Soudain il s'emporte en rappelant à l'ordre son interlocutrice sur les termes exactes des questions qu'elle doit lui poser. On comprend alors que tout ceci est une mise en scène destinée à assouvir les fantasmes de Hal face à Rebecca, qui est une maîtresse dominatrice payée pour cela. Le moins qu'on puisse dire, c'est que : 1/ on n'avait rien vu venir de tel et 2/ que Hal a vraiment de drôles de plaisirs. En témoigne ce qui suit quand elle l'oblige à nettoyer avec du papier toilette sa salle de bain seulement en sous-vêtements. La séquence s'étire jusqu'au malaise quand elle lui permet de se masturber puis l'arrête pour qu'il jouisse devant elle mais sans se toucher.
Tout cela se passe hors-champ, on n'est pas dans un film érotique, ou porno. Il n'y aura d'ailleurs pas de nudité ni de scène de sexe explicite par la suite. Zachary Wigon cadre toujours au plus près pour d'abord saisir les émotions sur les visages, la tension des corps, sa mise en scène n'est pas voyeuriste ou démonstratrice mais suggère très habilement. On est certes proche du théâtre mais avec les avantages qu'autorise le cinéma, en pouvant se rapprocher des acteurs au plus près.
Le scénario écrit par Micah Bloomberg repose entièrement sur les rapports de force entre les deux protagonistes : au début, il s'agit d'un client et d'une dominatrice, puis la situation bascule après qu'elle ait été humiliée et veuille prendre sa revanche. Rebecca fait croire à Hal qu'elle détient une vidéo de leurs séances et et menace de la rendre publique si Hal ne la rétribue pas mieux. Elle exige une somme faramineuse correspondant à la moitié de ce qu'il touchera comme PDG pendant sa première année d'exercice !
Ce chantage panique Hal qui se met alors à détruire sa suite pour y trouver une caméra qu'aurait utilisée Rebecca. Bluffe-t-elle ? En dire plus serait criminel, mais la nuit est longue et cet affrontement sera riche en rebondissements, en retournements de situation. Hal n'a pas dit son dernier mot, Rebecca est une joueuse redoutable et à la fin... Non, je ne vais rien vous spoiler mais la fin est franchement étonnante.
En vérité, Sanctuary (qui est le mot-clé pour interrompre la séance si Hal juge que ça va trop loin) peut aussi se lire comme une comédie romantique particulièrement tordue et à cet égard on pense à La Secrétaire (Steven Shainberg, 2002, avec Maggie Gyllenhaal et James Spader), autre romance bizarre et savoureuse. Le coup de force ici réside dans l'intensité constante, le spectateur est cloué sur place et attend de voir où et comment ça va finir.
Evidemment, pour jouer une telle partition, il ne faut pas se tromper de casting. Christopher Abbott est incroyable en type fébrile, sur le gril, qui doute de son héritage, de ses compétences, mais qui en même temps estime en avoir assez bavé, écrasé dans l'ombre d'un père charismatique. Il veut saisir sa chance tout en admettant que c'est justement par chance et non par mérite qu'il accède à cette position.
Surtout le film vaut par la composition extraordinaire, et je pèse mes mots, de Margaret Qualley. La richesse, l'ampleur, la subtilité de son jeu sont confondantes. Elle est proprement fascinante, dès la première scène elle nous embarque dans une mystification vertigineuse et ça n'arrête plus ensuite. Elle frise la folie furieuse, elle feint la peur, elle trouble d'un regard, s'amuse, fait flipper... Ajoutez-y ce charme fou et vous mesurerez à quel point elle est impressionnante.
Sanctuary est un pépite, imprévisible, électrique, grisante, portée par deux acteurs au sommet de leur art.
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