mercredi 10 avril 2024

THE ONE HAND #3 (Ram V / Lawrence Campbell) - Avec The Six Fingers, 2 comics qui n'en font qu'un


Dans l'impasse avec l'enquête sur le nouveau tueur à une main, Ari Nassar et son collègue Mac décident, sans en avertir leur commissaire ni le procureur, d'aller interroger Oddell Watts, le copycat du premier serial killer Martin Tillman. En parallèle, Nassar continue de chercher Nemone, la cuber-prostituée récemment envoyée en recyclage...


On franchit un tournant important avec ce troisième chapitre (sur cinq) de The One Hand, celui où Ram V justifie nombre d'éléments, comme notamment le fait que l'histoire se déroule dans le futur mais également peut-être sur la victime du nouveau tueur à une main.


Toutefois, je mentirai si je ne disais pas que la direction prise m'a un peu déconcerté, presque déçu. En effet, alors que jusque-là, The One Hand (et donc aussi The Six Fingers) évoluait dans le registre policier pur, là on s'aventure dans celui de la science-fiction avec des références explicites à l'oeuvre de Philip K. Dick.

Pourtant, ça n'aurait pas dû me surprendre tant que ça car aussi bien Ram V que Dan Watters (scénariste de The Six Fingers) avaient planté le décor de manière évidente : Neo Novena, avec son temps constamment pluvieux, son architecture défraîchie et le personnage de Ar Nassar, flic au bout du rouleau, renvoyaient directement à Blade Runner, Rick Deckard, les répliquants.


Mais là, l'allusion est plus directe quand sont mentionnés les cogs, donc des androïdes, à la fois pour évoquer Nemone, la cyber-prostituée que fréquentait Nassar, et éventuellement la victime du premier meurtre commis par ce nouveau tueur en série. Je n'irai pas jusqu'à parler de copie, ce serait ironique avec une intrigue qui suggère qu'un copycat de criminel est à l'oeuvre, mais en même temps, il y a quand même un peu de ça, et cela donne au projet une dimension quasi méta.

On va bien voir si cela se vérifie dans les deux épisodes à venir (cinq en comptant ceux à paraître pour The Six Fingers). Je ne veux surtout pas donner l'impression que ces deux séries qui se répondent sont un plagiat ni même une déception. Non, la lecture est toujours aussi accrocheuse, avec une ambiance intense, et une identité visuelle forte.

Ce qui est plus net en revanche, c'est que cet épisode est clairement découpé en deux parties : d'un côté, Nassar confronte Oddell Watts, le copycat de Martin Tillman, et cette séquence, aux dialogues volontairement nébuleux, se termine par quelque chose de très violent, sidérant, qui redistribue les cartes et renvoie le policier dans les cordes. Toutefois, malgré le mystère bien entretenu, on nous indique qu'il faut, comme le personnage du détective, moins s'attarder sur les détails qu'essayer de se figurer quelque chose de plus vaste, de plus global et cela correspond, par extension, au projet des deux séries qu'il serait vraiment inconcevable de ne pas lire ensemble.

Ensuite, Nassar reprend ses investigations au sujet de Nemone. L'obstination qu'il met à la retrouver trahit une névrose, une dépendance, moins à la relation sexuelle qu'il avait avec elle qu'à une sorte d'affection trouble, comme s'il avait fini par oublier ou par décider qu'elle était plus qu'un robot. Ram V produit une séquence magnifique, très subtile, et assez poignante, qui prouve qu'il ne s'en tient pas aux clichés d'usage sur les hommes amoureux de machines. (Cela a fait écho en moi car, ces jours-ci, je lisais justement Une Machine comme moi, un roman de Ian McEwan à ce sujet - il faudrait que j'y consacre une entrée. Il faudrait que je consacre des entrées aux romans tout court.)

Lawrence Campbell et le coloriste Lee Loughridge illustrent cet épisode avec un talent consommé pour traduire ce que veut faire passer visuellement Ram V. La plupart du temps, les décors sont réduits à leur plus simple expression : par exemple, la cellule où Nassar interroge Watts est une cage avec des barreaux et tout ce qui l'entoure est vide. Cela contribue à faire de cet espace un lieu étroit et oppressant mais aussi irréel, quasi abstrait. Quand la violence y fiat irruption, l'effet est d'autant plus terrible.

Idem quand Nassar pénètre dans l'atelier où travaillent à la chaîne les cogs recyclés : sous un éclairage vert, la pièce se perd dans une perspective sans fin, totalement déshumanisée. Tout cela participe d'une volonté de montrer dans quel monde désincarné évolue Nassar, l'effet est sinistre mais puissant. Et cette espèce de nudité dans les décors met en valeur chaque expression, même la plus minime, sur les visages des personnages, chacune de leurs émotions.

Le résultat est tout à fait saisissant à l'image de ce projet toujours aussi excitant et imprévisible. La suite dans deux semaines avec le troisième volet de The Six Fingers....

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