samedi 29 novembre 2025

ABSOLUTE BATMAN, VOL. 2 : ABOMINATION (Scott Snyder / Nick Dragotta, Marcos Martin, Clay Mann)


ABSOLUTE BATMAN, VOL. 2 : ABOMINATION
(Absolute Batman #7-14)


- ABSOLUTE ZERO (#7-8) - Bruce Wayne veut en savoir plus sur le complexe Ark-M en construction sur la baie de Gotham et qu'il soupçonne d'abriter des choses louches. Il demande à son vieil ami d'enfance, "Matches" Malone de lui fournir de faux papiers pour y pénétrer comme un agent chargé de contrôler les installations. Mais à peine les faux papiers en main, Bruce voit "Matches" s'écrouler, mort, exsudant du sang par tous les pores....


La mort de "Matches" ébranle Bruce et ses amis, Harvey, Oswald, Waylon et Edward qui tentent de le dissuader d'aller à Ark-M. Bruce ne tient pas compte de leurs conseils et y fait la connaissance de Victor Fries Jr., jeune scientifique spécialisé dans la cryogénisation et l'étude des bactéries. Cependant, Waylon Jones est arrêté abusivement pour avoir violé le couvre-feu mis en place par les autorités...


- ABOMINATION (#9-14) - Après avoir échappé aux expériences de Victor Fries Jr., Bruce retrouve Oswald, Harvey et Edward qui lui apprennent l'arrestation de Waylon. Il lui faut retourner à Ark-M bien que Pennyworth le lui déconseille. Avec l'aide de ce dernier, il s'introduit dans le complexe en pensant ne pas être détecté. Grave erreur !


Batman y est attendu par Bane, un colosse à la force surhumaine qui le roue de coups et l'enferme dans une cellule. Durant quatre mois, il est soumis à des expériences menées par le docteur Arkham. Plusieurs fois, Bruce tente de s'évader, mais Bane le rattrape, le démolit physiquement et moralement. Et les expériences reprennent...


Lorsque, enfin, Bruce réussit à semer Bane, il retrouve du même coup Waylon, radicalement transformé, et qui l'aide à fuir. De retour auprès de sa mère, folle d'inquiétude, et de Jim Gordon, Bruce découvre que Bane s'en est pris à ses amis à qui il a infligé de terribles traitements. Pennyworth est prêt à l'aider à se venger lorsque Selina Kyle/Catwoman resurgit...


Tout d'abord, je dois préciser que les huit épisodes qui forment ce deuxième tome de Absolute Batman seront disponibles en vo et en vf (chez Urban Comics) au mois de Fèvrier prochain. J'ai pu les lire avant grâce à un ami qui suit la série mensuellement et alors que le #14 vient de sortir.


Huit épisodes, voilà qui forme un copieux sommaire et si vous avez aimé le premier tome (ce qui semble être le cas de beaucoup de monde vu les ventes), alors vous êtes bien partis pour adorer ce deuxième volume. Pour ma part, l'expérience a été positive même si j'émettrai quand même quelques réserves, mais j'y reviendrai.


Scott Snyder propose deux histoires dans ce tome 2 mais qui forment un tout et préparent à la suite (dans laquelle on verra enfin vraiment l'Absolute Joker mais aussi Absolute Poison Ivy) La première des deux histoires est en deux parties et s'intitule donc Absolute Zéro. Pour laisser souffler Nick Dragotta au dessin, DC et Snyder ont convaincu rien moins que Marcos Martin de jouer les fill-in de luxe.

Cependant je dois dire que j'ai été frustré par ce diptyque où l'on fait la connaissance de la version Absolute de Mr. Freeze. Il subsiste peu de doute qu'on le reverra dans le futur, mais à tout prendre, n'aurait-il pas mieux valu reporter son apparition et lui consacrer un arc narratif plus consistant que ces deux épisodes ?

