus de cinq épisodes sur une série régulière.


Par ailleurs, je vais me répéter mais ce n'est jamais superflu : à tous ceux qui sont tentés de traiter les dessinateurs de comics de feignasses dès qu'ils sont supplées par un fill-in artist, je rappellerai que produire vingt pages par mois reste un exploit. Il existe bien des exceptions pour qui cette cadence n'est pas un problème mais il faut aussi prendre en compte les exigences d'un lectorat que les éditeurs ont habitués à un niveau graphique plus détaillé et aussi les impondérables (baisse de forme, d'inspiration, maladie) auxquels sont soumis les dessinateurs.


Bref : non, ce n'est pas agréable quand le dessinateur régulier est absent, mais un dessinateur n'est pas une machine, donc restons sinon indulgents du moins modérés. D'autant que David Messina ne fait pas un mauvais travail et je dois dire que s'il devait devenir l'artiste de substitution de la série, ça ne me déplairait pas.
 

L'épisode qu'a écrit Jonathan Hickman pourrait d'ailleurs être une sorte de test : cette fois, pas de scène d'action, pas de costumes de super-héros à l'horizon, mais deux couples à la table d'un restaurant et discutant de tout et de rien. C'est un exercice plus délicat qu'il n'y paraît pour un artiste car il faut le mettre en images en restant tout de même divertissant.

Hickman fait intervenir ce qui ressemble à une pause après la révélation choc du précédent numéro concernant Peter Parker et Norman Osborn (je ne spoile pas). Le scénariste introduit sa version de Gwen Stacy en en faisant l'épouse de Harry et en la dotant d'une forte personnalité. D'ailleurs, il fait de même avec Mary Jane.

Les deux femmes ont la langue bien pendue et ne sont pas des potiches à côté de leurs conjoints respectifs. On apprend que MJ s'occupe des relations publiques, notamment pour le nouveau média d'informations en ligne que vont lancer Ben Parker et J. Jonah Jameson : elle a même trouvé le nom, "The Paper", ironique puisqu'il ne sera pas publié sous forme physique, mais rappelant que la presse papier a été le support n°1 pour observer le monde et le raconter (avant que, comme dans le cas du "Daily Bugle", elle tombe entre les mains de grands patrons qui s'en servent pour relayer leurs propres opinions - la critique peut s'apprécier aussi chez nous).

Harry et Gwen expriment leur souhait que "The Paper" s'intéresse au justicier masqué qui a fait son apparition récemment (Spider-Man donc, même si la série ne l'a jamais mentionné sous ce nom jusqu'à présent). Le monde, le peuple a besoin de héros. Plus tard, alors que Peter et Harry sont seuls, la célèbre formule "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités" sera dite par un personnage inattendu. Et renverra Peter justement un peu dans les cordes puisque Hickman l'a davantage écrit comme un personnage passif, subissant sa nouvelle vie, que comme quelqu'un qui prend l'initiative...

Le scénariste parvient avec un mélange de subtilité et de pesanteur à introduire ce genre d'éléments mais en jouant sur celui qui les exprime, ce qui désarçonne le lecteur. Il répète ce procédé dans une scène où MJ et Gwen sont dans les toilettes en train de se remaquiller et où Gwen souhaite investir une partie des moyens financiers colossaux de Harry pour soutenir le journal de Ben Parker et JJ Jameson, sans qu'on sache s'il s'agit d'un moyen de le diriger à la façon d'un cheval de Troie contre le "Daily Bugle" de Wilson Fisk (ennemi déclaré de Harry).

Les planches de Messina sont strictement cadrés par le script au moyen de "gaufriers". Mais Le dessinateur doit s'employer pour intégrer des plans qui soulignent les expressions de chacun des quatre convives, parfois directement, parfois indirectement via leurs reflets dans les verres - une manière de jouer sur la dualité, sur ce qu'on voit d'eux et ce que l'on pense d'eux. C'est encore une fois subtil et même si Messina se montre parfois un peu trop démonstratif dans le jeu d'acteurs de Harry, Gwen, MJ et Peter, l'essentiel reste de bonne tenue.

Allergiques aux "talking heads", s'abstenir donc. Mais pour ceux que cette série ravit, nul doute que cet épisode fournit de nouvelles pistes qui seront explorés prochainement.

jeudi 25 avril 2024

SEULE LA MORT PEUT M'ARRÊTER (Mike Hodges, 2003)


Davey Graham est un petit dealer qui, invité à une soirée, vient approvisionner une jeune femme, Stella. Il repart sans s'attarder ni remarquer que le compagnon de sa cliente passe un appel sur son téléphone portable pour prévenir quelqu'un de ses mouvements. Une fois dehors, il est suivi puis emmené de force par deux hommes vers un troisième, Boad, dans un garage. Boad le viole. De retour chez lui à l'aube, Davey se fait couler un bain et y entre sans se déshabiller, encore sous le choc.



