jeudi 13 novembre 2025

DU SANG DANS LA POUSSIERE (Richard Fleischer, 1974)


Harry Spikes est un braqueur de banques vieillissant qui est découvert blessé et agonisant par trois jeunes garçons impressionnables - Wil, Tod et Les. Ils le transportent dans une grange et lui prodiguent des soins. Tandis qu'il se rétablit, il leur raconte sa vie trépidante et son intention de regagner le Mexique pour échapper aux autorités. Wil lui donne son cheval et le vieux bandit remercie ces bons samaritains, leur promettant qu'il n'oubliera jamais leur gentillesse.


Ce soir-là, quand Wil rentre à la ferme familiale, son père lui demande où est passée sa monture et quand il lui explique l'avoir donné à un ami, il reçoit une raclée. Las de subir ce traitement et avide d'aventures après avoir écouté Spikes, il décide de partir. Les et Tod, à qui il vient faire ses adieux, le suivent. Tous les trois arrivent le lendemain matin dans une bourgade du Texas, sans le sou. Wil entreprend alors de braquer la banque mais l'opération vire au fiasco : il tue un homme par accident et Tod laisse tomber le butin en fuyant.


Pour semer le shérif et  les hommes lancés à leurs trousses, ils franchissent le Rio Grande et passent au Mexique. Ils atteignent le pueblo de Piedras Negras où Wil met en gage la montre qu'il tenait de son grand-père contre dix malheureux dollars, mais qui leur permet, à lui et ses deux amis, de s'offrir un repas. La nuit venue, Wil brise la vitrine du prêteur sur gage pour récupérer la montre mais le shérif arrête les trois garçons et les enferment dans une cellule. Le lendemain matin, ils voient à travers les barreaux Spikes arriver et il accepte de les faire libérer en soudoyant le shérif...
 

Je m'y suis pris à deux fois pour finir de regarder ce film : j'en ai d'abord visionné à peu près 1/2 heure mais j'étais insatisfait d'aussi peu voir Lee Marvin à l'écran (cette 1/2 h. correspond au moment où les trois gosses braquent la banque au Texas). Puis, aujourd'hui, j'ai décidé d'y revenir, frustré quand même de ne pas savoir comment le film se poursuivait et se dénouait.
 

J'ai plutôt bien fait parce que, si tout n'est pas parfait, loin s'en faut, l'heure qui me restait à découvrir relève nettement le niveau de ce début laborieux. Richard Fleischer est un cinéaste à la carrière longue comme le bras, il a commencé dans les années 40 et achevé son parcours dans les années 80. Sa filmographie compte pas mal de grands et bons films.


On peut citer son adaptation de 20 000 Lieues sous les mers (1954) ; Les Vikings (1958) ; Le Voyage Fantastique (1966) ; Docteur Doolittle (1967) ; Tora ! Tora ! Tora ! (1970) ; Soleil Vert (1973), et vous voyez que le bonhomme impose le respect. Quand il tourne The Spikes Gang (en vo), il est donc encore au top de sa forme, même si le projet semble plus modeste.


Le scénario est l'oeuvre du tandem Harriet Frank - Irving Ravetch, qui ont signé le script d'Opération Clandestine de Blake Edwards en 1972 (dont je vous ai parlé il y a peu), et qui est une adaptation d'un roman de Giles Tippette. Comme beaucoup de westerns de cette époque, il évoque la fin du Far West en pointant du doigt à quel point la réalité est loin de la légende.

Le point de départ est accrocheur : un vieux bandit est découvert à l'agonie par trois jeunes garçons qui le soignent et, à mesure qu'il se rétablit, il leur raconte sa vie aventureuse qui les fascine. Une fois remis de ses blessures, il les quitte en jurant qu'il ne les oubliera jamais. Mais le ver est en quelque sorte dans le fruit : Spikes a donné des ailes à ces adolescents qui rêvent d'une vie plus facile.

Ils prennent le large ensemble dans la plus grande insouciance. Mais leur optimisme s'essouffle vite quand ils errent, affamés, dans le Texas où leur simple présence est mal accueillie car suspecte. Le drame se noue rapidement quand ils décident de braquer une banque, tuant un passant, ce qui leur vaut d'être pourchassés. Ils se réfugient au Mexique, où Spikes est également parti.

Bien vite, ce dernier les retrouve et les sauve tout en leur proposant ce qui a tout d'un pacte faustien : devenir les membres de son nouveau gang. Cela peut sembler saugrenu mais Spikes a perdu tous ses complices, désormais morts ou en prison, et il estime que l'enthousiasme juvénile de ses recrues compensera leur manque d'expérience.

Evidemment, rien ne va se passer comme prévu et les trois garçons apprendront que la seule règle d'un bandit pour survivre, c'est de ne compter que sur lui-même, quitte à laisser des partenaires mourants derrière lui. Spikes est par essence un individualiste, ceux qui le suivent peuvent le prendre pour un mentor, mais au bout de la piste, c'est chacun pour soi - et même pas Dieu pour les autres.

A partir de là, le film de Fleischer prend un tour beaucoup plus cruel mais aussi beaucoup plus lucide et réaliste. On observe comment trois garçons bien naïfs apprennent à la dure ce que signifie être un hors-la-loi, qui plus associé à un vétéran qui s'en sert comme de la chair à canon. Certes, ils lui ont sauvé la vie. Mais il les a sortis de prison et en vérité, ils sont quittes.

Plus l'histoire progresse, plus le malheur s'abat sur les trois garçons. Dans un twist d'une rare méchanceté, Spikes va même avoir l'occasion d'être blanchi de ses crimes et délits à la condition de devenir un chasseur de primes lancé aux trousses de ses anciens disciples dont la première victime était en fait un sénateur. Il ne fait alors plus aucun doute que tout cela va très mal finir.

Et ce qui avait débuté comme un récit initiatique et picaresque se déploie comme un conte noir, sinistre même, élevant tout le film à un niveau qu'on n'aurait absolument pas soupçonné. Fleischer a filmé en Espagne, avec un budget réduit, mais ce n'est pas un western où le souffle épique compte : c'est un drame sur le sacrifice, la trahison, la vengeance, où les personnages ne sont pas dévorés par le décor mais par les sentiments.

Pour incarner Spikes, Fleischer a choisi Lee Marvin : en 74, il a pile 50 ans et entame la dernière partie de sa riche carrière. Son look ressemble ici beaucoup à celui qu'il avait dans le merveilleux Monte Walsh, sauf que Spikes en est l'opposé. C'est un serpent qui hypnotise trois innocents et les entraîne dans une vie sans issue. Ce film raconte l'histoire d'un tentateur qui consume trois gamins. Et Marvin est magistral.

Là où j'ai plus de mal, et c'est pourquoi j'ai d'abord abandonné l'affaire la première fois, c'est sur le casting des trois garçons. Leurs interprètes sont trois abominables têtes à claques pour lesquelles on a du mal à éprouver de la sympathie. Qu'il s'agisse de Gary Grimes, Ron Howard (bien avant Happy Days et sa reconversion brillante comme cinéaste) ou Charles Martin Smith, ils sont horripilants. Leur manque de charisme, de subtilité dans le jeu est pénible jusqu'au bout, surtout face à Marvin.

Il n'empêche, malgré eux, Du Sang dans la Poussière (en vf) possède un je-ne-sais-quoi de poignant. C'est un western très curieux, très original, une de ces productions bancales mais qui ne s'oublie pas si facilement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire