Corie Banks, jeune femme libre d'esprit, vient d'épouser Paul Bratter, jeune homme plus coincé, et ils emménagent au cinquième étage sans ascenseur d'un immeuble de Greenwich Village dans un modeste appartement où ils attendent que leur soient livrés leurs meubles et que la lucarne soit réparée. Corie décore ce petit espace avec ingéniosité pendant que Paul commence à travailler dans un cabinet d'avocats. Ethel, la mère veuve de Corie, leur rend visite, surprise par la petitesse du lieu mais leur souhaitant tout le bonheur du monde.
Leur première nuit est glaciale à cause de la lucarne cassée qui laisse entrer le froid de Février mais surtout ponctuée par leur voisin, Victor Velasco, un charmant vieux monsieur excentrique qui habite dans le grenier de l'immeuble et qui, pour y accéder, doit passer par la fenêtre de la chambre du couple. Il les invite à dîner le lendemain soir pour les remercier de leur gentillesse. Corie complote pour que Ethel soit également présente et, peut-être, sympathise avec Mr. Velasco.
Après un apéritif chez Velasco, tout ce beau monde se rend dans un restaurant albanais à Staten Island qu'il connaît bien. Une danseuse exotique entraîne dans son numéro Velasco et Corie sous les regards embarrassés d'Ethel et Paul. Puis de retour à leur immeuble, Paul comme Ethel n'aspirent qu'à se coucher tandis que Corie et Valesco aimeraient poursuivre cette soirée dans la bonne humeur. Velasco raccompagne Ethel tandis qu'une dispute éclate entre Paul et Corie, à qui il reproche son comportement...
A l'origine Barefoot in the Park (en vo) est une pièce écrite par Neil Simon en 1963 et qui connut un énorme succès à Broadway. Quatre ans plus tard le studio Paramount commande à l'auteur une adaptation pour le cinéma et embauche Gene Saks pour la réaliser - c'est son premier film et ce sera encore un succès sur grand écran.
Le résultat est plaisant, souvent drôle, mais ne parvient jamais à dépasser sa source théâtrale, avec très peu de décors, et le plus souvent en intérieurs. Simon n'a presque rien changé et ce qu'il a ajouté, pour "aérer" le film, semble le plus souvent avoir été fait uniquement pour cela, et non pour développer une partie de l'histoire ou des personnages.
Gene Saks est donc un débutant mais il fait ses devoirs avec l'application de celui à qui on donne sa chance pour la première fois. Sa réalisation est très sage, parfois il laisse filer la scène en plan-séquence pour que le texte se déploie avec autant de générosité que sur une scène de théâtre, ce qui n'est pas désagréable, mais donne un côté sitcom télé à l'ensemble.
S'il faut trouver de réelles qualités à Pieds nus dans le Parc (en vf), c'est ailleurs, et principalement dans son casting. Charles Boyer, vieux routier du cinéma hollywoodien ici en fin de carrière, compose un savoureux voisin excentrique qui dévergonde quelque peu la belle-mère jouée par Mildred Natwick, dans un style de jeu très daté, maniéré au possible.
En revanche, la Paramount donne une occasion en or à Robert Redford et Jane Fonda de briller, en les réunissant pour le deuxième fois après La Poursuite Impitoyable (Arthur Penn, 1966). Redford, en 1967, est encore un jeune premier qui n'a pas vraiment percé, c'est un acteur en devenir qui cherche son premier grand rôle et un succès commercial qu'on pourrait lui attribuer.
Jane Fonda, en revanche, est déjà en haut de l'affiche depuis un petit moment même si, elle aussi, veut confirmer les espoirs placés en elle, surtout après le succès de Cat Ballou (1965). Elle se marie en 67 avec Roger Vadim et, le comble pour l'américaine, c'est qu'elle est devenue plus connue en Europe que dans son propre pays.
A eux deux, ils forment un couple ravissant, d'une beauté fracassante, et ils deviennent amis pour la vie à ce moment-là. Ils retravailleront ensemble (Le Cavalier électrique en 79, et Our Souls at Night en 2017). Leur alchimie à l'image a quelque chose de miraculeux, ce sont deux jeunes gens, ayant pratiquement le même âge (un an de différence, lui est né en 36, elle en 37) et promis à un bel avenir.
Leurs échanges augurent déjà de la manière dont ils vont marquer l'Histoire chacun de leur côté : ils ne jouent pas comme leurs aînés, ils sont naturels, sobres, dynamiques. Ils sont à cheval entre deux générations, après les stars de l'âge d'or et avant celles du Nouvel Hollywood, et c'est pour cela qu'ils résisteront aux modes : ce ne sont ni des produits façonnés par les majors, ni par l'actor's studio.
Mais le plus amusant, c'est sans doute les rôles qu'ils jouent ici : Redford est ce garçon coincé, "empesé" comme l'accuse sa femme, et Fonda est cette fille aventurière, "insupportablement belle" comme la qualifie Velasco. D'une certaine manière, on a là le résumé de ce que beaucoup penseront d'eux ensuite : Redford qui semble toujours en retrait, Fonda qui incarne la liberté.
Toutefois, l'intrigue, et c'est ce qui la rend à la fois charmante et rétrograde, culmine dans une dispute où Fonda reproche à Redford de ne pas savoir s'amuser, comme cette fois où il a refusé de marcher "pieds nus dans le parc" de Washington Square, alors que lui a été gêné de la voir se donner en spectacle dans un restaurant.
Sont-ils vraiment faits l'un pour l'autre ? Le film les présente au tout début comme deux amoureux fous qui passent six jours dans une chambre du Plaza, littéralement inséparables (jusqu'à ce que monsieur doive retourner travailler). Et puis tout à coup leurs différences leur sautent au visage et les interrogent sur leur compatibilité.
Le conseil de la mère d'Ethel est délicieusement antique : elle recommande à sa fille de se comporter non comme la femme libre qu'elle est mais comme une épouse qui valorise son mari, le rend plus confiant et donc plus aimant. Elle lui court donc après pour s'excuser sauf qu'elle va le retrouver ivre mort en train de marcher pieds nus dans le parc.
Il ne le fait pas parce que, soudainement, il s'est décoincé, mais parce qu'il est ivre. Elle le ramène chez eux alors qu'il vient de la menacer de la ficher à la porte parce que leur appartement est à son nom et donc ce serait à elle d'en partir. Puis il monte sur le toit de l'immeuble pour lui faire un chantage au sentiment pathétique avant de se manquer de tomber et d'appeler à l'aide.
Le film s'achève bizarrement, alors qu'on aurait aimé voir comment nos deux tourtereaux allaient gérer l'après. Est-ce que Corie va devenir une sage petite ménagère aux petits soins pour son mari ? Ou bien Paul va-t-il non seulement supporter le caractère de Corie mais aussi se lâcher à son tour (sans se bourrer la gueule) ?
Mais peut-être est-ce mieux de ne pas le savoir. Ainsi chacun imaginera la suite. Deux ans plus tard, Redford deviendra le Sundance Kid et plus rien ne sera jamais pareil. Fonda, elle, enfilera les combinaisons sexy de Barbarella l'année suivante puis, en 71, gagnera l'Oscar. Paul et Corie seront loin alors et pourtant c'est un peu là que ça aura démarré...







Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire