vendredi 14 novembre 2025

L'OR SE BARRE (Peter Collinson, 1969)


A sa sortie de prison, Charlie Croker rencontre la veuve de Roger Beckermann, un de ses mentors qui vient d'être assassiné par la mafia. Elle lui transmet les plans du dernier casse sur lequel il travaillait et qui consiste à voler 4 millions de dollars en lingots d'or à Turin Pour accomplir ce coup, Charlie rentre dans la prison où il était pour s'assurer l'aide financière de Bridger, un caïd encore enfermé. Une fois rassuré sur ce point, il peut commencer à recruter une équipe de voleurs et de chauffeurs.


Mais la pièce maîtresse est le professeur Peach, un obsédé sexuel expert en informatique, qui doit remplacer le programme de l'ordinateur régulant le trafic routier de Turin pour provoquer un gigantesque embouteillage qui permettra au gang de s'emparer du butin. Croker acquiert enfin un autocar et trois Mini Cooper en plus de trois autres voitures. Tandis que les Mini Cooper font le voyage en Italie à bord d'un bateau, l'autocar et les trois voitures traversent la France et passent la frontière par les Alpes. Puis le bus continue son trajet de son côté.


Avant d'atteindre Turin, les trois voitures restantes sont stoppées par la mafia et Croker fait face aux intimidations d'Albatini et ses sous-fifres qui lui recommandent de rebrousser chemin car ils sont au courant de ses intentions. Charlie ne se laisse pas impressionner et répond que s'il meurt avec ses hommes, Bridger s'en prendra aux italiens résidant en Angleterre pour les venger. Albatini les laisse poursuivre leur route avec toutefois la volonté de les empêcher de mener leur casse à bien...


Peu de films ont réussi à saisir aussi bien l'esprit anglais de la fin des années 60 que The Italian Job (en vo). Peter Collinson signa là son film le plus réussi et mémorable dans une carrière qui s'acheva en 1980 sans tenir les promesses de cet opus. Mais il disposait, il est vrai, d'un remarquable script de Troy Kennedy Martin et d'un solide budget de 3 M $ alloué par le studio Paramount.


Car, et c'est étonnant, L'Or se barre (en vf) est une production américaine. Et cette bizarrerie aboutira à un énorme malentendu au moment d'exploiter le film Outre-Atlantique. Pour le comprendre, il faut examiner l'affiche ci-dessus qui vend le long métrage comme une sorte de divertissement sexy, ce qui déroutera beaucoup le public et aboutira à son échec commercial. 
 

En 2003, cependant, le même studio en financera un remake, avec Mark Wahlberg, Charlize Theron et Edward Norton, plus rutilant, mais bien moins savoureux, une version aseptisée, qui renvoie à la nécessité de (re)voir l'original. Car, comme je le disais en débutant cette critique, The Italian Job, c'est d'abord l'air du temps d'une époque.


Et pour incarner cette époque, qui de mieux que l'immense Michael Caine ? Ce n'est pas un secret pour ceux qui me font le plaisir de lire mes critiques de films, mais je suis un grand fan de cet acteur et il est plus impérial que jamais dans la peau de Charlie Croker, ce braqueur élégant, désinvolte, insolent mais bougrement méticuleux.

A sa manière, unique, Caine résume le film : rien de ce que vous verrez n'est sérieux, tout es fantaisie. Les voleurs opèrent ici avec un flegme britannique poussé à l'extrême et toutes les péripéties de l'histoire rappellent l'ironie dont sont capables les rosbifs. Cela commence dès la sortie de prison de Charlie Croker, attendu par sa fiancée, la délicieuse Lorna.

Celle-ci le conduit sans attendre chez un tailleur pour qu'il achète de nouveaux costumes - hé, qu'est-ce que vous croyez ? Un voleur anglais se doit d'avoir la classe, surtout quand il doit faire croire à tout le monde qu'il a passé les dernières années à chasser en Afrique. Puis, direction un hôtel de luxe où Lorna a préparé un beau cadeau pour son homme : une dizaine de call-girls prête à satisfaire tous ses caprices (cette fiancée sait faire plaisir).

A peine quitte-t-il ces demoiselles après une nuit de folie qu'il entre dans la chambre d'une jolie veuve dont le mari fut le mentor de Charlie et qui vient de se faire zigouiller par la mafia pour avoir préparé un casse spectaculaire à Turin. Elle lui donne les plans mais se donne aussi à Charlie pour le remercier d'exaucer le dernier souhait de son époux (madame est bien aimable).

Charlie doit pouvoir financer cette opération et, pour cela, il a besoin d'un mécène. Celui-ci est en prison ? Pas de problème : Charlie s'y introduit et le convainc de financer le casse. Puis il recrute une équipe, dont l'élément le plus important est un expert en informatique qui est certes un obsédé sexuel mais bon, ne chipotons pas. Et puis, surprise, c'est Benny Hill qui le joue !

Collinson filme l'affaire avec ce qu'il faut de distance sans sacrifier à l'efficacité. On peut dire qu'il a tout donné dans ce film qui témoigne d'une maîtrise dans la mise en scène tout à fait brillante - et qui justifiait donc qu'on espérât beaucoup de lui par la suite. Mais Collinson n'était pas le Steven Soderbergh de 1969 et il ne fit donc jamais mieux, ni même aussi bien.

En vérité, si L'Or se barre fonctionne si parfaitement, c'est parce que c'est une mécanique aussi bien huilée que l'organisation de Charlie Croker. Vous ne pouvez être qu'emporté par la fluidité de la réalisation, les facéties de ces sympathiques voyous, la grandiloquente anarchie de leur braquage, et le dénouement si savoureux de leur aventure.

Ce dénouement, sans le spoiler, alimentera bien des discussions, certains reprochant au film de ne pas avoir de fin digne de ce nom. En effet, la dernière scène est, au propre comme au figuré, un cliffhanger, qui laisse les héros au bord du précipice. Le spectateur voit défiler, médusé, le générique de fin, sans savoir s'ils vont s'en tirer ou pas.

Il semblerait que la Paramount voulait produire une suite dans la foulée, s'inspirant de ce que Michael Caine avait fait avec Ipcress : danger immédiat ; Mes funérailles à Berlin et Un Cerveau d'un milliard de dollars, dans lequel il incarnait le même personnage de contre-espion, Harry Palmer. Mais le box office décevant eut raison de Charlie Croker et donc on ne sut jamais ce qu'il advint de lui après ce fameux cliffhanger...

L'autre raison pour laquelle The Italian Job est entré dans les annales, c'est pour son emploi de la Mini Cooper, auquel le film fit une publicité extraordinaire. Cette petite voiture était l'arme fatale du gang de Charlie Broker pour se faufiler dans les rues embouteillées de Turin avec les flics à ses trousses. La course-poursuite dans le dernier acte du film est tout simplement jouissive et palpitante.

Outre donc Michael Caine, génial, le film donne un rôle fabuleux à Noel Coward, acteur et dramaturge célèbre dont la présence ici peut étonner - sauf qu'il était le parrain de Peter Collinson et l'avait aidé à percer dans le milieu du cinéma : on peut donc imaginer que c'était une façon de le remercier. Raf Vallone joue Albatini, l'orgueilleux mafioso, et Maggie Blye, la petite amie de Charlie, dont, hélas, beaucoup de scènes furent coupées au montage (le remake de 2003 donnera à Charlize Theron un rôle féminin plus étoffé).

Enfin, le film profite d'une magnifique bande originale composée par Quincy Jones, ce qui ne se refuse jamais.

Si vous aimez l'humour british, les films de casse, Michael Caine, indépendamment ou ensemble, alors oubliez le film de 2003, et jetez-vous sur cette version de 1969. Vous allez vous régaler !

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