D'autant que Snyder se montre peu inspiré pour réinventer ce méchant emblématique : dans sa version classique, Victor Fries est quasiment identique à celui qu'on rencontre ici, si ce n'est qu'il cherche un moyen de rendre la vie à ses parents et non à sa femme. La différence ne suffit pas à donner une plus value suffisante pour combler le fan.

Et c'est parce que, également, Snyder conclut ces deux épisodes d'une manière expéditive, au point qu'on se demande s'il n'était pas plus pressé pour écrire le récit suivant. Fries met Batman en grande difficulté et ce dernier est obligé de battre en retraite, s'échappant du complexe Ark-M de justesse. Et voilà, c'est tout, à la prochaine !

En vérité, cet affrontement semble servir de prétexte pour éloigner Bruce Wayne de sa bande d'amis puisque, pendant qu'il est piégé par Fries, Waylon Jones est enlevé par la police qui l'arrête et le neutralise sous le prétexte bidon qu'il a violé le couvre-feu mis en place par le nouveau maire, suite à la bataille spectaculaire qui a opposé Batman à Black Mask (dans le tome 1).

La disparition de Waylon Jones va effectivement servir d'argument pour que Batman retourne fouiner dans le complexe Ark-M dans l'arc suivant. Et donc, ces deux épisodes qui ouvrent le tome donnent furieusement l'impression que Snyder a moins chercher à introduire Fries qu'à distraire Batman et à organiser l'enlèvement de Waylon.

Dommage car Marcos Martin assure au dessin. C'est d'abord étonnant de le voir évoluer dans cet univers, lui qui n'a plus dessiné de série super héroïque depuis un bail, occupé par ses projets indés avec Panel Syndicate (The Private Eye, Barrier, Friday). Mais l'espagnol nous régale avec des planches toujours aussi inventive, magnifiées par les couleurs de son épouse Muntsa Vicente.

Ensuite, on passe au plat de résistance avec l'histoire qui donne son titre à l'album : Abomination. Ce titre sonne comme une provocation car quand le design d'Absolute Bane par Nick Dragotta a circulé en ligne, le co-créateur (avec Doug Moench et Chick Dixon) du personnage, Graham Nolan, a déclaré qu'il était abominable.

Pendant six épisodes, on va donc assister à la présentation de Bane version Absolute, mais aussi à la détention de Bruce Wayne dans le complexe d'Ark-M, aux expériences éprouvantes qu'il subira, à son évasion, et à l'affrontement entre les deux personnages. L'occasion aussi d'assister à l'arrivée d'Absolute Catwoman (qui aura droit à sa mini-série en 2026).

Bane est sans doute devenu un des adversaires les plus iconiques de Batman depuis sa création en 1993 : l'image qui le voit briser le dos du dark knight est désormais dans toutes les mémoires, et encore récemment, le run de Tom King sur Batman lui donnait un rôle crucial. C'est une brute certes, mais aussi un individu très intelligent, et ces deux qualités en font un méchant redoutable.

Snyder, à l'image de sa vision de l'univers Absolute, pousse tous les curseurs dans le rouge et son Bane est encore plus terrifiant que celui qui l'a inspiré. Un épisode entier est consacré à ses origines, dessiné par Clay Mann de manière très efficace (là encore un fill-in de luxe), et c'est plus que suffisant pour que le lecteur sache que Batman va devoir s'employer pour le battre.

Le duel final entre les deux belligérants tient toutes ses promesses et sin vous aimez le sens de l'exagération propre à Snyder, vous serez comblés. C'est dantesque, horrifique, souvent grotesque aussi dans la démesure à tout crin. Et c'est d'ailleurs là où le bât blesse... Car, en la matière, si la règle ici, c'est d'être too much par définition, là j'ai trouvé que ça atteignait des proportions embarrassantes.

