L'agent secret britannique Harry Palmer est envoyé à Berlin-Ouest par son supérieur, le colonel Ross, pour y préparer l'exfiltration du colonel Stok, un officier des renseignements russes qui veut changer de camp en échange d'informations. Sur place, Palmer retrouve son ami Johnny Vulkan, qui dirige la branche berlinoise du renseignement britannique depuis que Ross l'a placé là. Puis il rencontre Stok en passant dans Berlin-Est : l'officier soviétique lui est sympathique mais il exige qu'un certain Kreutzman, réputé pour organiser des évasions, se charge de la sienne.
De retour à Berlin-Ouest, Palmer passe la soirée avec Vulkan et rencontre une mannequin, Samantah Steel, qui lui propose de partager son taxi car ils se rendent compte qu'ils sont logés dans le même hôtel. Une fois arrivés, elle l'invite dans sa chambre pour boire un verre et ils finissent au lit. Le lendemain matin, Palmer charge un cambrioleur de fouiller la chambre de la jeune femme dont il trouve l'attitude directe suspecte. Pendant ce temps, il rencontre Kreutzman et négocie avec lui le prix de l'exfiltration de Stok ainsi que la remise de documents pour passer le checkpoint.
Dans sa chambre d'hôtel, Palmer reçoit du cambrioleur les renseignements dont il avait besoin : Samantha possède un coffre qu'il a forcé et dans lequel se trouvait plusieurs passeports. Ross arrive à Berlin-Ouest accompagné de Hallan, qui fournit les documents demandés par Kreutzman pour exfiltrer Stok. Le transfert sera fait grâce à un corbillard et l'officier soviétique sera dans le cercueil. L'opération se déroule parfaitement sauf que lorsque le cercueil est ouvert, c'est le cadavre de Kreutzman qui s'y trouve !
Réalisé un an tout juste après Ipcress : Danger Immédiat, Funeral in Berlin (en vo) est le deuxième film consacré à Harry Palmer. Harry Saltzman développe donc une franchise parallèle à James Bond, dont il est aussi un des producteurs, mais dans une veine tout à fait différente, avec un anti-héros en tous points à l'opposé de 007, et des intrigues plus terre-à-terre.
Dit comme ça, on se croirait en vérité dans une histoire de John Le Carré, mais Len Deighton n'a pas été un espion comme son confrère romancier et il ne prétend pas au même réalisme quasi-documentaire. Harry Palmer est le chaînon intermédiaire entre le personnage de Ian Fleming et ceux de Le Carré. C'est cette nuance qui fait tout le prix de ses histoires.
Cependant, on notera immédiatement que Mes Funérailles à Berlin (en vf) se distingue très nettement de Ipcress : Danger Immédiat. Exit Sidney J. Furie et ses fulgurances visuelles qui transcendaient le matériau de base - d'ailleurs il fut exclus de la salle de montage de son film, mais sans que cela ne diminue son empreinte.
Cette fois, Saltzman fait appel, ô ironie, au réalisateur Guy Hamilton, qui avait été aux commandes Goldfinger, le troisième volet de James Bond (et d'autres ensuite). La différence est nette dès le début : adieu les cadrages zinzins de Furie, et même la photo de Otto Heller, toujours présent, est bien moins flamboyante. La facture est beaucoup plus classique, même si Hamilton semble parfois adresser quelques clins d'oeil à son prédécesseur (avec l'usage de plans en contre-plongée).
Le scénario est cette fois adapté par Evan Jones et bien qu'un an seulement sépare Mes Funérailles à Berlin de Ipcress : Danger Immédiat, le personnage de Harry Palmer est aussi altéré. Dans le premier film, on suivait un héros qui n'était pas franchement un espion (qui n'avait pas envie de l'être), une sorte de dilettante insolent. Cette fois, il remplit sa mission avec plus d'application.
Heureusement il a conservé ce brin de malice et de désobéissance qui font son charme, tout comme ses lunettes à montures noires épaisses, et cette distinction toute british. Il est moins maltraité physiquement aussi. Ce qui le caractérise profondément de toute façon, c'est son minimalisme : tout glisse sur lui, il est impénétrable en présence d'autrui, mais sourit quand il se sait à l'abri des regards. Au fond, tout cela l'amuse, mais à la manière de quelqu'un pour qui tout ça est pathétique.
Sa mission consiste à arranger le passage à l'Ouest d'un officier russe. Le film a d'ailleurs été, chose rare, tourné sur les lieux même de l'action (sauf évidemment pour la partie Est de Berlin). Les décors ont été soigneusement triés pour souligner le contraste entre les deux parties de la ville, d'un côté la RFA, ses beaux hôtels, ses night clubs, ses voitures racées ; de l'autre la RDA, sa grisaille, ses rues sales, son architecture triste.
Mais en vérité l'intrigue révèle progressivement ses strates : il est question d'agents du Mossad traquant un spoliateur de biens juifs durant le seconde guerre mondiale, tout le monde joue un rôle (double, voire triple). Il y a des règlements de comptes dans l'air et Palmer est dans un véritable panier de crabes. Comme la narration épouse son point de vue, le spectateur découvre ces manoeuvres en même temps que lui.
Hamilton aurait pu s'appuyer sur un script solide et dense, avec un rythme efficace, mais il s'est autorisé à improviser, notamment en poussant les acteurs à changer leurs répliques en fonction des situations qu'ils devaient jouer. Et s'il s'est permis ça, c'est parce qu'il fut lui-même agent des renseignements britanniques durant la guerre et qu'il estimait que les personnages ne pouvaient pas dire leur texte par coeur alors qu'ils ignoraient ce qui pouvait leur arriver à tout instant.
Cela donne une fraîcheur, une spontanéité inattendues au film, dont la mise en scène est par ailleurs très sage donc. Et les acteurs en font leur miel. Michael Caine est évidemment plus que parfait, il tient son personnage magistralement et comme lui il a l'air de traverser le film avec une espèce d'indifférence exquise. Ses échanges avec Guy Doleman, qui reprend le rôle de Ross, sont un régal.
Mais, et c'est plus surprenant, la méthode employée par Hamilton semble avoir inspirer les autres comédiens avec des prestations plus intenses, comme l'excellent Paul Hubschmidt (Vulkan) et la superbe Eva Renzi (Samantha). Cette dernière avait remplacé au pied levé Anjanette Comer, malade, et elle a été doublée vocalement en post-production. Il paraît qu'elle était insupportable sur le plateau, mais il n'empêche qu'elle est impeccable à l'écran, sexy, élégante, trouble.
John Barry a également quitté le navire, remplacé par Konrad Elfers, dont, c'est le moins qu'on puisse dire, est qu'il ne vaut pas son homologue anglais...
Dans l'ensemble donc, Mes Funérailles à Berlin est une très bonne suite. Dommage que la réalisation n'ait pas été plus audacieuse, mais sinon, rien à redire : c'est très divertissant, avec cette pointe de cynisme et de nonchalance qui font le sel de cette mini franchise alternative à Bond. A bientôt pour le troisième volet, Un Cerveau d'un milliard de dollars...







Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire