samedi 8 novembre 2025

LADY ICE (Tom Gries, 1973)


Dans une chambre d'un hôtel luxueux de Miami, l'enquêteur d'assurances Andy Hammon surprend Tony Lacava, un trafiquant de bijoux et, sous la menace de son arme, l'oblige à lui remettre un collier de diamants. Il le menotte ensuite dans la salle de bain et disparaît. Hammon infiltre, sous couverture, le garage tenu par Paul Booth où il rencontre la fille de ce dernier, la belle Paula, qu'il siffle alors qu'elle rejoint le bureau son père. Celui-ci convoque l'homme et le licencie sur le champ pour son attitude irrespectueuse.


Hammon vole alors la voiture de Paula qui part à sa poursuite mais qu'il sème avant d'abandonner le véhicule. Le soir, elle assiste à une réception avec son mari Eddie mais s'ennuie et rentre chez elle. Alors qu'elle prend un bain, elle est surprise par Hammon qui se présente à elle comme un criminel désireux de faire affaire avec elle. Lorsque Eddie arrive, Hammon s'éclipse. Il retrouve Paula à concession automobile de son père le lendemain et lui montre le collier de diamants qu'il a pris à Lacava pour en négocier la vente.


Paula en parle à son père et à Eddie qui se méfient de Hammon et réfléchissent à l'éliminer. Mais Paula obtient de le revoir et d'en apprendre plus sur ses intentions. Cependant, Hammon est convoqué par Ford Pierce, un fonctionnaire du Ministère de la Justice, qui surveille les Booth qu'il soupçonnent de recel de bijoux volés. Il a également récupéré le cadavre de Lacava. Mais Hammon le convainc de lui laisser encore un peu de temps pour confondre les Booth...


La genèse de Lady Ice (exploité en France sous le titre affligeant de Madame Bijoux...) est de celle que j'apprécie de partager. C'est le genre d'anecdote amusante et éclairante sur la conception de films, quelle que soit l'époque où ils ont été faits. Pour apprécier celle-ci, il faut savoir que l'un des scénaristes n'est autre que Alan Trustman...


Ce nom ne dira probablement rien à grand-monde mais il s'agit pourtant de l'auteur du script de L'Affaire Thomas Crown, réalisé par Norman Jewison en 1968 avec Steve McQueen et Faye Dunaway. Ce n'est donc pas n'importe quel scribouillard. Il est ici associé à un autre plumitif du nom de Harold Clemens.
 

Mais si vous avez vu L'Affaire Thomas Crown, alors vous saisissez immédiatement que Lady Ice en est la copie gender swipée. Trustman ne s'est donc pas trop foulé en écrivant cette histoire : ici le rôle tenu par Faye Dunaway chez Jewison est joué par Donald Sutherland, et celui tenu par Steve McQueen est joué par Jennifer O'Neill.


Mais ça ne signifie pas qu'on a là une copie carbone de L'Affaire Thomas Crown. Le film de Jewison mettait en scène un riche homme d'affaires qui, pour s'amuser, organisait le braquage d'une banque et qui devenait le suspect d'une enquêtrice mandatée par l'assurance de ladite banque tout en s'engageant dans un jeu de séduction avec son suspect n°1.

Tom Gries n'est pas aussi sophistiqué que Jewison et l'intrigue de son film diffère. Ici, il est question de vol de bijoux, de recel et de trafic de diamants. Un enquêteur des assurances de bijouteries devine que la famille Booth, dont l'origine de la fortune est suspecte, est impliqué dans l'achat de bijoux volés, et leur revente après les avoir fait retailler.

Le résultat est inférieur à L'Affaire Thomas Crown tout simplement parce qu'on découvre vite à quel petit jeu s'est prêté le scénariste et que la comparaison ne joue pas en sa faveur. Mais aussi parce que Gries n'a pas, comme Jewison (et son monteur Hal Ashby), transcendé son histoire en un exercice de style formel virtuose.

A sa décharge, Gries ne devait pas réaliser le film. Deux autres réalisateurs, dont George Lucas (qui déclina l'offre une fois qu'un studio accepta de financer American Graffiti) et Terrence Malick (qui eut l'idée de l'histoire originale et qui la vendit pour 50 000 $ afin de produire son premier long métrage, La Balade Sauvage), furent pressentis avant que Gries reprenne les commandes (il était aussi co-producteur).

Le souci avec Lady Ice, ce n'est pas seulement son manque d'ambition visuelle ou la paresse dont a fait preuve Trustman pour caractériser ses personnages, c'est surtout son manque de rythme et une dernière partie qui manque de piment. Ici, tout le monde se tourne autour, conscient de la menace que représente chacun, mais personne ne semble vouloir prendre l'initiative.

Le dénouement, sans le spoiler, est à l'image de cette valse-hésitation avec un manque flagrant d'énergie et une sorte de satisfaction forcée des deux personnages principaux. C'est dommage parce que les 2/3 qui ont précédé ne sont pas désagréables. Un peu mou, oui, mais divertissant, parfois absurde (comme cette course-poursuite entre Hammon et le van où Paula expertise des bijoux volés).

Gries, contrairement à Les Cent Fusils dont j'ai parlé hier, n'a pas eu le loisir de superviser l'écriture et doit se contenter de mettre en images. S'il n'avait été que le co-producteur, sans doute aurait-il fait procéder à des modifications, mais visiblement il n'a pas pu le faire, faute de temps. Et Gries était connu pour être volontiers interventionniste quand le script ne le satisfaisait pas (ce fut le cas sur Les Cent Fusils justement).

Bref, en l'état, Lady Ice ressemble au brouillon d'un film qui aurait pu/dû être bien meilleur. Ce qui le sauve de la médiocrité, ce sont ses acteurs. C'est un choix brillant d'avoir fait appel à Donald Sutherland pour jouer Hammon : il a ce côté désinvolte et insolent qui permet au personnage d'être singulier (et aux antipodes du détective de Klute).

Face à lui, Jennifer O'Neill, ancien mannequin reconvertie comme actrice qui connut une gloire express avec Un Eté 42 (Robert Mulligan, 1972), est évidemment belle à couper le souffle. Son jeu est un peu rigide par rapport à celui de Sutherland, mais elle donne plutôt bien le change, et justement ce côté un peu figé sert son rôle, le spectateur ne sachant jamais trop quoi penser d'elle.

Robert Duvall joue le fonctionnaire Ford Pierce et, là, par contre, c'est un peu du gâchis car il n'a pas beaucoup de scènes, et de scènes intéressantes à défendre. Je pense qu'en l'enlevant carrément du film, on ne perd rien, c'est dire.

Lady Ice est typiquement une production "peut mieux faire". Il y avait de quoi, avec ce casting, cette histoire et ce réalisateur. Mais les aléas de la pré-production ont définitivement empêché le film de décoller comme prévu.

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