C'est son ami Mikser qui le trouve mort, égorgé, quelques heures plus tard, puis qui va prévenir sa mère, Helen, qui tient un restaurant. Il lui demande comment joindre le frère ainé de Davey, Will, qui a quitté Londres depuis trois ans, mais elle l'ignore car il ne lui écrit plus. Will est en fait devenu un bûcheron et il vit dans sa camionnette. Sans papiers, il est congédié et prend le ferry pour rentrer en Angleterre. Il croit voir Davey au terminal et cette hallucination le trouble assez pour qu'il tente de le joindre tout de suite puis au cours de son trajet pour Londres.
 

Quand il arrive enfin à la capitale, Mikser le met au courant. Son retour ne passe pas inaperçu bien longtemps car Frank Turner, le chef de la pègre qui l'a remplacé, craint pour sa vie et engage un tueur pour l'éliminer. Will veut savoir pourquoi son petit frère a mis fin à ses jours, soupçonnant qu'on a cherché à l'atteindre à travers lui...
  

I'll sleep when I'll be dead ("Je dormirai quand je serai mort") est le dernier film réalisé par Mike Hodges, alors âgé de 71 ans. Le cinéaste est mort en 2022 et il est troublant de constater à quel point son ultime long métrage ressemble à son tout premier, le classique La Loi du Milieu (Get Carter, 1971). La boucle était en quelque sorte bouclée.


Seule la mort peut m'arrêter est une oeuvre crépusculaire, au rythme lent, qui aura sans doute gagné à être moins long que ses 105', mais qui assume surtout l'influence de Jean-Pierre Melville. C'est aussi une oeuvre typiquement britannique, très noire, désespérée, sans concessions, qui refuse tout compromis.


Ne vous attendez donc pas à des échanges de coups de feu, des règlements de comptes à répétition : il n'y a qu'une seule détonation dans tout le film, à la toute fin ! Et beaucoup de fausses pistes entre temps : par exemple, le scénario écrit par Trevor Preston nous fait croire à une guerre de chefs de la pègre avec le retour de Will Graham redouté par son remplaçant, Frank Turner : elle n'aura jamais lieu.


Le film a quelque chose de sec, dépouillé, à l'os, qui est bluffant. Ce n'est en aucun cas un polar divertissant : dès le début, on est dans le dur. Un jeune dealer, plus frimeur, flambeur que profiteur, se fait violer sans vraie raison par un type qui a l'âge d'être son père, voire son grand-père. Traumatisé, il se suicide dans son bain en se tranchant la gorge. La violence de ces deux scènes est effroyable, moins pour ce qu'elle montre que pour ce qu'elle provoque chez le spectateur, le dégoût et la tristesse.

Puis on suit un bon moment Will Graham qui n'a vraiment rien d'un gangster retiré et flamboyant : reconverti en bûcheron, barbu, le cheveu gras, indifférent au monde, dormant dans sa camionnette, il ignore du drame qui a emporté son jeune frère. C'est un moment surnaturel qui l'en informe quand i croit le voir dans un terminal de ferry. On sent bien alors que, dans cette épure, se glisse un élément discrètement fantastique, assez saugrenu en vérité.

Puis le film retombe sur ses pattes : le retour à Londres de Will, la confirmation du décès de Davey son cadet, la découverte de l'épreuve qu'il a subi, les investigations pour savoir qui a commis cette atrocité, et donc les à-côtés (l'angoisse de Turner, le souhait des anciens complices de Will de le voir reprendre son trône, etc.). Les dialogues son réduits au maximum, Will est quasiment muet la plupart du temps. Le polar fait place à une histoire de fantômes.

Mike Hodges filme ça sans fioritures, souvent en lumière naturelle. Londres telle qu'il la montre n'a rien de la capitale anglaise, il ne grave pas sur la pellicule des endroits familiers, mais plutôt des ruelles sombres et humides, souvent la nuit. Les personnages sont presque désincarnés, les proches de la victime dévastés par le deuil ou rongés par l'inquiétude que tout ça finisse par une nouvelle mort. Il ne faut pas regarder ce film un jour de déprime. Mais sinon la radicalité de la proposition est tout simplement étonnante si on n'a pas en tête qu'il s'agit du dernier film d'un septuagénaire.

Qui mieux que Clive Owen pour camper ce Will Graham qui promène son allure limite clocharde dans cette nuit sans fin ? L'acteur en impose par son charisme naturel et n'a pas besoin de plus pour que son personnage impressionne durablement. Jonathan Rhys-Meyer a cette belle gueule d'ange détruit. Charlotte Rampling est complètement spectrale en mère endeuillée. Et Malcolm McDowell joue une ordure totale sans se forcer.

Sacré polar, très sombre. Et sacré dernier film d'un des cinéastes anglais les plus imprévisibles qui soit.

DAREDEVIL, VOLUME 2 : NO DEVILS, ONLY GOD (Chip Zdarsky / Lalit Kumar Sharma & Jorge Fornés)

 

Deux mois ont passé depuis que Matt Murdock a renoncé à continuer son activité de justicier masqué. Il est devenu agent de probation, et pour l'anniversaire de son ami Foggy Nelson, il commande une édition ancienne d'un ouvrage de Charles Dickens. C'est à cette occasion qu'il fait la connaissance de Mindy Libris, la libraire.

 


La disparition de Daredevil a d'autres conséquences : le Hibou veut étendre son emprise criminelle sur des quartiers de New York et fait payer sa protection à des commerçants. Wilson Fisk aspire à de plus grandes ambitions politiques et pour cela veut compter sur l'appui des riches époux Stromwyn. Cole North, lui, est désormais chargé d'arrêter Spider-Man.


Un des détenus dont s'occupe Murdock s'avère être un proche de Leo Carraro, le voyou qu'il a accidentellement tué. Il revoit Mindy Libris, qui le trouble précisément parce qu'elle ne succombe pas à son numéro de séduction. Les collègues de Cole North l'asticotent à propos de son échec à avoir appréhender Daredevil et maintenant Spider-Man.


Pour prouver sa respectabilité politique, Wilson Fisk réunit les différents chefs de gangs de la pègre new yorkaise, dont le Hibou et Izzy Libris, qui se disputent des territoires, et les force à signer un accord. Le Hibou doit pour asseoir son autorité, il doit corrompre la police et empêcher Cole North de le contrarier. Murdock est invité à dîner chez les Libris par Mindy et comprend où il met les pieds trop tard. Une fusillade interrompt le dîner et North est appelé sur place.


Lorsqu'il revoit Mindy, celle-ci malheureuse dans son couple, lui tombe enfin dans les bras. Le partenaire de Cole North est blessé et hospitalisé et veut le venger mais il va découvrir qu'il ne peut le faire seul et qu'il doit lui aussi compter sur un allié en dehors du commissariat...
 

C'était prévisible après le démarrage en boulet  de canon de son run : ce tome 2 de Daredevil par Chip Zdarsky déçoit. Matt Murdock n'est plus Daredevil depuis huit semaines quand commence ce deuxième arc narratif et il ne le redeviendra pas avant un certain temps. Le scénariste prend un gros risque en faisant cela mais veut convaincre le lecteur que la retraite du héros n'est pas qu'une passade.

Que raconter dans un comic-book super-héroïque quand sa vedette en est absente ? Chip Zdarsky choisit d'examiner les conséquences de cette absence, quelles répercussions elle a sur son alter ego, Matt Murdock, ses amis, ses ennemis.

Même si Murdock reste le fil rouge, on a le temps d'apprécier comment chacun compose avec les événements du tome précédent. Wilson Fisk reste plutôt en retrait, d'abord frustré de n'avoir pu mettre la main sur Daredevil, et on le voit se défouler sur des détenus que son conseiller lui conseille toutefois de ne pas trop esquinter pour que l'administration pénitentiaire ne se plaigne pas trop. Puis Fisk ambitionne une vraie carrière dans la politique mais la mairie de New York ne lui suffit plus. Pour aller plus haut, il lui faut de solides et riches soutiens et le nom de Stromwyn est pour la première fois évoqué (et va occuper une place importante par la suite...).

Le Hibou est l'autre grand méchant à vouloir profiter de la situation : lui aussi voit grand et se verrait bien caïd à la place du Caïd. Mais il rencontre sur sa route Izzy Libris, à la tête d'une famille mafieuse redoutée et qui n'entend pas lui céder une partie de son territoire. Les Libris sont l'autre addition de poids que Chip Zdarsky introduit dans ce début de run puisque, en parallèle, Matt Murdock cherche à séduire Mindy Libris, une libraire, mal mariée mais qui lui résiste (étant donné les antécédents de tombeur de Murdock, c'est assez savoureux).

Cole North, enfin, est dans une sorte d'impasse : il a échoué à arrêter Daredevil et essuie à la fois les moqueries de ses nouveaux collègues et la colère de sa hiérarchie qui lui assigne désormais la mission de capturer Spider-Man. Mais surtout il va découvrir que son commissariat est corrompu par le Hibou et qu'on cherche à lui faire détourner le regard sur ses trafics. Tout cela culmine dans l'épisode 10, particulièrement intense et spectaculaire, le meilleur de cet album.

On regrettera que Zdarsky accorde aussi peu de place à Foggy Nelson, comme s'il ne savait pas que faire de lui (mais ça viendra plus tard). Toutefois, de manière plus globale, la décompression de la narration produit une sorte de "ventre mou" et ce qui occupe cinq épisodes aurait pu (dû !) tenir en trois maximum. Si on est de bonne humeur, on qualifiera tout ça de tome de transition. Sinon, on dira que le scénariste délaye un peu trop la sauce.

Pour ne rien arranger, Marco Checchetto souffle après avoir enchaîné les cinq premiers numéros. Surprise : Marvel a confié à un inconnu pas très doué son remplacement pour quatre épisodes en la personne de Lalit Kumar Sharma. Je ne veux pas l'accabler mais il faut être honnête, il n'a vraiment pas le niveau requis pour dessiner Daredevil. D'un épisode à l'autre, par exemple, Mindy Libris semble perdre et gagner quelques bons kilos, Matt Murdock est constamment ébouriffé comme s'il venait de de réveiller, Wilson Fisk ressemble à Monsieur Patate... C'est juste pas possible.

Heureusement, le dernier épisode de l'album est illustré par Jorge Fornés qui va devenir un des fill-in réguliers de la série pendant un temps (après quoi, las de jouer les doublures, il filera chez DC pour dessiner des scripts de Tom King, révélant un talent majeur que Marvel a honteusement ignoré). Son trait ressemble de manière troublante à celui de David Mazzucchelli époque Batman : Year One, et on peut avoir le sentiment que l'artiste cherche à le copier. Mais depuis on sait que Fornés dessine réellement comme ça et a su développer sa personnalité de narrateur.

C'est loin d'être inintéressant, mais c'est tout de même assez frustrant. Heureusement, l'apparition d'un personnage bien connu des fans de DD à la dernière page du recueil augure d'une suite prometteuse.... A suivre, donc.

mercredi 24 avril 2024

DAREDEVIL, VOLUME 1 : KNOW FEAR (Chip Zdarsky / Marco Checchetto)


Après avoir survécu à un accident de la route et passé plusieurs semaines à l'hôpital, Matt Murdock tente de reprendre une vie normale. Cole North, un inspecteur de police venu de Chicago, arrive à New York avec la ferme intention de mettre derrière les barreaux le premier justicier masqué qu'il pourra arrêter. Wilson Fisk a retrouvé son siège de maire de la ville et ordonné aux forces de l'ordre d'agir dans ce sens.


Une nuit qu'il sort patrouiller en costume, Daredevil surprend trois braqueurs en train de dévaliser une épicerie. Il engage le combat mais rencontre de la résistance : ses réflexes sont émoussés après son hospitalisation et la bagarre est confuse. Il s'enfuit avant l'arrivée de la police et ignore donc que Leo Carraro, un des voleurs, est mort des suites des coups qu'il lui a infligés.


La nouvelle se répand comme une trainée de poudre : Daredevil est accusé de meurtre. Ses amis dans la communauté super-héroïque comme Luke Cage et Jessica Jones s'interrogent. Ses ennemis, comme le Hibou, réfléchissent aux conséquences. Wilson Fisk se frotte les mains. Foggy Nelson doute. Et Daredevil lui-même croit à une machination ourdie par le Caïd.


Alors il prend tous les risques pour blanchir son nom et se fait piéger. L'homme sans peur va être obligé de prendre une décision sur la suite de sa carrière...


M'étant procuré pour un bon prix l'intégrale de son run sur la série, j'ai commencé à le relire et je vais donc vous proposer une rétrospective du Daredevil écrit par Chip Zdarsky et dessiné entre autres par Marco Checchetto. On commence donc par les cinq premiers numéros dans ce recueil paru en vo sous le titre Know Fear (à noter que tout ça existe en vf, traduits chez Panini Comics et désormais réédités en Marvel Deluxe).


