mercredi 5 novembre 2025

$ (Richard Brooks, 1971)


Profitant de la loi sur la protection de la vie privée dans les banques de l'Allemagne de l'Ouest, trois criminels y déposent de grosses quantités d'argent dans des coffres-forts. L'un d'eux est un officier de l'armée américaine qui détourne des crédits gouvernementaux, un autre est un mafieux de Las Vegas, et le dernier est un tueur à gages qui dépose les revenus d'un trafiquant de drogue. Joe Collins, lui, est un expert en sécurisation des banques venu à Hambourg pour faire profiter de ses connaissances à la United World Bank.


Mais en vérité il compte profiter de sa position pour dévaliser les trois criminels qui sont, par ailleurs, des clients d'une prostituée, Dawn Divine, avec qui il est partenaire et qui lui a fourni des informations à leur sujet. Pour réussir ce coup, Dawn va téléphoner anonymement au directeur de la banque, Kessel, et lui faire croire qu'une bombe a été placé dans son établissement pour permettre à des voleurs de dérober le lingot d'or qu'il affiche dans son hall. L'alarme est donnée et les clients et le personnel évacué tandis que Collins s'enferme dans la chambre forte avec le lingot.


Grâce à un jeu de doubles des clés des trois coffres visés et muni d'un chronomètre réglé sur la rotation des caméras de surveillance dans la chambre forte, il transfère l'argent des malfrats dans le coffre de Dawn. Une fois que l'équipe de déminage s'est assurée qu'il n'y avait aucune bombe, Kessel fait percer un mur de la chambre forte pour glisser une clé à Collins afin qu'il puisse en sortir avec le lingot, sous les applaudissements pour son geste héroïque...


Richard Brooks est un cinéaste et scénariste dont la carrière s'est déroulé du début des années 50 jusqu'à la moitié des années 80. C'est donc une oeuvre riche, éclectique et à cheval sur quatre décennies qui forme sa filmographie. Il a connu la fin de l'âge d'or des grands studios hollywoodiens, traversé le Nouvel Hollywood et achevé son parcours après l'avènement des blockbusters.
 

En 1971, il a déjà tout connu : la gloire, la fortune, plusieurs générations de comédiens et de producteurs, mais il sort d'un échec commercial avec son film Happy Ending et doit prouver qu'il est encore capable de plaire à un large public. Il décide donc de se lancer dans une comédie policière, un caper movie léger, avec deux acteurs très populaires.
 

Cela va donner $ (Dollars). Et si ce n'est pas désagréable à regarder, ce n'est pas non plus une franche réussite. Brooks avait beaucoup de talent(s) mais certainement pas celui d'être un génie de la comédie et surtout, bon sang, que son film est long. 120' qui commencent laborieusement et n'en finissent pas de finir. 


On peut faire d'excellentes comédies avec une durée déraisonnable (Billy Wilder le prouvera avec Avanti ! un an après, avec ses 140'), mais il faut quand même avoir une science du rythme et un sens de l'humour aiguisé pour réussir cet exploit. Et c'est ce qui fait défaut à $ : le film tout entier manque cruellement de swing et ses facéties sont poussives.

Pourtant le coeur de l'intrigue est bien trouvé : cette histoire d'un expert en sécurité qui profite d'une prostituée pour cibler trois criminels qui ont un coffre-fort chacun dans la banque qui l'emploie et qui s'enferme dans la chambre forte pour les dépouiller méthodiquement a tout pour réjouir sur le papier. D'autant que notre maître voleur commet son larcin avec de bonnes intentions : voler, oui, mais uniquement à des malfrats !

Le souci, c'est que pour exposer la situation de départ, Brooks met déjà plus de 20' et c'est déjà très long. Et surtout pas franchement clair. Il ne nous présente que sommairement les malfrats et leurs combines tandis qu'en parallèle, on assiste à la présentation du nouveau matériel de surveillance dernier cri qu'a installé Collins dans la banque.

Puis on apprend que ces trois gredins fréquentent tous la même prostituée, Dawn Divine, qui se trouve être la partenaire en affaires de Collins (sans qu'on sache s'ils sont par ailleurs amants). Dawn est un actrice ratée (elle a loupé une audition à cause de sa nervosité maladive) alors que Collins est un planificateur né, avec un sang froid à toute épreuve.

Le duo fonctionne donc bien, par un jeu de contrastes guère original mais efficace. On se dit alors que $ est enfin bien lancé. Et c'est vrai que toute la séquence du vol est jubilatoire, précise, haletante. Collins a bien préparé son coup, écartant Dawn, qui ne reviendra dans la course que le lendemain pour vider son coffre bien garni par l'argent des malfrats.

Hélas ! le dernier acte renoue avec ce qui était si abominable au début du film : démasqués et traqués par deux de leurs cibles, Dawn et Collins se séparent pour les semer. Collins est alors poursuivi de manière délirante et, il faut bien le dire, pénible par les deux bandits. C'est interminable et grotesque. Le personnage de Dawn quitte carrément la scène et ne réapparaîtra qu'à la toute fin.

Le scénario est donc affreusement mal tricoté, s'étirant inutilement, multipliant des péripéties sans intensité. C'est incroyable qu'un auteur aussi doué et expérimenté que Brooks n'ait pas coupé au moins au montage une bonne 1/2 heure dans tout ça. C'est un triste gâchis car $ avait un potentiel énorme et je pense que, si on en faisait un remake aujourd'hui, ça pourrait donner un truc vachement bien.

Malgré tout, il subsiste de bonnes choses, trop rares, mais pour la peine plus abouties : le duo Collis-Dawn, le casse lui-même. C'est en somme l'essentiel, mais malheureusement c'est noyé dans une collection de scènes strictement sans intérêt.

Warren Beatty joue Collins avec sa manière habituelle : il bouge beaucoup tout en donnant le sentiment qu'il sait parfaitement ce qu'il fait, et c'est parfait pour ce rôle qui exige du personnage à la fois de l'assurance et du naturel. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession alors que c'est un voyou.

Face à lui il y a Goldie Hawn, survoltée comme jamais, à la fois excitée comme une puce à la perspective de toucher la moitié d'un million et hyper fébrile quant aux chances de réussir un vol aussi audacieux. Elle est pleine de charme, de vitalité, et casse-pieds juste ce qu'il faut.

On notera que c'est Gert Fröbe qui joue le directeur de la banque, ce qui ne manque pas de piquant puisque c'était lui, Goldfinger dans le troisième James Bond (1964).

Enfin, la bande originale du film est signée Quincy Jones et évidemment c'est la grande classe.

$ est donc raté, mais c'est plus à cause de son traitement qu'à cause de son histoire. Et c'est pour cela que refaire ce film aujourd'hui (avec par exemple Elle Fanning dans le rôle de Dawn et Glen Powell dans celui de Collins) pourrait aboutir à un résultat plus nerveux, plus dense aussi, et plus réussi.

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