Le docteur Peter Carey devient le nouveau pathologiste de l'hôpital général de Boston. Il y retrouve son vieil ami, le docteur David Tao, et tombe amoureux de la diététicienne Georgia Hightower. L'établissement est dirigé d'une main de fer par le chirurgien J.D. Randall qui déplore une série de vols de morphine sur laquelle la police enquête. Une nuit, la fille de Randall, Karen, est admise aux urgences et meurt des suites de complications liées à un avortement bâclé.
Tao est arrêté et Carey, se faisant passer pour son avocat, lui rend visite à la prison. Il admet avoir pratiqué des avortements clandestins mais uniquement pour sauver de jeunes femmes qui, autrement, auraient été victimes d'amateurs. Il nie s'être occupé de Karen même si elle le lui a demandé. Le capitaine de police Pearson met en garde Carey sur son implication dans cette affaire où il pourrait passer pour un complice.
Mais, lors de l'autopsie de Karen, on découvre qu'elle a subi un curetage qui a provoqué une hémorragie mortelle et les analyses sanguines révèlent surtout qu'elle n'était pas enceinte. Carey mène son enquête en commençant par interroger la colocataire de Karen, Lydia Barrett, qui avoue qu'elle la détestait parce qu'elle lui avait volée son petit ami, Roger Hudson...
Je ne vais pas jouer la montre : c'est un mauvais film. Sur le papier, il y avait du potentiel pour un excellent thriller hospitalier et le héros a quelque chose de Philip Marlowe - comme lui, il est têtu, peu impressionnable, mais aussi charmeur et bon détective. Pourtant rien ou presque ne fonctionne une fois les bases de l'intrigue posées et son développement entamé.
On pourrait croire que c'est la faute à Blake Edwards, un cinéaste qu'on associe davantage à la comédie parce qu'il en a réalisé beaucoup et qu'il a connu un énorme succès avec La Panthère Rose et ses suites, mais qui a aussi brillé quand il en a eu l'occasion dans des films plus noirs (je pense à l'excellent Allô Brigade Spéciale, dont il faudra que je parle un jour).
Mais il faut être juste : Edwards n'est pour rien dans ce ratage. Il a été la victime d'un directeur de studio qui en a profité pour régler ses comptes avec lui et même certainement voulu torpiller sa carrière. Le cinéaste l'a compris dès le début du tournage qu'il a terminé très professionnellement mais sans participer au montage final.
Et surtout le contentieux entre les deux hommes s'est terminé au tribunal pour rupture de contrat abusive, avec, chose rare, la victoire de Edwards. Mais revenons d'abord sur le film, son contenu et ce qui ne marche absolument pas dans tout ça.
Bien que Peter Carey soit un pathologiste et que l'action se déroule dans le cadre d'un hôpital, avec d'autres médecins, The Carey Treatment (en vo) est un pur polar. Une jeune fille meurt dans des circonstances tragiques (un avortement clandestin), un innocent est accusé, son meilleur ami et collègue mène sa propre enquête et va découvrir une corruption d'ampleur mais surtout le responsable du drame.
Il va aussi accessoirement séduire et coucher avec une très belle diététicienne, sauf que cette partie-là ne sert strictement à rien. Le rôle de cette collègue est complètement sacrifié, on pourrait l'enlever de l'histoire que ce serait pareil. Quant au fonctionnement douteux de l'hosto, il passe aussi à la trappe comme si tout le monde s'en fichait. Enfin la révélation sur l'identité et le mobile du coupable sont passablement grotesques.
Ce qui est regrettable parce que Peter Carey est un de ces personnages qu'on prend plaisir à suivre : il est pugnace, sarcastique, et merveilleusement interprété. Mais le film le ruine complètement, comme si le véhicule n'était pas à la hauteur du pilote. Carey est un pilote de F1 qui conduit un tacot, et le spectacle est désolant pour le spectateur.