Nous sommes donc en 2019 quand Chip Zdarsky prend la suite de Charles Soule en qualité de scénariste de Daredevil. Même s'il est d'usage de dire que le run de Soule ne vaut pas grand-chose, je le tiens pour plus qu'honorable : il avait la lourde tâche de passer après Mark Waid et Chris Samnee qui avaient conclu sur un dénouement qui aurait pu être définitif (Matt Murdock assumait publiquement être Daredevil, il vivait le parfait amour avec Kirsten McDuffie et Foggy Nelson se remettait d'un cancer).

Preuve qu'il ne faut pas zapper ce qu'a raconté Charles Soule, Chip Zdarsky fait une transition directe avec la fin de sa saga où Matt Murdock se faisait renverser par une voiture (une scène miroir de ses origines où il sauvait un homme du même sort avant qu'un isotope radioactif ne le prive de la vue mais lui confère ses pouvoirs). Quand tout démarre ici, Murdock est sorti de l'hôpital et est encore convalescent (il prend des anti-douleurs).

Son état physique mais aussi psychologique intéresse Zdarsky au premier chef car il veut montrer que Murdock/Daredevil n'est vraiment pas en forme. Il "lève" une fille dans un bar pour coucher avec elle mais la prévient ensuite qu'elle ne doit rien attendre de lui, aucune relation suivie et sérieuse. Surtout, sa situation va rapidement dégénérer quand lors d'une patrouille nocturne, il tue accidentellement un petit malfrat sans s'en rendre compte

Dès que l'affaire es rendue publique, tout va aller très vite de mal en pis. Ses amis super-héros, son partenaire Foggy Nelson, les civils qui croyaient en Daredevil, tous s'interrogent et craignent le pire, c'est-à-dire qu'il a réellement tué quelqu'un. Ses ennemis eux comptent bien en profiter, que ce soit le Hibou et ses trafics, Wilson Fisk et sa croisade politique opportuniste anti-justiciers masqués, ou encore le flic Cole North, résolu à l'arrêter car il ne supporte pas les vigilants se substituant aux forces de l'ordre.

Zdarsky mène son histoire avec brio : il sème le doute chez le lecteur, pose la question de la légitimité des super-héros agissant en dehors de la loi et justifiant leurs dérapages éventuels par les "risques du métier", souligne le désarroi qui s'empare de Daredevil et lui fait commettre erreur sur erreur... Les scène s'enchaînent sans temps mort, avec une densité rare, une tension permanente. C'est sûr, DD va tomber, et de haut. Il est littéralement au bout du rouleau et ses échanges avec le Punisher puis Spider-Man (montré comme le compas moral des super-héros) sont d'une pertinence parfaite.

Ce sans-faute est prolongé par la mise en images du script. Marco Checchetto renoue donc avec l'homme sans peur qu'il avait déjà dessiné quand il remplaçait Roberto de la Torre lors du run de Andy Diggle (qui avait suivi celui de Ed Brubaker et Michael Lark), puis en illustrant le crossover entre DD, Spider-Man et le Punisher (au début du run de Mark Waid avec Paolo Rivera).

Le style réaliste, détaillé et nerveux de l'artiste italien convient idéalement au récit. Il représente Murdock comme DD dans un état pathétique, ce qui fait qu'on n'est en vérité pas étonné qu'une telle catastrophe lui tombe dessus et surtout qu'il enchaîne les dérapages ensuite. De fait, ce Daredevil diminué se fait rosser par de petits voyous, prend une sévère raclée par Cole North, se ressaisit un peu face au Punisher avant de rendre les armes sans lutter face aux arguments imparables de Spider-Man.

Le sens de la mise en scène de Checchetto éblouit dans des compositions vraiment magnifiques et un découpage toujours impeccable, avec des valeurs de plans, des angles de vue très variés et toujours juste. Ajoutez-y les couleurs de Sunny Gho et c'est là encore incontournable.

Pourtant, seule ombre au tableau, ce sera la seule et unique fois dans ce run où Checchetto dessinera un arc entier, incapable de tenir la cadence, et épuisant plusieurs coloristes au passage (sans doute parce qu'ils n'avaient pas assez de temps pour faire leur job, les planches leur arrivant en retard). Il aura donc des fill-in, parfois très bons, parfois médiocres, parfois moyens, mais c'est tout de même dommage, cette inconstance.

Toutefois, cela ne doit pas minorer la qualité de ce début : Chip Zdarsky inaugure son run avec inspiration et puissance, et Marco Checchetto, même s'il aura par la suite besoin de renfort, assure comme une bête. A suivre donc...