Le calvaire qu'endure Bruce dans le complexe d'Ark-M est très réussi et Snyder, s'il déborde d'idées cruelles, parvient à nous faire croire que tout est possible dans l'univers Absolute, y compris une défaite écrasante de Batman. D'ailleurs, il joue avec nos nerfs en montrant, avec Clay Mann, ce que donnerait la victoire de Bane. Et c'est du brutal ! Bras arrachés, tête écrasée... N'en jetez plus !

Et puis Batman s'enfuit avec l'aide de Waylon Jones, transformé littéralement en crocodile (image saisissante dont je donne un aperçu plus haut). Celui-ci le supplie de le tuer mais Bruce refuse et son ami lui tourne le dos, retournant dans les égouts. Ce n'est qu'un amuse-bouche pour ce qui suit immédiatement après...

Car Bane s'en est pris, aussi sauvagement, à Oswald Cobblepot, Harvey Dent et Edward Nygma (qui dans l'univers Absolute sont, je le rappelle, les amis d'enfance de Bruce). Le premier a tous (tous !) les os brisés. Le deuxième est brûlé sur toute (toute !) la moitié du corps. Et le troisième.... C'est atroce. Tellement que c'est là que mes réserves les plus sérieuses apparaissent.

A force de surenchère dans la violence, les sévices physiques et mentaux, le déluge de coups, ce qui composent le programme des épisodes 12 à 14, l'écoeurement et la lassitude dominent sur le plaisir. Je ne suis pas spécialement impressionnable en matière de comics, mais j'ai décroché à partir de là. Parce que c'est complaisant, gratuit. Et trop long. Interminable même.

Snyder ne sait pas où s'arrêter et franchit la ligne rouge. A la fin, on se demande ce qu'il va encore sortir de son chapeau. Et on peut dire qu'il ose tout, surtout le mauvais goût. Sauf que ce n'est même pas l'occasion de sourire, voire de rire. C'est juste moche. Et voir Nick Dragotta s'enfoncer dans ce triste spectacle fait peine à voir.

Dragotta livre des planches extraordinaires et son design pour Absolute Catwoman est vraiment audacieux et réussi. Ses scènes d'action sont découpées de façon incroyablement dynamiques. Avec le coloriste Frank Martin, il créé des ambiances intenses. Même si le rythme mensuel l'oblige à sacrifier les décors, il s'en sort toujours pour les représenter de manière évocatrice et puissante.

Mais quand je vois un dessinateur de son calibre s'échiner à mettre en image un combat aussi grotesque que celui de l'épisode 14, obligé de suivre Snyder dans son délire fatigant, au détriment de la beauté élégante de son trait, je dois dire que ça m'emmer.... Snyder a une fois encore un artiste de haut niveau pour lui et il lui donne littéralement n'importe quoi à dessiner.

C'est le problème avec cette ligne Absolute : à l'exception notable de Martian Manhunter, qui se distingue par son intelligence et sa sophistication, tout le reste est vite abrutissant à force d'exagérations. Qu'il s'agisse du Superman immature de Aaron et Sandoval ou de la Wonder Woman gothique de Thompson et Sherman ou du Batman écrasant de Snyder et Dragotta, toute subtilité semble être exclue.

Je comprends le projet qui imagine des versions stéroïdées des icones DC, mais je déplore que seul Martian Manhunter bénéficie d'un traitement qui ne s'égare pas dans le grand-guignol. La relance (bientôt achevée) de l'univers Ultimate a été globalement un pétard mouillé. Mais le lancement de l'univers Absolute ressemble à une foire bruyante et criarde à côté. 

C'est, si j'ose dire, à l'image du monde actuel, de l'époque : il faut montrer les muscles et parler fort. Absolute Batman en est un exemple frappant. Et cette Abomination, plus pitoyable que choquante, ne me donne plus envie d'aller plus loin. Vivement le retour et la fin d'Absolute Martian Manhunter, véritable bizarrerie pleine de nuances dans ce monde alternatif mais exténuant.

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