Maintenant, comment en est-on arrivé là ? En 1972, Blake Edwards est déjà un cinéaste confirmé, il a quelques gros succès à son actif, il a déjà dirigé plusieurs fois sa femme (Julie Andrews) et Peter Sellers (un génie), mais il cherche, comme tous ses confrères, des financements pour son prochain projet, Top Secret. La MGM est intéressé et lui propose un deal.
Edwards accepte de réaliser Opération Clandestine (en vf) pour avoir les fonds pour Top Secret. Il aurait dû se méfier pourtant et voilà pourquoi : un an avant, il a tourné pour le même studio Deux Hommes dans l'Ouest et cela a mal fini. Depuis le patron de la MGM, James Aubrey, et lui sont brouillés. Mais donc Edwards pense qu'il est temps d'enterrer la hache de guerre.
Aubrey, malin, désigne son homme de confiance, William Belasco, pour produire le film et donc être l'interlocuteur direct d'Edwards. Le cinéaste reçoit le script de Harriet Frank et Irving Ravetch, adapté du roman de Michael Crichton (sous le pseudo de Jeffery Hudson). Et là, premier problème : s'il aime le roman, il trouve le script mauvais et aimerait le retoucher.
Mais Belasco refuse en lui expliquant que le studio veut un film divertissant et que le script répond à cela. Pire : la veille du début des prises de vue, il annonce au réalisateur que le budget a été réduit et que donc le tournage sera plus court. Edwards encaisse mais il n'est pas au bout de ses peines car Belasco est toujours sur son dos, se disputant à plusieurs reprises avec lui devant toute l'équipe.
Le ton monte tellement que Belasco devient menaçant. Et là, l'équipe prend fait et cause pour Edwards. Ce qui exacerbe encore plus les tensions et rend Belasco encore plus dur, au point que Edwards comprend que le film lui échappe, il n'aura aucun droit de regard sur le final cut - c'est du sabotage téléguidé depuis la direction du studio, donc depuis James Aubrey.
Il devait quand même s'en douter parce que, dans le deal passé avec Aubrey, Edwards a dû accepter que la fille de ce dernier, Skye, ait un rôle important dans le film. Elle n'est pas mauvaise actrice mais, bon, le réalisateur a cédé le premier. Edwards terminera les prises de vue en temps et en heure, sans dépasser le budget, en ignorant Belasco autant que faire se peut. Puis lâchera l'affaire, laissant les monteurs se débrouiller (et mutiler ce qu'il avait filmé).
Toutefois, il prépare sa riposte. Il a été traité comme de la merde, Aubrey l'a trahi pour la seconde fois, et il refuse d'être humilié de la sorte. Il traîne donc la MGM devant la justice. Un combat a priori perdu d'avance face à une armada d'avocats bien payés. Pourtant il gagne le procès et reçoit des dommages et intérêts.
James Coburn, qui joue Carey, le dira lui-même : "La MGM a tout foutu en l'air". Il soutiendra Edwards durant le tournage et après, mais n'assurera la promo du film que parce qu'il y est obligé contractuellement. Coburn était comme son personnage, pas du genre à s'en laisser conter, et c'est pour ça qu'il est si bon dans le film. C'est même ce qu'il y a de mieux dans Opération Clandestine : les acteurs.
Jennifer O'Neill hérite d'un rôle complètement mutilé par des scénaristes et des décideurs incompétents alors que le couple qu'elle forme avec Coburn méritait mieux. Pat Hingle est excellent en flic à la botte des puissants mais qui finit par être convaincu par Carey. James Hong est lui aussi victime du montage mais dans les scènes où il apparaît, il est impeccable.
A sa manière, The Carey Treatment est un exemple de la manière dont un patron de studio médiocre torpille un de ses propres films pour tuer la carrière d'un cinéaste. Heureusement, Blake Edwards s'en est remis. Mais, bon sang, quel gâchis !







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