1880, Rincon (Colorado). Van Morgan, un joueur de cartes professionnel, dispute une partie de poker avec ses amis Nick Evers, Fred Carson, Stoney Burough, Mace Jones, et Joe Hurley qui accueillent à leur table un inconnu. Celui-ci remporte la mise mais Evers le confond en flagrant délit de tricherie. Avec ses amis, il le traîne hors de la ville pour le lyncher. Morgan tente de s'interposer mais Evers l'assomme. Le lendemain, Morgan boucle ses valises, direction Denver, après avoir été dire au revoir à Nora Evers, la soeur de Nick qui est amoureuse de lui, et leur père.
Un pasteur, le révérend baptiste Rudd, arrive à Rincon, une bible dans une main, un colt à sa ceinture. Le Dimanche, il prononce son premier sermon dans lequel il parle de vengeance en expliquant que nul ne peut échapper au regard du Seigneur. Quelques jours après, à Denver, Morgan apprend dans la presse que deux des joueurs avec qui il a disputé cette partie à Rincon ont été tués de manière atroce et il décide d'y retourner pour mener son enquête. Il fait la connaissance de Lily, chez qui il vient se faire raser, avant de la retrouver plus tard et de passer la nuit avec elle.
Rudd officie aux enterrements de Fred Carson et Stoney Burough. Le même jour, alors qu'elle se rend à l'épicerie, Nora Evers découvre le corps de Mace Jones, le commerçant, la tête plongée de force dans un tonneau de farine. Le soir venu, Morgan retrouve Nick et Joe Hurley, les deux derniers joueurs de cette funeste partie, et ils partagent leurs sentiments sur cette série de meurtres. Le lendemain matin, le shérif les convoque en présence du révérend Rudd qui souhaiterait, pour éviter des incidents, que tous les hommes déposent leurs armes. Mais Nick refuse...
5 Card Stud (en vo) n'est peut-être pas un grand western, surtout de la part d'un cinéaste aussi renommé que Henry Hathaway qui connut de grandes réussites dans ce genre, mais c'est un western qui, à sa manière, a marqué les esprits, fait date. Encore une fois, il s'agit d'un exemple frappant dont le cinéma américain a réagi à l'émergence du western spaghetti et au moyen d'y apporter une réponse.
La facture du film est visuellement très classique et donc elle s'inscrit dans la norme des westerns américains traditionnels. Pas d'anti héros à la morale ambiguë, peu de décors, tourné sur les lieux mêmes de l'action, et aux commandes, donc, un réalisateur qui avait déjà une riche carrière derrière lui. Non, la véritable singularité de 5 Cartes à abattre (en vf), c'est l'introduction du polar dans le western.
En effet, on assiste à la mise en scène d'une vengeance contre un groupe de joueurs de poker après qu'ils ont lynché un inconnu surpris en train de tricher contre eux. Il s'agit donc alors d'un whodunnit dans les règles de l'art où le spectateur doit identifier celui règle leurs comptes à ces lyncheurs et son mobile. L'intrigue a beau être simple et la découverte du coupable facile, le résultat reste captivant.
Marguerite Roberts a adapté le roman de Ray Gaulden pour le studio Paramount et c'est le producteur Hal Wallis qui a monté le film en misant sur l'effet de surprise qu'il provoquerait chez les habitués du genre. Ici, il n'était pas question de chasser des indiens, convoyer un troupeau, arrêter des bandits, mais démasquer un criminel et savoir pour quelle raison il agissait de la sorte.
Bien entendu, le film n'échappe pas à certaines conventions : Van Morgan est tout de suite mis hors de cause dans la mesure où non seulement il a tenté d'empêcher le lynchage mais surtout parce qu'il a été assommé en intervenant. Toutefois, ça ne l'empêche pas de filer rapidement le lendemain car il sait qu'on ne fait jamais confiance à un joueur professionnel et qu'il serait donc un suspect idéal.
Plus tard, après une scène de fusillade assez démente, alors que le tension est à son comble et que des citoyens réclament la démission du shérif et tuent son adjoint qui tentait de les désarmer, Morgan et le révérend Rudd réussissent, ensemble, à ramener le calme dans les rues de Rincon. Le shérif, blessé dans l'affaire, le médecin suggère de nommer un remplaçant provisoire.
Les regards se tournent vers Morgan qui refuse pour la même raison qui l'avait conduit à s'éloigner : personne n'admettra qu'un joueur comme lui incarne, même temporairement, l'autorité dans une ville. Et Rudd rappelle alors l'origine de cette méfiance en expliquant que, dans l'antiquité, on pariait déjà sur les habits du Christ.
L'autre personnage important, et tout aussi ambivalent que Morgan et Rudd, c'est Nick Evers, fils d'un riche propriétaire terrien local, et frère de la fille qui aime Morgan. Rudoyé par son père le jour où sa mère est morte, il n'attend que la mort de son géniteur pour se partager son héritage avec sa soeur. Et il ne montre aucun sentiment pour ses amis après leurs meurtres.
En revanche, son animosité envers Morgan et Little George, le barman qui était présent derrière son comptoir lors de la fameuse partie qui a dégénéré, en fait un individu détestable et un suspect encore plus marqué. N'éliminerait-il pas les témoins/complices du lynchage pour être sûr qu'ils ne le dénonceront pas ?
L'intrigue ménage aussi longtemps que possible cette piste avant que la vérité n'éclate d'abord aux yeux du spectateur puis de Morgan, grâce à un indice un peu facile mais néanmoins malin. Plus malin en tout cas que le fait d'avoir ajouté une romance avec Lily et Morgan, qui se comporte comme un goujat alors que jusque-là il embrassait Nora Evers dès qu'elle l'enlaçait...
La réalisation d'Hathaway témoigne d'un certain engourdissement de la part d'un cinéaste en fin de parcours, mais il s'appuie en revanche sur un excellent casting. Dean Martin joue habilement de son air blasé qui fait de lui une sorte de détective par défaut. Face à lui, Robert Mitchum enfile à nouveau l'habit d'un prédicateur peur orthodoxe (après La Nuit du Chasseur, Charles Laughton, 1955).
Dans un second rôle mémorable, Roddy McDowall incarne parfaitement Nick Evers. Inger Stevens apparaissait là pour une de ses dernières compositions dans le rôle de Lily et Katherine Justice complète le tableau dans celui de Nora. Si les deux filles ne font guère d'étincelles, en revanche on remarquera Yaphet Kotto, un jeune acteur noir qui allait devenir une figure connue (on l'a vu notamment dans Alien de Ridley Scott, 1979).
Comme je le disais plus haut, sans doute pas un grand western, mais tout de même un western singulier avec son intrigue policière.







Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire