mercredi 24 avril 2024

DAREDEVIL, VOLUME 1 : KNOW FEAR (Chip Zdarsky / Marco Checchetto)


Après avoir survécu à un accident de la route et passé plusieurs semaines à l'hôpital, Matt Murdock tente de reprendre une vie normale. Cole North, un inspecteur de police venu de Chicago, arrive à New York avec la ferme intention de mettre derrière les barreaux le premier justicier masqué qu'il pourra arrêter. Wilson Fisk a retrouvé son siège de maire de la ville et ordonné aux forces de l'ordre d'agir dans ce sens.


Une nuit qu'il sort patrouiller en costume, Daredevil surprend trois braqueurs en train de dévaliser une épicerie. Il engage le combat mais rencontre de la résistance : ses réflexes sont émoussés après son hospitalisation et la bagarre est confuse. Il s'enfuit avant l'arrivée de la police et ignore donc que Leo Carraro, un des voleurs, est mort des suites des coups qu'il lui a infligés.


La nouvelle se répand comme une trainée de poudre : Daredevil est accusé de meurtre. Ses amis dans la communauté super-héroïque comme Luke Cage et Jessica Jones s'interrogent. Ses ennemis, comme le Hibou, réfléchissent aux conséquences. Wilson Fisk se frotte les mains. Foggy Nelson doute. Et Daredevil lui-même croit à une machination ourdie par le Caïd.


Alors il prend tous les risques pour blanchir son nom et se fait piéger. L'homme sans peur va être obligé de prendre une décision sur la suite de sa carrière...


M'étant procuré pour un bon prix l'intégrale de son run sur la série, j'ai commencé à le relire et je vais donc vous proposer une rétrospective du Daredevil écrit par Chip Zdarsky et dessiné entre autres par Marco Checchetto. On commence donc par les cinq premiers numéros dans ce recueil paru en vo sous le titre Know Fear (à noter que tout ça existe en vf, traduits chez Panini Comics et désormais réédités en Marvel Deluxe).


Nous sommes donc en 2019 quand Chip Zdarsky prend la suite de Charles Soule en qualité de scénariste de Daredevil. Même s'il est d'usage de dire que le run de Soule ne vaut pas grand-chose, je le tiens pour plus qu'honorable : il avait la lourde tâche de passer après Mark Waid et Chris Samnee qui avaient conclu sur un dénouement qui aurait pu être définitif (Matt Murdock assumait publiquement être Daredevil, il vivait le parfait amour avec Kirsten McDuffie et Foggy Nelson se remettait d'un cancer).

Preuve qu'il ne faut pas zapper ce qu'a raconté Charles Soule, Chip Zdarsky fait une transition directe avec la fin de sa saga où Matt Murdock se faisait renverser par une voiture (une scène miroir de ses origines où il sauvait un homme du même sort avant qu'un isotope radioactif ne le prive de la vue mais lui confère ses pouvoirs). Quand tout démarre ici, Murdock est sorti de l'hôpital et est encore convalescent (il prend des anti-douleurs).

Son état physique mais aussi psychologique intéresse Zdarsky au premier chef car il veut montrer que Murdock/Daredevil n'est vraiment pas en forme. Il "lève" une fille dans un bar pour coucher avec elle mais la prévient ensuite qu'elle ne doit rien attendre de lui, aucune relation suivie et sérieuse. Surtout, sa situation va rapidement dégénérer quand lors d'une patrouille nocturne, il tue accidentellement un petit malfrat sans s'en rendre compte

Dès que l'affaire es rendue publique, tout va aller très vite de mal en pis. Ses amis super-héros, son partenaire Foggy Nelson, les civils qui croyaient en Daredevil, tous s'interrogent et craignent le pire, c'est-à-dire qu'il a réellement tué quelqu'un. Ses ennemis eux comptent bien en profiter, que ce soit le Hibou et ses trafics, Wilson Fisk et sa croisade politique opportuniste anti-justiciers masqués, ou encore le flic Cole North, résolu à l'arrêter car il ne supporte pas les vigilants se substituant aux forces de l'ordre.

Zdarsky mène son histoire avec brio : il sème le doute chez le lecteur, pose la question de la légitimité des super-héros agissant en dehors de la loi et justifiant leurs dérapages éventuels par les "risques du métier", souligne le désarroi qui s'empare de Daredevil et lui fait commettre erreur sur erreur... Les scène s'enchaînent sans temps mort, avec une densité rare, une tension permanente. C'est sûr, DD va tomber, et de haut. Il est littéralement au bout du rouleau et ses échanges avec le Punisher puis Spider-Man (montré comme le compas moral des super-héros) sont d'une pertinence parfaite.

Ce sans-faute est prolongé par la mise en images du script. Marco Checchetto renoue donc avec l'homme sans peur qu'il avait déjà dessiné quand il remplaçait Roberto de la Torre lors du run de Andy Diggle (qui avait suivi celui de Ed Brubaker et Michael Lark), puis en illustrant le crossover entre DD, Spider-Man et le Punisher (au début du run de Mark Waid avec Paolo Rivera).

Le style réaliste, détaillé et nerveux de l'artiste italien convient idéalement au récit. Il représente Murdock comme DD dans un état pathétique, ce qui fait qu'on n'est en vérité pas étonné qu'une telle catastrophe lui tombe dessus et surtout qu'il enchaîne les dérapages ensuite. De fait, ce Daredevil diminué se fait rosser par de petits voyous, prend une sévère raclée par Cole North, se ressaisit un peu face au Punisher avant de rendre les armes sans lutter face aux arguments imparables de Spider-Man.

Le sens de la mise en scène de Checchetto éblouit dans des compositions vraiment magnifiques et un découpage toujours impeccable, avec des valeurs de plans, des angles de vue très variés et toujours juste. Ajoutez-y les couleurs de Sunny Gho et c'est là encore incontournable.

Pourtant, seule ombre au tableau, ce sera la seule et unique fois dans ce run où Checchetto dessinera un arc entier, incapable de tenir la cadence, et épuisant plusieurs coloristes au passage (sans doute parce qu'ils n'avaient pas assez de temps pour faire leur job, les planches leur arrivant en retard). Il aura donc des fill-in, parfois très bons, parfois médiocres, parfois moyens, mais c'est tout de même dommage, cette inconstance.

Toutefois, cela ne doit pas minorer la qualité de ce début : Chip Zdarsky inaugure son run avec inspiration et puissance, et Marco Checchetto, même s'il aura par la suite besoin de renfort, assure comme une bête. A suivre donc...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire