dimanche 30 novembre 2025

LA LOI DE LA HAINE (Andrew V. McLaglen, 1976)


1909, territoire de l'Arizona. Le capitaine Sam Burgade, retraité des Arizona Rangers, vit seule avec sa fille unique, Susan, et espère profiter paisiblement de la vie. Mais il apprend par le shérif que Zach provo, son vieil ennemi, s'est échappé de prison de Yuma avec d'autres criminels. Les fugitifs travaillaient sur la voie ferrée et sont montés à bord d'un train pour prendre le large.


Lorsque Susan demande à son père pourquoi il s'inquiète tellement au sujet de Provo, Burgade lui explique que lors de son arrestation, une fusillade a éclaté pour le faire sortir de sa cachette et une balle perdue a tué la femme indienne de ce bandit, lui-même métis. Il sait donc que Provo va vouloir se venger non seulement parce qu'il l'a arrêté et fait jeter en prison, mais aussi parce qu'il le tient pour responsable de la mort de la femme qu'il aimait.


Burgade tend un piège à Provo en faisant passer le mot qu'un important convoi d'argent va passer dans la région. Mais le bandit ne tombe pas dans le panneau - mieux même : c'est lui qui va prendre Burgade à son propre jeu en profitant qu'il surveille le convoi pour kidnapper Susan et l'emmener dans la réserve indienne où il peut compter sur la complicité du chef de la tribu locale. Et pour conserver ses acolytes auprès de lui pour affronter Burgade, Provo leur promet 4000 $ provenant d'un butin qu'il a caché dans la réserve...


La première question qu'il faut se poser après avoir vu The Last Hard Men (en vo), c'est : qui a vraiment réalisé ce film ? Le générique l'attribue au vétéran Andrew V. McLaglen, mais Charlton Heston en a revendiqué la paternité, supervisant même le montage final. C'est l'acteur qui avait acheté les droits du roman Gun Down de Brian Garfield dont le script de Guerdon Trueblood est adapté.


Heston était déjà passé derrière la caméra en 1971 pour Antoine et Cléopâtre, et il y retournera en 1982 pour La Fièvre de l'Or, donc il est tout à fait possible qu'il ait réalisé La Loi de la Haine (en vf). Mais alors qu'a fait McLaglen sur ce long métrage ? L'hypothèse la plus probable est qu'il ait servi d'assistant à Heston pour rassurer la 20th Century Fox qui produisait.
 

McLaglen était connu avant tout pour être un exécutant sans grande personnalité et son genre de prédilection étant le western, il était l'homme de la situation. Ce qui est en revanche flagrant, c'est que le film fait énormément penser au cinéma de Sam Peckinpah, allant même lors d'une scène à reproduire un ralenti typique du cinéaste qui dirigeai Heston dans Major Dundee.


Malgré son statut de superstar, Heston était un acteur vieillissant en 1976 : il avait 54 ans et ses plus grands films étaient derrière lui. La Fox misait sur lui sans pour autant céder à tous ses caprices : par exemple, il ne souhaitait pas jouer dans le film puis il s'y résigna. De même il voulait initialement donner la réplique à Sean Connery mais on lui imposa James Coburn.

Or Coburn était dans une situation similaire à celle de Heston : alors âge de 48 ans, sa carrière déclinait et on ne peut pas dire qu'il est très crédible en métis à moitié indien. En outre, ses relations avec Heston furent compliquées : ce dernier doutait qu'il soit crédible dans le rôle de Provo et surtout il estimait que Coburn posait trop de questions pour ajuster sa composition.

Cependant, après avoir vu le montage du film et assisté à des projections-tests, Heston se ravisa et loua la qualité de l'interprétation de son partenaire. Par contre il ne mentionna jamais la contribution de McLaglen, jugeant le film satisfaisant, mais pestant sans doute que le studio n'ait pas voulu le créditer comme seul réalisateur.

La Loi de la Haine est un film qui témoigne bien de la fin du western américain. Le western spaghetti en 1976 vivait également ses derniers feux mais avait totalement cannibalisé le western classique avec ses personnages plus moralement douteux, sa justice expéditive, sa violence omniprésente. Mis en scène par un meilleur cinéaste, qui sait si The Last Hard Men n'aurait pas acquis le statut de film culte ?

L'affrontement entre Burgade et Provo se joue essentiellement à distance. Le piège tendu par l'ex-capitaine des Rangers de l'Arizona (qui en 1909 n'était pas encore le 48ème Etat américain - il le deviendra 3 ans plus tard) ne fonctionne pas et permet à son adversaire d'enlever sa fille pour l'attirer dans une réserve indienne où il a l'avantage du terrain.

Flanqué de Brickman, son futur gendre, Burgade assiste, impuissant, à la vengeance cruelle, sadique, de Provo, qui le considère comme le responsable de la mort de sa femme quand il l'a arrêté. Ainsi, on assiste, là encore, à un moment tout droit sorti du cinéma de Peckinpah quand Provo, sachant que Burgade l'observe, donne la fille de celui-ci en pâture à ses complices et que deux d'entre eux la viole.

Une scène malaisante au possible mais néanmoins filmé sans complaisance. La manière dont Burgade et Brickman s'y prennent ensuite pour déloger la bande de Provo a aussi quelque chose de dantesque avec l'incendie dans la prairie, et l'ex-capitaine qui fusille comme à la parade tous les alliés de son ennemi. A ce stade de l'histoire de toute façon, toute humanité a disparu.

Burgade veut faire payer le viol de sa fille, Provo la mort de sa femme, c'est une lutte à mort entre deux hommes qui se haïssent absolument. Le dénouement est, à cet égard, un peu ridicule car il eût été plus logique que les deux hommes s'entretuent alors qu'on nous fait croire que l'un des deux a survécu après avoir reçu plusieurs balles dans le corps - assez pour tuer n'importe qui.

Charlton Heston est saisissant dans la peau de Burgade, ce ranger vieillissant mais aussi possédé que l'homme qu'il traque - légitimement puisque sa fille est en danger. Celle-ci est jouée par Barbara Hershey qui ne s'en laisse pas conter et réussit à exister entre les deux acteurs du film. L'autre étant James Coburn, qui, il l'admettra, campe un type impossible à aimer, une ordure totale et immonde.

Le dernier rebondissement de cette production concerne sa bande originale dont le générique dit qu'elle est composée par Jerry Goldsmith. Or ce qu'on entend là, ce sont des compositions de Goldsmith mais provenant d'autres films. Le score original de Leonard Rosenmann fut tout simplement rejeté par la Fox qui procédé ensuite à ce rafistolage grossier.

Plein de petites histoires donc pour ce petit western, étonnamment méchant.

samedi 29 novembre 2025

ABSOLUTE BATMAN, VOL. 2 : ABOMINATION (Scott Snyder / Nick Dragotta, Marcos Martin, Clay Mann)


ABSOLUTE BATMAN, VOL. 2 : ABOMINATION
(Absolute Batman #7-14)


- ABSOLUTE ZERO (#7-8) - Bruce Wayne veut en savoir plus sur le complexe Ark-M en construction sur la baie de Gotham et qu'il soupçonne d'abriter des choses louches. Il demande à son vieil ami d'enfance, "Matches" Malone de lui fournir de faux papiers pour y pénétrer comme un agent chargé de contrôler les installations. Mais à peine les faux papiers en main, Bruce voit "Matches" s'écrouler, mort, exsudant du sang par tous les pores....


La mort de "Matches" ébranle Bruce et ses amis, Harvey, Oswald, Waylon et Edward qui tentent de le dissuader d'aller à Ark-M. Bruce ne tient pas compte de leurs conseils et y fait la connaissance de Victor Fries Jr., jeune scientifique spécialisé dans la cryogénisation et l'étude des bactéries. Cependant, Waylon Jones est arrêté abusivement pour avoir violé le couvre-feu mis en place par les autorités...


- ABOMINATION (#9-14) - Après avoir échappé aux expériences de Victor Fries Jr., Bruce retrouve Oswald, Harvey et Edward qui lui apprennent l'arrestation de Waylon. Il lui faut retourner à Ark-M bien que Pennyworth le lui déconseille. Avec l'aide de ce dernier, il s'introduit dans le complexe en pensant ne pas être détecté. Grave erreur !


Batman y est attendu par Bane, un colosse à la force surhumaine qui le roue de coups et l'enferme dans une cellule. Durant quatre mois, il est soumis à des expériences menées par le docteur Arkham. Plusieurs fois, Bruce tente de s'évader, mais Bane le rattrape, le démolit physiquement et moralement. Et les expériences reprennent...


Lorsque, enfin, Bruce réussit à semer Bane, il retrouve du même coup Waylon, radicalement transformé, et qui l'aide à fuir. De retour auprès de sa mère, folle d'inquiétude, et de Jim Gordon, Bruce découvre que Bane s'en est pris à ses amis à qui il a infligé de terribles traitements. Pennyworth est prêt à l'aider à se venger lorsque Selina Kyle/Catwoman resurgit...


Tout d'abord, je dois préciser que les huit épisodes qui forment ce deuxième tome de Absolute Batman seront disponibles en vo et en vf (chez Urban Comics) au mois de Fèvrier prochain. J'ai pu les lire avant grâce à un ami qui suit la série mensuellement et alors que le #14 vient de sortir.


Huit épisodes, voilà qui forme un copieux sommaire et si vous avez aimé le premier tome (ce qui semble être le cas de beaucoup de monde vu les ventes), alors vous êtes bien partis pour adorer ce deuxième volume. Pour ma part, l'expérience a été positive même si j'émettrai quand même quelques réserves, mais j'y reviendrai.


Scott Snyder propose deux histoires dans ce tome 2 mais qui forment un tout et préparent à la suite (dans laquelle on verra enfin vraiment l'Absolute Joker mais aussi Absolute Poison Ivy) La première des deux histoires est en deux parties et s'intitule donc Absolute Zéro. Pour laisser souffler Nick Dragotta au dessin, DC et Snyder ont convaincu rien moins que Marcos Martin de jouer les fill-in de luxe.

Cependant je dois dire que j'ai été frustré par ce diptyque où l'on fait la connaissance de la version Absolute de Mr. Freeze. Il subsiste peu de doute qu'on le reverra dans le futur, mais à tout prendre, n'aurait-il pas mieux valu reporter son apparition et lui consacrer un arc narratif plus consistant que ces deux épisodes ?

D'autant que Snyder se montre peu inspiré pour réinventer ce méchant emblématique : dans sa version classique, Victor Fries est quasiment identique à celui qu'on rencontre ici, si ce n'est qu'il cherche un moyen de rendre la vie à ses parents et non à sa femme. La différence ne suffit pas à donner une plus value suffisante pour combler le fan.

Et c'est parce que, également, Snyder conclut ces deux épisodes d'une manière expéditive, au point qu'on se demande s'il n'était pas plus pressé pour écrire le récit suivant. Fries met Batman en grande difficulté et ce dernier est obligé de battre en retraite, s'échappant du complexe Ark-M de justesse. Et voilà, c'est tout, à la prochaine !

En vérité, cet affrontement semble servir de prétexte pour éloigner Bruce Wayne de sa bande d'amis puisque, pendant qu'il est piégé par Fries, Waylon Jones est enlevé par la police qui l'arrête et le neutralise sous le prétexte bidon qu'il a violé le couvre-feu mis en place par le nouveau maire, suite à la bataille spectaculaire qui a opposé Batman à Black Mask (dans le tome 1).

La disparition de Waylon Jones va effectivement servir d'argument pour que Batman retourne fouiner dans le complexe Ark-M dans l'arc suivant. Et donc, ces deux épisodes qui ouvrent le tome donnent furieusement l'impression que Snyder a moins chercher à introduire Fries qu'à distraire Batman et à organiser l'enlèvement de Waylon.

Dommage car Marcos Martin assure au dessin. C'est d'abord étonnant de le voir évoluer dans cet univers, lui qui n'a plus dessiné de série super héroïque depuis un bail, occupé par ses projets indés avec Panel Syndicate (The Private Eye, Barrier, Friday). Mais l'espagnol nous régale avec des planches toujours aussi inventive, magnifiées par les couleurs de son épouse Muntsa Vicente.

Ensuite, on passe au plat de résistance avec l'histoire qui donne son titre à l'album : Abomination. Ce titre sonne comme une provocation car quand le design d'Absolute Bane par Nick Dragotta a circulé en ligne, le co-créateur (avec Doug Moench et Chick Dixon) du personnage, Graham Nolan, a déclaré qu'il était abominable.

Pendant six épisodes, on va donc assister à la présentation de Bane version Absolute, mais aussi à la détention de Bruce Wayne dans le complexe d'Ark-M, aux expériences éprouvantes qu'il subira, à son évasion, et à l'affrontement entre les deux personnages. L'occasion aussi d'assister à l'arrivée d'Absolute Catwoman (qui aura droit à sa mini-série en 2026).

Bane est sans doute devenu un des adversaires les plus iconiques de Batman depuis sa création en 1993 : l'image qui le voit briser le dos du dark knight est désormais dans toutes les mémoires, et encore récemment, le run de Tom King sur Batman lui donnait un rôle crucial. C'est une brute certes, mais aussi un individu très intelligent, et ces deux qualités en font un méchant redoutable.

Snyder, à l'image de sa vision de l'univers Absolute, pousse tous les curseurs dans le rouge et son Bane est encore plus terrifiant que celui qui l'a inspiré. Un épisode entier est consacré à ses origines, dessiné par Clay Mann de manière très efficace (là encore un fill-in de luxe), et c'est plus que suffisant pour que le lecteur sache que Batman va devoir s'employer pour le battre.

Le duel final entre les deux belligérants tient toutes ses promesses et sin vous aimez le sens de l'exagération propre à Snyder, vous serez comblés. C'est dantesque, horrifique, souvent grotesque aussi dans la démesure à tout crin. Et c'est d'ailleurs là où le bât blesse... Car, en la matière, si la règle ici, c'est d'être too much par définition, là j'ai trouvé que ça atteignait des proportions embarrassantes.

Le calvaire qu'endure Bruce dans le complexe d'Ark-M est très réussi et Snyder, s'il déborde d'idées cruelles, parvient à nous faire croire que tout est possible dans l'univers Absolute, y compris une défaite écrasante de Batman. D'ailleurs, il joue avec nos nerfs en montrant, avec Clay Mann, ce que donnerait la victoire de Bane. Et c'est du brutal ! Bras arrachés, tête écrasée... N'en jetez plus !

Et puis Batman s'enfuit avec l'aide de Waylon Jones, transformé littéralement en crocodile (image saisissante dont je donne un aperçu plus haut). Celui-ci le supplie de le tuer mais Bruce refuse et son ami lui tourne le dos, retournant dans les égouts. Ce n'est qu'un amuse-bouche pour ce qui suit immédiatement après...

Car Bane s'en est pris, aussi sauvagement, à Oswald Cobblepot, Harvey Dent et Edward Nygma (qui dans l'univers Absolute sont, je le rappelle, les amis d'enfance de Bruce). Le premier a tous (tous !) les os brisés. Le deuxième est brûlé sur toute (toute !) la moitié du corps. Et le troisième.... C'est atroce. Tellement que c'est là que mes réserves les plus sérieuses apparaissent.

A force de surenchère dans la violence, les sévices physiques et mentaux, le déluge de coups, ce qui composent le programme des épisodes 12 à 14, l'écoeurement et la lassitude dominent sur le plaisir. Je ne suis pas spécialement impressionnable en matière de comics, mais j'ai décroché à partir de là. Parce que c'est complaisant, gratuit. Et trop long. Interminable même.

Snyder ne sait pas où s'arrêter et franchit la ligne rouge. A la fin, on se demande ce qu'il va encore sortir de son chapeau. Et on peut dire qu'il ose tout, surtout le mauvais goût. Sauf que ce n'est même pas l'occasion de sourire, voire de rire. C'est juste moche. Et voir Nick Dragotta s'enfoncer dans ce triste spectacle fait peine à voir.

Dragotta livre des planches extraordinaires et son design pour Absolute Catwoman est vraiment audacieux et réussi. Ses scènes d'action sont découpées de façon incroyablement dynamiques. Avec le coloriste Frank Martin, il créé des ambiances intenses. Même si le rythme mensuel l'oblige à sacrifier les décors, il s'en sort toujours pour les représenter de manière évocatrice et puissante.

Mais quand je vois un dessinateur de son calibre s'échiner à mettre en image un combat aussi grotesque que celui de l'épisode 14, obligé de suivre Snyder dans son délire fatigant, au détriment de la beauté élégante de son trait, je dois dire que ça m'emmer.... Snyder a une fois encore un artiste de haut niveau pour lui et il lui donne littéralement n'importe quoi à dessiner.

C'est le problème avec cette ligne Absolute : à l'exception notable de Martian Manhunter, qui se distingue par son intelligence et sa sophistication, tout le reste est vite abrutissant à force d'exagérations. Qu'il s'agisse du Superman immature de Aaron et Sandoval ou de la Wonder Woman gothique de Thompson et Sherman ou du Batman écrasant de Snyder et Dragotta, toute subtilité semble être exclue.

Je comprends le projet qui imagine des versions stéroïdées des icones DC, mais je déplore que seul Martian Manhunter bénéficie d'un traitement qui ne s'égare pas dans le grand-guignol. La relance (bientôt achevée) de l'univers Ultimate a été globalement un pétard mouillé. Mais le lancement de l'univers Absolute ressemble à une foire bruyante et criarde à côté. 

C'est, si j'ose dire, à l'image du monde actuel, de l'époque : il faut montrer les muscles et parler fort. Absolute Batman en est un exemple frappant. Et cette Abomination, plus pitoyable que choquante, ne me donne plus envie d'aller plus loin. Vivement le retour et la fin d'Absolute Martian Manhunter, véritable bizarrerie pleine de nuances dans ce monde alternatif mais exténuant.

vendredi 28 novembre 2025

BLACK CAT #4 (G. Willow Wilson / Gleb Melnikov)


Black Cat est la prisonnière de Tombstone qui ne croit pas en sa reconversion héroïque mais ne peut la laisser libre car elle compromet ses plans. Elle comprend que celui qui se fait passer pour Spider-Man extorque de l'argent à Tombstone et elle doit s'échapper pour les neutraliser tous les deux...


