mercredi 3 avril 2024

THE IMMORTAL THOR #6-7 (Al Ewing / Martin Coccolo)


Le combat contre Toranos a fait comprendre à Thor que les anciens dieux sont une menace à prendre au sérieux. Il veut en parler à sa mère, Gaia, mais pour cela il doit s'y préparer. Loki lui raconte une de leurs premières aventures qui les avait emmenés aux confins d'Asgard...


Al Ewing entame ce deuxième arc de The Immortal Thor en continuant à combiner la mythologie du personnage et ce qu'il affronte au présent. On sent que le scénariste maîtrise son sujet et adresse en ce sens une vraie lettre d'amour à Jack Kirby, qui, sans verser retomber dans le débat consistant à trier ce qu'a créé Stan Lee ou son compère, est aujourd'hui unanimement reconnu comme le premier animateur du titre.


C'est donc un périple dans le mystère (Journey into Mystery) des origines de Thor mais aussi de Loki que Ewing nous entraîne. Il joue toujours sur l'ambiguïté des relations entre les deux demi-frères, comme il l'a fait depuis la relance de la série sous sa plume - Loki se présentant lui-même comme l'allié mais aussi le pire ennemi de Thor qui l'admet.


C'est donc un récit initiatique en bonne et due forme auquel on a droit aux confins de Asgard, censé instruire Thor avant qu'il ne s'entretienne avec sa mère, Gaia, seule à même de l'éclairer sur les plans des anciens dieux après l'attaque de Toranos. Ewing rédige des dialogues plein d'esprit : il met ainsi en évidence mais sans lourdeur le jeune Thor arrogant et qui malmenait Loki, lequel n'est pas dépeint comme un manipulateur mais plutôt comme un jeune homme craintif à cause de l'attitude de son demi-frère et de son père adoptif tout en se révélant plus intelligent.


Ewing rédige des dialogues plein d'esprit : il met ainsi en évidence mais sans lourdeur le jeune Thor arrogant et qui malmenait Loki, lequel n'est pas dépeint comme un manipulateur mais plutôt comme un jeune homme craintif à cause de l'attitude de son demi-frère et de son père adoptif tout en se révélant plus intelligent.

Visuellement, Martin Coccolo ne cesse de confirmer tout le bien que je pense de lui épisode après épisode. Il est percutant dans les scènes d'action subtil dans les moments plus calmes. Il y a une sorte de force tranquille à l'oeuvre sur ces planches qui sont celles d'un dessinateur à l'aise avec ce qu'on lui donne à raconter graphiquement.

Bref, The Immortal Thor, c'est du solide et ce n'est qu'un début.

*


Thor et Loki poursuivent dans leur jeunesse leur exploration des confins d'Asgard. Et ils atteignent les portes d'Utgard. Utgard Loki les reçoit et les soumet à plusieurs épreuves pour savoir s'ils sont légitimes à visiter l'endroit...


Suite directe et même organique de l'épisode 6, ce septième chapitre de The Immortal Thor tire un peu en longueur, ne nous le cachons pas. On sent bien que Al Ewing veut poser des éléments pour le futur de son run, mais il le fait sur un rythme un peu trop tranquille qui peut ennuyer le lecteur.



Non pas qu'on que le résultat soit mauvais, notez-le, mais enfin, tout cela aurait pu (dû ?) tenir en un seul épisode. On a deviné depuis le premier arc qu'il existait une contrée nommée Utgard abritaant d'anciennes divinités qui incarnaient des doubles antérieurs à Thor (avec Toranos), maintenant Loki et sans doute Odin.


Je spoile un peu la fin de cet épisode, mais ça ne saurait gâcher ce qui arrive - et qui reste à définir. Pour l'instant, Toranos a constitué une menace agressive, Utgard-Loki est évidemment plus sournois, alors à quoi pourrait ressembler Utgard-Odin ? Un dieu des dieux colérique et impulsif, tyrannique et surpuissant ? Ou une sorte de guide aimable, détenteur de secrets sur les royaumes, leur origine, leur avenir ? Tout est possible et on peut faire confiance à Al Ewing pour ne pas livrer quelque chose de convenu.


Néanmoins, c'est évident, ces épreuves absurdes qu'inflige Utgard Loki aux jeunes Thor et Loki n'ont guère d'intérêt en soi. C'est bien la première fois que Al Ewing se laisse aller ainsi à écrire un scénario dispensable ou, du moins, répétitif, insistant, soulignant ce que tout le monde avait déjà intégré. Donc, oui, on est un peu déçu.

Paradoxalement, il existe dans cet épisode deux parties qui intriguent positivement, malgré la faiblesse de l'ensemble. D'abord, Ewing "tease" une discussion à venir entre Thor et sa mère Gaea et sur ce point, le scénariste balaie d'un revers de main décidé ce que Jason Aaron avait entretenu dans son propre run sur Thor puis ensuite sur Avengers, suggérant que Thor pouvait être le fruit des amours d'Odin et du Phénix.

Ensuite, et ai-je envie de dire surtout, Ewing a développé discrètement depuis quelques mois une sorte de subplot. Jusqu'à présent, je n'en ai pas parlé, mais le moment est venu de l'évoquer car cela devient difficile de le passer sous silence sans être trop allusif. Dans Avengers Inc., on apprenait que Skurge l'exécuteur avait réussi à s'échapper du Valhalla avec la complicité d'Odin pour y accomplir de sales besognes. Avengers Inc. ayant été entre temps annulé, Ewing a dû réviser ses plans qui, à terme certainement, devait dresser des passerelles entre ce titre et The Immortal Thor.

Skurge s'est allié à Amora l'enchanteresse, avec laquelle il a souvent fait affaire, et tous deux sont devenus les complices de Dario Agger / le Minotuaure (personnage utilisé par Jason Aaron dans son run). Mais Ewing a imaginé une chose assez folle : sur la Terre 616 de Marvel (où vivent donc les super héros), Agger est devenu propriétaire des éditions Marvel et donc il publie les aventures, entre autres de Thor en comics !

Cet aspect méta-textuel devient une partie importante du récit dans la mesure où les pérégrinations des jeunes Thor et Loki en Utgard sont lues par Agger dans le comic-book consacré à Thor. Mais à la nuance près que Amora y a injecté de sa magie, altérant visiblement le cours des événements. Et il semble bien qu'à terme le scénariste ait comme plan de créer des doubles de Thor, Loki et d'autres personnages réinventés par Roxxon-Marvel et qu'une bataille naisse entre les originaux et leurs copies !

Je trouve ça très culotté car c'est une manière à peine déguisée de la part de Ewing de se payer la tête de son propre éditeur (Roxxon étant assimilé à une entreprise capitaliste très agressive aux activités douteuses, l'associer à Marvel revient à dire que l'éditeur n'est lui-même pas très net). Entre Hickman qui réécrit le panthéon de Marvel dans G.O.D.S. et Ewing qui réfléchit à l'image même de l'éditeur, voilà deux auteurs qui creusent un sillon inattendu et insolent particulièrement vivifiant.

Visuellement, The Immortal Thor continue d'être un régal grâce à Martin Coccolo, dont les planches exaltent à la fois le côté le plus spectaculaire de l'histoire (avec le cadre grandiose de Utgard) et en même temps soigne l'expressivité des personnages, découpe l'action de manière dynamique. L'aspect à la fois mythologique de la série est magnifié par ce graphisme élégant et puissant, mais qui ne se contente pas de servir le script sagement et en épouse à l'occasion l'absurdité et la mise en abyme.

C'est décidément un run imprévisible et plus profond qu'il n'y paraît. Al Ewing, avec Martin Coccolo, redonne de belles couleurs au dieu du tonnerre de Marvel (ou de Roxxon ?).





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