dimanche 21 avril 2024

BATMAN / SUPERMAN : WORLD'S FINEST TOME 1 : LE DIABLE NEZHA / TOME 2 : UN ETRANGE VISITEUR (Mark Waid / Dan Mora)


- LE DIABLE NEZHA. - Batman et Robin interviennent à Metropolis pour appréhender Poison Ivy. Superman les rejoint lorsque Metallo l'attaque en lui injectant un cocktail de kryptonite rouge associé à un poison inconnu. Il perd le contrôle de ses pouvoirs et provoque des dégâts dans toute la ville.
 

Batman appelle en renfort la Doom Patrol et ensemble ils réussissent à neutraliser Superman qu'ils transportent chez Niles Caulder pour le soigner. Ceci fait, après avoir examiné la seringue de Metallo sur laquelle Caulder reconnaissait un symbole, les membres de la Doom Patrol évoque le Diable Nezha, héritier d'un seigneur de guerre dans le Japon féodal devenu immortel et ivre de conquête.


S'étant visiblement échappé de la prison dans laquelle l'avaient enfermé les Guerriers de Ji, Superman et Batman, aidés de Supergirl, Robin et la Doom Patrol le traquent et l'affrontent...


Avant de critiquer le 26ème épisode sorti Mercredi dernier, il m'a paru sage de vous proposer une rétrospective des quatre premiers tomes de Batman / Superman : World's Finest. Je vais me me concentrer sur les numéros réalisés par l'équipe artistique régulière, à savoir le scénariste Mark Waid (de retour chez DC après un bail chez Marvel) et le dessinateur Dan Mora, sachant que chaque recueil contient cinq épisodes par eux deux plus un sixième illustré par un autre qui sert d'entracte entre chaque arc narratif (pour un résultat très dispensable à chaque fois).


World's Finest est un vieux titre qui a connu bien des versions, mais la volonté de Waid de le ranimer s'explique aisément : pour cet auteur qui a une longue carrière derrière lui, il n'est plus question d'écrire une série qui soit parasitée par des events ou des crossovers. Un peu comme Jonathan Hickman chez Marvel désormais, il préfère s'amuser dans son coin, d'où l'idée de situer les aventures du tandem Batman-Superman dans le passé, au début de leur collaboration, quand Dick Grayson était encore Robin.
 

Pourtant, ce premier arc aboutira à un event écrit par Waid (le médiocre Lazarus Event) en introduisant le méchant Diable Nezha, création originale. Cela, avec le recul, révèlera le défaut majeur du projet : en voulant échapper au présent, Waid s'est condamné depuis à écrire des histoires qui ne doivent pas être susceptibles d'impacter les séries consacrées à Batman et Superman actuellement. D'où des intrigues sans conséquence où le scénariste ajoute des éléments à la mythologie de ses deux héros sans jamais qu'elles soient ensuite reprises par ses collègues.

Ces cinq premiers épisodes donnent parfaitement le ton : c'est bourré d'action, ça fille à toute allure, la caractérisation est sommaire, et donc il n'y a aucune conséquence durable, susceptible de réécrire la continuité (déjà souvent chamboulée de DC. Ce n'est pas désagréable à lire, au contraire, mais évidemment la portée est très limitée, pour ne pas dire nulle. Et c'est là la différence entre Waid et Hickman : ce dernier a obtenu de Marvel de créer ce qu'il voulait dans son coin mais au lieu de se réfugier dans le passé, il en profite pour enrichir des espaces négligés par son éditeur (comme le panthéon cosmique avec G.O.D.S.) ou pour recréer des univers abandonnées (comme la redéfinition de la gamme Ultimate).

Le Diable Nezha s'avère néanmoins un adversaire coriace mais accessoire puisque sa victoire est impensable. Qu'il soit devenu le centre de Lazarus Planet n'a fait que souligner sa faiblesse comme personnage mais ça, ce n'est pas propre à Waid ou DC : chez Marvel aussi, les vilains inédits peinent à supplanter les méchants classiques récurrents. Cette leçon, Waid la retiendra par la suite en revenant aux basiques mais en les boostant sérieusement.

Pour cela, il peut compter sur Dan Mora. Ce monstre de productivité, capable de dessiner deux séries mensuelles simultanément (plus un paquet de variant covers), est un artiste redoutablement efficace, dont le trait anguleux évoque Jim Lee avec une énergie bien plus explosive. Toutefois, ce talent a son revers car Mora use et abuse parfois de raccourcis graphiques pour tenir ses extravagants délais, notamment quand il s'agit de zapper les décors et de représenter des personnages aux expressions sinon limitées, du moins surjouées.

Il n'empêche, on serait ingrat de dénigrer Mora car sa performance inspire le respect à une époque où très peu de ses pairs enchaînent les épisodes avec le même dynamisme. Il a aussi pour lui un amour visible pour le genre super-héroïque : on sent qu'il s'amuse et Waid lui donne de quoi se dépenser (comme il le fit lors de son association si étincelante avec Chris Samnee chez Marvel).

Un coup d'essai satisfaisant mais avec mention "peut mieux faire".

*


- UN ETRANGE VISITEUR. - David Sekela atterrit dans une capsule spatiale sur Terre. Batman et Robin puis Superman vont à sa rencontre et découvrent qu'il est doté de super-pouvoirs très puissants, mais surtout qu'il vient d'une Terre parallèle détruite et où ont péri ses parents. Sa situation émeut particulièrement Superman qui a vécu la même tragédie.
 

Pour qu'il maîtrise ses pouvoirs, David est confié aux Teen Titans mais Wonder Girl fait remarquer à Robin le tempérament impulsif du garçon dont elle se méfie. Cependant, ses exploits aux côtés de cette équipe ou avec Superman attirent l'attention du Joker et de la Clé : le premier y voit la talon d'Achille du kryptonien, le second un objet d'études.


En tendant un piège à Batman et Superman, le Joker et la Clé kidnappent Boy Thunder (le surnom donné à David) et le torturent pour qu'ils révèlent l'identité de Batman et les secrets de la forteresse de solitude de Superman. Pendant ce temps, avec les Teen Titans, Batman et Superman recherchent leur protégé...


Ce deuxième tome marque un vrai progrès par rapport au premier. Mark Waid s'appuie sur un postulat simple : que se passerait-il si Superman découvrait un jeune garçon ayant subi la même tragédie que lui ? Cet effet miroir aboutit à une intrigue qui réserve plus de surprises qu'on peut s'y attendre.


D'abord parce que, comme le pressent Wonder Girl, Boy Thunder a un secret. Sans spoiler, il a une responsabilité directe dans le drame qu'il a traversé et il en conçoit donc une culpabilité qui le tourmente mais qu'il dissimule jusqu'à un certain point. Ensuite, cela provient de son caractère : contrairement à Superman, ce garçon n'a pas vécu dans une famille heureuse et lorsqu'il s'échoue dans notre monde, il n'est pas recueilli par des parents adoptifs aimants mais par des super-héros qui veulent d'abord le canaliser.


Confronté à des méchants très méchants comme le Joker et la Clé (un personnage revisité ici avec brio), David Sekela va laisser sa véritable nature prendre le dessus et révéler un visage peu flatteur... Que Waid relie à son grand classique des années 90, Kingdom Come, mais aussi à une saga-culte de la série Justice Society of America, Thy Kingdom Come, par Geoff Johns et Alex Ross.

Ce tour de passe-passe narratif aboutit à un dénouement qui appelle un troisième acte et qui formera le synopsis du tome 4 de World's Finest sous forme de préquelle à Kingdom Come (mais en intégrant des éléments imaginés entre temps par Johns et Ross).

Tout est donc là pour une histoire très efficace, subtile, profonde et tortueuse, mais racontée avec une limpidité admirable. Dan Mora la sert avec des dessins mieux dosés mais avec des scènes où son sens de l'action fait toujours merveille. Comme dans le premier arc de la série, où il mettait en scène la Doom Patrol en guest-stars, il saisit l'opportunité d'employer les Teen Titans, redesignant légèrement l'habit de Wonder Girl, créant celui de Boy Thunder, et surtout customisant le personnage de la Clé dont il fait un vilain remarquable et retors (il vole même la vedette au Joker !).

Mark Waid trouve un bel équilibre avec ce récit : il compose avec les contraintes qu'il s'est lui-même imposé (une histoire sans impact sur les aventures actuelles des héros) mais avec la possibilité de développer une intrigue ultérieurement dans ce passé revisité. Dan Mora, à l'image de Boy Thunder, se canalise davantage et prouve que s'il est une vraie bête de travail, il a aussi l'intelligence d'un vrai narrateur graphique.

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