Si je me fie aux sollicitations de Janvier et Février pour Marvel, il semble bien que l'éditeur ait prolongé Black Cat pour en faire a minima une maxi-série au-delà des cinq épisodes initialement prévus. La série doit bien se vendre, mais gardons-nous de tout enthousiasme excessif : C.B. Cebulski, le rédacteur-en-chef de Marvel, a désormais l'habitude de faire signer ses auteurs pour dix épisodes et d'aviser ensuite.
 

G. Willow Wilson peut quand même rêver de reproduire le coup qu'elle a réussi chez DC avec Poison Ivy. Mais pour cela donc, il lui faudra tenir sur la distance avec une équipe éditoriale bien moins aventureuse que chez la Distinguée Concurrence. Alors croisons les doigts (ou plutôt les griffes en l'occurrence) car Black Cat mérite de durer.


Sous la direction de la scénariste, cette série se savoure comme une friandise avant tout. C'est à la fois sa force, car c'est très divertissant, et sa limite, car, pour l'instant, il manque la ligne très originale que Wilson a su insuffler à Poison Ivy qui, comme Black Cat, était une espèce de vilaine ambiguë à la recherche d'une mission rédemptrice.


Black Cat, ici, reste ambivalente, et c'est heureux, mais veut-elle réellement s'imposer comme une héroïne, du bon côté des choses, ou juste faire bouger les lignes du grand banditisme new yorkais en en écartant les pires éléments. Quelle que soit l'objectif de G. Willow Wilson, il y a de la matière à creuser et nul doute que cette scénariste est la plus indiquée pour le faire.

Dans ce quatrième épisode, la chance semble avoir tourné pour Black Cat, désormais prisonnière de Tombstone. Mais elle met à profit cetta déveine passagère pour en apprendre plus qu'elle ne le pensait. La série peut se lire comme un complément de programme à Amazing Spider-Man sans avoir pour autant besoin de lire cette dernière.

Wilson fait un travail remarquable pour ne pas perdre les lecteurs qui ne sont pas au fait de ce qui se joue actuellement dans la série du tisseur. En gros, quelqu'un a endossé le costume de l'araignée et extorque de l'argent à Tombstone (Peter Parker est, lui, dans l'espace). Je ne vais pas vous spoiler l'identité de l'imposteur mais je ne serai pas surpris que Wilson la dévoile bientôt.

Pour sortir Black Cat de sa prison, Wilson reprend un des personnages qu'elle a introduit dans un épisode précédent, le comte Razumorvsky, un vampire qui estime que Felicia Hardy lui a porté préjudice et qui réclame réparation. La manière dont elle se sert de lui pour s'évader tout en promettant de le rembourser est délectable.

L'épisode se conclut sur un cliffhanger bien senti et qui donne envie de lire la suite. C'est donc non seulement plaisant à lire mais efficace. Pour ne rien gâcher, Gleb Melnikov s'amuse comme un petit fou : ce jeune dessinateur sait qu'il tient là une belle main pour se faire remarquer et il a du talent. Un découpage inventif, des compositions bien équilibrées, un vrai sens de la narration...

... Et surtout un trait expressif, presque semi-réaliste, qui détonne chez Marvel, où, actuellement, à part Humberto Ramos, ce n'est pas la norme. Melnikov croque Black Cat avec un mélange bien dosé d'innocence et de séduction, mais ce n'est ni niais ni racoleur. On sent qu'il a de la marge et que, s'il reste en place sur le titre et que le titre continue assez longtemps, il exploitera son potentiel.

C'est une petite série amusante, mais très bien foutue (comme son héroïne), et qui est franchement rafraîchissante de la part d'un éditeur qui ne propose plus grand-chose d'excitant.

DETECTIVE COMICS #1103 (Tom Taylor / Mikel Janin)


Il ne reste que 22 heures à Batman avant d'être obligé de se mettre en quarantaine. Pour progresser dans ses investigations contre le Lion et son moyen d'ôter la peur, il s'en remet à Lois Lane. Grâce à elle, il approche le docteur Lee qui travaille à S.T.A.R. Labs et évoque un chercheur, le docteur Toomey, dont les travaux bénéficient à l'organisation Intergang...


Le mois dernier, je m'en suis rendu compte après coup, j'ai été plutôt dur avec le run de Tom Taylor sur Detective Comics en pointant du doigt la faiblesse des méchants qu'il créait. Il est vrai que le Lion, qui fait office d'adversaire à Batman dans ce nouvel arc, n'a rien de très neuf avec son virus qui supprime la peur et peut donc pousser quiconque le contracte à commettre l'irréparable...


Je disais qu'avec un méchant plus classique de Batman comme l'Epouvantail, cette intrigue aurait aussi bien fonctionné. En même temps, on ne peut reprocher à un scénariste de ne pas céder à la facilité et d'enrichir la rogue gallery d'un héros comme Batman, quand bien même un vilain inédit a peu de chance de faire son trou si d'autres auteurs ne l'utilisent pas.


C'est ce qui était déjà arrivé à James Tynion IV quand il écrivait Batman, et aujourd'hui qui peut dire où sont Molly Miracle, Peacemaker 01. Idem pour Abyss, imaginé lui par Joshua Williamson, durant son bref passage sur le même titre. Autant de noms qui ont sombré dans les oubliettes parce que, objectivement, ils ne font pas le poids face au Joker, au Pingouin, à Bane, etc.


Pourtant il se produit dans Detective Comics 1103 quelque chose d'assez ironique par rapport aux commentaires que j'écrivais il y a un mois puisque Batman, avec l'aide de Lois Lane, tente de remonter la piste qui le mènerait jusqu'au Lion pour que Batgirl lui apprenne finalement que ce dernier vient d'enlever Jonathan Crane, c'est-à-dire l'Epouvantail !

C'est plutôt malin de la part de Taylor de (me) couper ainsi l'herbe sous le pied en utilisant son personnage en train de dominer celui qui, des ennemis de Batman, pouvait le plus facilement le remplacer. Cela donne au Lion une sorte d'impact plus saisissant que prévu puisqu'il n'a pas peur d'un vilain qui la provoque chez tous.

Avant d'en arriver là, l'épisode est construit comme un team-up très réussi entre Batman et Lois Lane. Taylor sait toujours trouver l'aspect le plus accrocheur à un personnage, c'est ce qui en fait un auteur si doué pour la caractérisation, et ce qu'il fait avec Lois Lane en est un exemple frappant quand elle doit amadouer le docteur Lee de S.T.A.R. Labs.

Avant d'entrer dans les locaux de ce laboratoire, Batman envisage de neutraliser le gardien à la réception puis de gagner l'étage où se trouve le docteur Lee. Lois le convainc d'essayer sa méthode et en voix off, Batman détaille comment la journaliste sait si bien s'y prendre pour convaincre les gens de lui ouvrir des portes.

Une fois arrivée dans le bureau du docteur Lee, Lois s'apprête à la questionner lorsque Batman, fidèle à sa légende, surgit dans le dos des deux femmes, sans qu'aucune d'elles ne s'en soit aperçue. Lois perd ses nerfs et tance Batman en lui expliquant que, pour que Lee parle, elle a besoin de temps et surtout pas d'un type déguisé en chauve-souris. Batman n'a pas le temps, mais Lois a raison de lui et obtient les infos dont il a besoin.

Cette séquence résume tout le brio dont est capable Taylor. Ce n'est peut-être pas le scénariste qui invente les intrigues les plus sophistiquées, mais quand il s'agit d'animer des personnages, c'est un des tous meilleurs dans la partie. Il a compris comment animer Lois, la faire interagir avec Batman, et le résultat produit des étincelles.

Ajoutez à cela que Mikel Janin, au dessin, à l'encrage et aux couleurs, et dans une très grande forme. L'artiste espagnol est réellement un grand, un peu mésestimé à mon goût, surtout à l'heure où tout le monde n'en a que pour Dan Mora. Sa narration est précise, dynamique, il sait tout dessiner et bien avec ça, avec un sens du cadre, de la composition qui prouve son expérience.

Là aussi, rien que pour la manière dont il représente Lois, visiblement bien inspiré par la manière dont Rachel Brosnahan l'a incarnée cette année dans le Superman de James Gunn, mais sans chercher la ressemblance avec l'actrice, c'est un régal pour les yeux.

Quel plaisir de lecture tout de même ! Et tant pis si le Lion, à la fin de cette aventure, rejoint la liste des méchants de passage....

jeudi 27 novembre 2025

GALACTIC #1 (of 3) (Curt Pires / Amilcar Pinna)


Jecht Marks et son partenaire Wolf sont des chasseurs de primes et Ventrill Null leur agent. Il leur propose une mission que leur confie Maxir Kesik, le conseiller du Chancelier Silva de la planète Azor, et qui exige de la discrétion, en échange de quoi une grosse récompense est promise. Il s'agit de retrouver la fille du Chancelier, Seriah, qui a fugué subitement et dont le traceur ne répond plus.


Ce qu'ignore tout le monde, c'est que la jeune femme a fui à cause de l'annonce d'un mariage arrangé avec Fabian, le fils psychopathe du Chancelier Gondek, et qu'elle a eu une vision de l'assassinat de son père par son prétendant... Jecht et Wolf acceptent le contrat et sollicitent leurs indics. Ils retrouvent vite la fille mais sans se douter de ce qui les attend, eux et les Silva...


J'ai appris à me méfier des comics publiés par DSTLRY qui, en la matière, réussit l'exploit de les sortir souvent avec encore plus de retard que Image Comics - par exemple, il s'est écoulé la bagatelle de 11 mois -!) entre les épisodes 1 et 2 de The City Beneath Her Feet de James Tynion IV et Elsa Charretier, raison pour laquelle je vais attendre sagement la fin de cette mini pour la lire et la critiquer.


DSTLRY est un malgré tout un éditeur qui produit des comics originaux et leurs floppies sont certes coûteux mais de grande qualité, au point que les séries compilées en albums rougissent presque la comparaison. Mais bon, il y a quand même un énorme problème de communication entre eux et leurs lecteurs sur leurs bandes dessinées.


Suivant les annonces de DSTLRY sur le réseau social BlueSky, j'ai entendu parler de ce projet depuis son annonce en Février dernier et j'ai été immédiatement accroché. Pourtant, je n'avais rien lu de Curt Pires avant, mais la promesse d'un space opera à la Star Wars comme si c'était écrit par Tarantino m'a intrigué. C'est du marketing certes, mais efficace.
  

Et je dois dire que la promesse est tenue. Le héros de Galactic est un chasseur de primes qui est directement inspiré de Han Solo et il a pour acolyte un extraterrestre avec une tête de chien. C'est pas Chewbacca, mais presque. On fait appel à lui pour retrouver une princesse fugueuse, qui a fui un mariage arrangé avec un jeune héritier psychopathe.

Et c'est là qu'intervient l'aspect "tarantinesque" du plot : la jolie princesse est une délurée de première, qui, une fois partie de chez elle, échoue dans un bar tenu par des hippies et couche avec une fille. Visiblement elle aime ça puisqu'elle se demande "pourquoi les femmes sont meilleures que les hommes pour bouffer de la chatte ?".

Curt Pires, avant cela, nous gratifie d'un long prologue (peut-être un peu trop long, mais quelque chose me dit qu'on reverra des personnages qui y figurent) où il présente Jecht et Wolf. Ceux-ci ont récupéré l'équipement d'un ranger de l'espace qui, en guise de remerciement, a effacé leur casier judiciaire, car ils avaient été arrêtés à la suite d'une bagarre dans un bar.

Ce prologue permet en tout cas d'introduire le personnage qui opère la liaison entre cette première mission et la suivante, celle qui consiste à retrouver la princesse. Ventrill Null est l'agent de Jecht et Wolf, c'est lui qui leur déniche de juteux contrats et, en l'occurrence, leur présente Maxir Kesik, le conseilleur du Chancelier Silva, le père de la princesse.

Le récit est extrêmement rythmé, très drôle, abondant en action. Au fond, Galactic, comme beaucoup de space operas, aurait pu être un western ou un polar, mais le scénariste a manifestement voulu se faire plaisir en déplaçant tout ça dans le futur et l'univers. Les références sont explicites et assumés, c'est vraiment comme si Tarantino avait écrit un film Star Wars.

Partant de là, Amilcar Pinna ne se dégonfle pas : son dessin est hyper expressif, et comme DSTLRY est un éditeur indé, pas de censure. On peut montrer une fille en train de bouffer la chatte d'une autre, on peut aussi montrer un chasseur de primes dégommant à la grenade des aliens. Mais ce n'est jamais racoleur, gratuit. En revanche, c'est donc très amusant et décomplexé.

Pinna, comme Pires, est une révélation pour moi : son dessin avec un trait fin et détaillé cite Moebius (dans le texte) ou plus proche de nous Frank Quitely, rien que ça. Le découpage est généreux, avec des doubles pages incroyablement détaillées, des enchaînements très fluides. Et surtout un recours à des plans en anamorphoses qui déforment les perspectives de manière super énergiques.

Le mec est un surdoué dont je m'étonne, après m'être un peu renseigné à son sujet, qu'il n'ait pratiquement pas bossé chez les Big Two (il avait dessiné All-New Ultimates chez Marvel). Comment peut-on passer ou laisser filer un tel artiste ? Incroyable ! Et pour ne rien gâcher, la colorisation est assuré par l'excellent Lee Loughridge.

On ne voit en tout cas pas filer ces 50 pages de BD grisantes. C'est formidablement écrit et mis en images, c'est assurément un titre qui va compter en 2026 (et comme il a été annoncé très en avance, je pense que les auteurs ont eu le temps de réaliser déjà pas mal de boulot). Je ne regrette pas ce retour chez DSTLRY.

SUPERMAN #32 (Joshua Williamson / Eddy Barrows) - Tie-in à DC K.O.


Où l'on apprend comment les super vilains, grâce à Lex Luthor, ont échappé à leur bannissement dans la Zone Fantôme juste avant le début du tournoi pour le titre de Roi Oméga... Et comment Lois Lane et Superboy-Prime ont fait face ensemble à la Légion de Darkseid pour prévenir Superman de l'identité du Roi Alpha...


Bon, je ne vais pour vous expliquer le principe d'un tie-in. Mais la réussite de ce complément de programme à un event en cours tient souvent à ce que : 1/ il ne répète pas ce qu'on lit dans l'event et 2/ il soit aussi captivant que l'event. Le travail de l'editor consiste alors à faire en sorte que les auteurs s'entendent bien sur ce que chaque titre apporte au projet dans son ensemble.


Mais dans le cas de DC K.O., c'est un peu particulier dans la mesure où Joshua Williamson a préparé l'event, notamment via la série Superman qu'il écrit, avant de laisser Scott Snyder écrire le récit central. Plus qu'un travail d'editing, il s'agit surtout de l'affaire de deux auteurs qui doivent s'aligner. Et on peut constater en lisant et DC K.O. et Superman, qui sortent la même semaine, que c'est le cas.


Le mois dernier, à la fin de DC K.O. #1, on découvrait que les super vilains étaient écartés par la Justice League du tournoi. Et pourtant ils arrivaient à s'y inviter à la dernière minute, à la grande stupéfaction des super héros. Par ailleurs, Lois Lane découvrait un secret importantissime au sujet du personnage susceptible de battre Darkseid à l'issue du tournoi dans les archives de la Forteresse de Solitude.
 

Williamson a donc pour mission : 1/ d'expliquer comment les super vilains ont réussi à débarquer dans le tournoi et 2/ de montrer comment Lois Lane va pouvoir révéler à Superman ce qu'elle a découvert dans les archives de sa Forteresse de Solitude. Ce qui peut sembler très scolaire montre que le scénariste réussit à captiver en comblant les vides de DC K.O..

Lex Luthor, qui est au centre de DC K.O. #2, est également en première ligne dans Superman #32 et c'est évidemment lui qui a empêché les super vilains d'être exilés dans la Zone Fantôme où comptait les expédier la Justice League durant le tournoi. C'est à la fois le retour de Lex dans la série mais aussi le retour du Luthor ennemi de Superman, après lui avoir prêté main forte depuis le début du run de Williamson sur la série.

Ce n'est pas une surprise, tout le monde s'attendait à ce que le Lex en quête de rachat finirait par redevenir le Luthor succombant à ses mauvais instincts. J'ai tout de même quelque regret à ce sujet parce que j'aimai bien la relation qu'avait réussi à créer Williamson entre Superman et Lex. Mais je savais aussi que ça ne durerait pas éternellement.

DC K.O. #2 vous montrera en revanche ce qui motive vraiment Lex pour participer à ce tournoi et défier Darkseid - et là, c'est du pur Snyder, puisqu'il écrivait déjà le personnage ainsi quand il était aux commandes de Justice League. Pour Snyder, Luthor est un méchant, certes, mais avec le complexe du Messie. Il pense toujours faire mieux que Superman, simplement parce qu'il n'a pas ses scrupules.

Pour la deuxième partie de l'épisode, Williamson développe ses propres idées. Je ne veux pas spoiler ce qui arrive à Lois, mais c'est une suite attendue à ce qui semblait être perdu depuis quelques épisodes. Et le scénariste le justifie simplement, et logiquement. Il ne faut pas s'attendre à ce que la situation perdure au-delà de DC K.O., sauf surprise.

La manière dont Williamson traite Superboy-Prime est très intelligente, loin de tout manichéisme, ce qui n'est pas rien pour un personnage aussi mal écrit depuis des lustres. D'une certaine manière, il est exploité comme un écho à Luthor : mal parti, il se rachète franchement. Je ne sais pas s'il y a des plans sur le long terme pour lui, mais en tout cas c'est un retour gagnant.

Eddy Barrows dessine à nouveau cet épisode avec toute la puissance et le sens du détail qu'on apprécie chez lui, valorisés par l'encrage impeccable d'Eber Ferreira et les couleurs d'Alejandro Sanchez. Je pense que DC a tout intérêt à le garder sur la série en trouvant un second artiste pour alterner les arcs car il accomplit un travail remarquable - et que je doute que Dan Mora revienne en 2026.

Peut-être pas ce qu'il y a de plus passionnant à lire pour les fans, mais tout de même un bon épisode, et qui complète idéalement DC K.O..

mercredi 26 novembre 2025

DC K.O. #2 (of 4) (Scott Snyder, Joshua Williamson / Javi Fernandez, Xermanico)


Le deuxième round du tournoi pour atteindre le Coeur d'Apokolips et défier Darkseid en combat singulier pour le titre de King Omega consiste à s'emparer d'artefacts très puissants - le scarabée de Blue Beetle, la ceinture d'Atom, une Boîte-Mère, le masque de Psycho-Pirate, le venin de Bane, le lasso de vérité... Mais les héros doivent désormais compter avec les super-vilains qui se sont invités dans le tournoi...


La raison d'aimer DC K.O. est la même qui revient à être frustré par son concept : pour le côté positif, on retiendra que c'est un event très coup (4 numéros) avec un argument simple (désigner qui affrontera Darkseid pour le titre de Roi Oméga) ; et pour le côté négatif, c'est que 4 numéros, c'est bien peu pour le nombre de personnages impliqués dans ce tournoi et donc pour qu'on apprécie leurs joutes.


Toutefois, je fais partie de ceux qui voient ici le verre à moitié plein. Scott Snyder file à toute allure, et on finit l'épisode lessivé par ce déferlement ininterrompu d'action, l'ambiance électrique, la démesure absolue du contexte et du cadre. C'est en réalité très marrant parce qu'on voit que le scénariste a les coudées franches, que DC l'a laissé faire comme bon lui semble.


Et c'est en fait assez grisant de lire un event où on ne sent pas qu'un editor relit le script dans le dos de l'auteur et impose des corrections pour coller à un agenda plus vaste. Il n'y a pas forcément besoin d'avoir beaucoup de prérequis pour apprécier DC K.O. (sinon d'avoir lu DC All-In Special #1). Le plaisir est dans l'immédiateté du projet, qui donnera envie ou non de découvrir ce sur quoi il débouchera.


Néanmoins, le programme n'est pas aussi basique qu'il en a l'air : certes, la baston est au rendez-vous, et ça castagne méchamment. Les héros s'affrontent entre eux, des vilains s'invitent dans la partie et profitent du chaos général, mais Snyder réussit, et ce n'est pas rien, à glisser un peu de psychologie malgré tout, avec une bonne dose de malice.


Le personnage central de cet épisode est Lex Luthor et manifestement Snyder a envie du Luthor machiavélique, brutal, méchant, avide, et pas du Luthor que Joshua Williamson avait établi comme un allié de Superman. Ici, Lex retombe dans sa mégalomanie le plus grandiloquente, son complexe du messie refait surface comme jamais, et il se bat pour gagner.

On peut juger la façon de faire de Snyder cavalière, mais il semble agir avec l'approbation de Williamson qui est crédité comme co-scénariste (en pages intérieures, mais bizarrement pas sur la couverture...). Sa participation est très mince, ne vous attendez pas à un interlude en bonne et due forme comme dans le premier épisode .

Je crois que Snyder et Williamson ont vraiment collaboré, même si Snyder pilote tout seul DC K.O., mais si vous lisez en parallèle, comme moi, la série Superman, on se rend bien compte que Williamson en fait le tie-in indispensable, le complément de programme parfait à l'event. Donc, on n'assiste pas au triste spectacle de deux scénaristes qui ne tirent pas dans la même direction - au contraire.

Le gain de divers artefacts est un moyen tout aussi classique de provoquer des affrontements et Snyder met en jeu des objets vraiment très puissants et divers (comme des anneaux de Lanterns, le stylo de Johnny Thunder, le lasso de vérité de Wonder Woman, des épées, une lance cosmique, etc.). Ceq ui est évidemment divertissant, c'est de découvrir qui met la main dessus.

Ainsi voir Lobo s'injecter le venin de Bane ou le Joker se saisir de la ceinture d'Atom assure à l'histoire des rebondissements savoureux et des conséquences terribles. A la fin de l'épisode, il ne reste plus que 16 concurrents sur 32 au départ. Il y a de vraies surprises, mais elles sont produites d'une manière qui n'est pas trop forcée (comme Harley Quinn ou Red Hood).

Seulement, comme je le disais en ouverture, quand on élimine 16 personnages en un épisode, le risque, c'est que la mise en scène ne soit pas assez lisible, que ces éliminations soient expédiées. Et c'est là que DC K.O. aurait sans doute gagné à avoir au moins 6 épisodes au lieu de seulement quatre, pour mieux apprécier l'issue de chaque round et les victoires ou défaites des prétendants.

En même temps, il faut à la fois apprécier le tempo infernal de Snyder et les capacités physiques de l'artiste chargé d'illustrer ce script. Javi Fernandez aurait-il pu assurer 6 épisodes avec autant de personnages, de décors, de péripéties ? Peut-être, car c'est un dessinateur efficace et rapide. Mais dessiner un event est un exercice à part, même avec ces qualités-là.

Et Fernandez délivre des planches, souvent doubles, très punchy. Il zappe les décors, qui de toute manière sont ici très sommaires (on est dans une espèce de no-man's land et les éléments qui y figurent n'ont aucun impact sur le déroulement de l'action). Le trait est très dynamique, parfois dépouillé, ce qui est original pour un event (où la tradition veut que l'artiste ait un style détaillé).

Xermanico, si j'ai été attentif, intervient uniquement sur une double page, qui se fond parfaitement dans les planches de Fernandez, et qui met en scène Vixen contre King Shark notamment. L'épisode est ponctué à deux reprises de scènes précédant l'histoire où Diana, Bruce et Clark jouent à un jeu de société qui sert de révélateur à leur caractère respectif et à leur manière de gagner.

Et la dernière page, sans la spoiler, est un cliffhanger équivalent à celui du premier épisode, dans lequel un personnage déterminant avance à nouveau ses pions en vue du tournoi....

Je ne m'attendais honnêtement pas à être aussi emballé par DC K.O., mais sans doute parce que je n'en attendais rien et que ce que propose Snyder a le mérite de la clarté sans manquer de culot. Vivement la suite !

*

Ci-dessous, la version undressed de la couverture régulière par Javi Fernandez :

mardi 25 novembre 2025

5 CARTES A ABATTRE (Henry Hathaway, 1968)


1880, Rincon (Colorado). Van Morgan, un joueur de cartes professionnel, dispute une partie de poker avec ses amis Nick Evers, Fred Carson, Stoney Burough, Mace Jones,  et Joe Hurley qui accueillent à leur table un inconnu. Celui-ci remporte la mise mais Evers le confond en flagrant délit de tricherie. Avec ses amis, il le traîne hors de la ville pour le lyncher. Morgan tente de s'interposer mais Evers l'assomme. Le lendemain, Morgan boucle ses valises, direction Denver, après avoir été dire au revoir à Nora Evers, la soeur de Nick qui est amoureuse de lui, et leur père.


Un pasteur, le révérend baptiste Rudd, arrive à Rincon, une bible dans une main, un colt à sa ceinture. Le Dimanche, il prononce son premier sermon dans lequel il parle de vengeance en expliquant que nul ne peut échapper au regard du Seigneur. Quelques jours après, à Denver, Morgan apprend dans la presse que deux des joueurs avec qui il a disputé cette partie à Rincon ont été tués de manière atroce et il décide d'y retourner pour mener son enquête. Il fait la connaissance de Lily, chez qui il vient se faire raser, avant de la retrouver plus tard et de passer la nuit avec elle.
 

Rudd officie aux enterrements de Fred Carson et Stoney Burough. Le même jour, alors qu'elle se rend à l'épicerie, Nora Evers découvre le corps de Mace Jones, le commerçant, la tête plongée de force dans un tonneau de farine. Le soir venu, Morgan retrouve Nick et Joe Hurley, les deux derniers joueurs de cette funeste partie, et ils partagent leurs sentiments sur cette série de meurtres. Le lendemain matin, le shérif les convoque en présence du révérend Rudd qui souhaiterait, pour éviter des incidents, que tous les hommes déposent leurs armes. Mais Nick refuse...
 

5 Card Stud (en vo) n'est peut-être pas un grand western, surtout de la part d'un cinéaste aussi renommé que Henry Hathaway qui connut de grandes réussites dans ce genre, mais c'est un western qui, à sa manière, a marqué les esprits, fait date. Encore une fois, il s'agit d'un exemple frappant dont le cinéma américain a réagi à l'émergence du western spaghetti et au moyen d'y apporter une réponse.


La facture du film est visuellement très classique et donc elle s'inscrit dans la norme des westerns américains traditionnels. Pas d'anti héros à la morale ambiguë, peu de décors, tourné sur les lieux mêmes de l'action, et aux commandes, donc, un réalisateur qui avait déjà une riche carrière derrière lui. Non, la véritable singularité de 5 Cartes à abattre (en vf), c'est l'introduction du polar dans le western.


En effet, on assiste à la mise en scène d'une vengeance contre un groupe de joueurs de poker après qu'ils ont lynché un inconnu surpris en train de tricher contre eux. Il s'agit donc alors d'un whodunnit dans les règles de l'art où le spectateur doit identifier celui règle leurs comptes à ces lyncheurs et son mobile. L'intrigue a beau être simple et la découverte du coupable facile, le résultat reste captivant.
 

Marguerite Roberts a adapté le roman de Ray Gaulden pour le studio Paramount et c'est le producteur Hal Wallis qui a monté le film en misant sur l'effet de surprise qu'il provoquerait chez les habitués du genre. Ici, il n'était pas question de chasser des indiens, convoyer un troupeau, arrêter des bandits, mais démasquer un criminel et savoir pour quelle raison il agissait de la sorte.

Bien entendu, le film n'échappe pas à certaines conventions : Van Morgan est tout de suite mis hors de cause dans la mesure où non seulement il a tenté d'empêcher le lynchage mais surtout parce qu'il a été assommé en intervenant. Toutefois, ça ne l'empêche pas de filer rapidement le lendemain car il sait qu'on ne fait jamais confiance à un joueur professionnel et qu'il serait donc un suspect idéal.

Plus tard, après une scène de fusillade assez démente, alors que le tension est à son comble et que des citoyens réclament la démission du shérif et tuent son adjoint qui tentait de les désarmer, Morgan et le révérend Rudd réussissent, ensemble, à ramener le calme dans les rues de Rincon. Le shérif, blessé dans l'affaire, le médecin suggère de nommer un remplaçant provisoire. 

Les regards se tournent vers Morgan qui refuse pour la même raison qui l'avait conduit à s'éloigner : personne n'admettra qu'un joueur comme lui incarne, même temporairement, l'autorité dans une ville. Et Rudd rappelle alors l'origine de cette méfiance en expliquant que, dans l'antiquité, on pariait déjà sur les habits du Christ.

L'autre personnage important, et tout aussi ambivalent que Morgan et Rudd, c'est Nick Evers, fils d'un riche propriétaire terrien local, et frère de la fille qui aime Morgan. Rudoyé par son père le jour où sa mère est morte, il n'attend que la mort de son géniteur pour se partager son héritage avec sa soeur. Et il ne montre aucun sentiment pour ses amis après leurs meurtres.

En revanche, son animosité envers Morgan et Little George, le barman qui était présent derrière son comptoir lors de la fameuse partie qui a dégénéré, en fait un individu détestable et un suspect encore plus marqué. N'éliminerait-il pas les témoins/complices du lynchage pour être sûr qu'ils ne le dénonceront pas ?

L'intrigue ménage aussi longtemps que possible cette piste avant que la vérité n'éclate d'abord aux yeux du spectateur puis de Morgan, grâce à un indice un peu facile mais néanmoins malin. Plus malin en tout cas que le fait d'avoir ajouté une romance avec Lily et Morgan, qui se comporte comme un goujat alors que jusque-là il embrassait Nora Evers dès qu'elle l'enlaçait...

La réalisation d'Hathaway témoigne d'un certain engourdissement de la part d'un cinéaste en fin de parcours, mais il s'appuie en revanche sur un excellent casting. Dean Martin joue habilement de son air blasé qui fait de lui une sorte de détective par défaut. Face à lui, Robert Mitchum enfile à nouveau l'habit d'un prédicateur peur orthodoxe (après La Nuit du Chasseur, Charles Laughton, 1955).

Dans un second rôle mémorable, Roddy McDowall incarne parfaitement Nick Evers. Inger Stevens apparaissait là pour une de ses dernières compositions dans le rôle de Lily et Katherine Justice complète le tableau dans celui de Nora. Si les deux filles ne font guère d'étincelles, en revanche on remarquera Yaphet Kotto, un jeune acteur noir qui allait devenir une figure connue (on l'a vu notamment dans Alien de Ridley Scott, 1979).

Comme je le disais plus haut, sans doute pas un grand western, mais tout de même un western singulier avec son intrigue policière.