lundi 13 octobre 2025

STEELYARD BLUES (Alan Myerson, 1973)


Jesse Valdini est un passionné de courses de stock-car et pour s'adonner à ce penchant, il n'hésite pas à voler des voitures pour participer à des rallyes. Cela l'a conduit trois fois en prison mais il n'est toujours pas calmé. Pourtant, cette fois, à sa sortie, son frère, Frank, l'attend : il est procureur et brigue un nouveau mandat. Pour cette raison, il tient à ce que Jesse ne le compromette pas en récidivant. Il lui trouve un boulot de nettoyeur dans un zoo et un appartement.


Jesse se tient à carreau un temps puis renoue avec sa bande d'amis : Iris Cane, son ex qui est devenue call-girl de luxe et qu'il interrompt alors qu'elle reçoit un client ; Eagle Thornberry, un illusionniste au chômage qui se fait passer pour fou et séjourne ainsi à l'asile quand il n'a plus d'endroit où dormir : le Kid, un jeune guitariste qui gagne sa vie dans une casse automobile ; et Duval Jacks, un mécanicien qui répare des épaves d'avions.


Alors que les élections approchent, Frank accentue la surveillance de Jesse, devinant qu'il prépare un nouveau coup puisqu'il a retrouvé sa bande. Il envoie la commission d'hygiène pour expulser Duval, refait interner Eagle, menace Iris de la prison si elle ne redevient pas sa maîtresse et laisse tomber Jesse. Ce dernier, écoeuré, quitte son job au zoo et va organiser le cambriolage d'une base militaire pour dérober une console de vol pour l'avion que répare Duval afin de partir le plus loin possible avec ses amis...


Dans la foulée du succès inattendu de Easy Rider (Dennis Hopper, 1969), les grands studios américains ont produit des longs métrages caressant la contre-culture dans le sens du poil afin de profiter du filon. Il s'agissait, cyniquement, de reproduire  ce qui avait marché dans ce que Hopper avait inventé : raconter des histoires de marginaux que le grand public prendrait en sympathie.


Si, en plus, cela pouvait être joué par des vedettes, c'était encore mieux dans la mesure où cela rassurait les financiers et les distributeurs. C'est ainsi que, un an après Klute d'Alan J. Pakula, la Warner mit en chantier Steelyard Blues avec le même couple d'acteurs, Donald Sutherland (qui co-produisait l'affaire) et Jane Fonda.


Sutherland et Fonda avaient eu une aventure intime sur le tournage de Klute et ne se firent pas prier pour collaborer à nouveau ensemble, même si, entre temps, chacun avait repris son indépendance. David S. Ward écrivit le script de ce drôle de polar et la réalisation fut confiée à Alan Myerson, dont ce sera le dernier long métrage de cinéma (avant de retourner usiner pour la télé, d'où il venait).


Steelyard Blues est un objet vraiment curieux, tant et si bien qu'après l'avoir vu, on ne saurait trop le définir, dire ce qu'on a vraiment vu et compris. L'histoire suit Jesse Valdini dont la grande passion est d'assister ou de participer à des courses automobiles pour le plaisir de froisser de la tôle - il s'est même juré de cabosser tous les modèles de voitures américaines construites entre les années 40 et 60 (!).

Jesse sort de prison une nouvelle fois, après avoir volé une caisse qu'il voulait conduire lors d'un de ces rallyes. Mais à sa sortie, il est attendu par son frère, Frank, qui est procureur et a abrégé sa peine. En échange de ce service, il attend que Jesse ne fasse pas de vagues désormais car il est en course pour être réélu. Il trouve un boulot et un appartement à Jesse pour arrondir encore plus les angles.

Sauf que ramasser les excréments des animaux d'un zoo et habiter dans un taudis n'a pas de quoi combler Jesse. Il renoue avec ses vieilles connaissances, dont Duval Jacks, un mécano de génie qui a entrepris de retaper un avion de ligne pour quitter le pays et trouver un territoire où on le laissera vivre à sa guise. Ce projet intrigue puis séduit Jesse qui décide de l'aider à le réaliser pour le partager avec sa bande.

Si Steelyard Blues s'était contenté de raconter cela de manière simple et classique, ça aurait sûrement donné un produit sympa, efficace. Mais Myerson filme ce récit comme un pastiche des films inspirés de Easy Rider. Il tourne en laissant les acteurs improviser, et Ward est présent sur le plateau pour corriger les dialogues en fonction de ces libertés prises avec le récit.

Par ailleurs, pour renforcer cet aspect "pris sur le vif", Myerson saisit des scènes où acteurs professionnels et figurants se mélangent (sans qu'on comprenne ce que cela apporte à l'histoire), filme sans autorisation en ville la nuit (notamment une longue poursuite entre Sutherland et Fonda qui cherche à le semer). Le résultat est étonnant, pas toujours concluant, mais avec un esprit désinvolte.

Le problème, c'est que, même si le film n'est pas très long (avec un pitch aussi maigre, difficile de trouver de la matière), le rythme est tellement inégal que l'ensemble traîne franchement la patte. Tous ces personnages se croisent sans vraiment échanger quelque chose de substantiel, parfois la violence s'invite de manière grotesque (le passage à tabac de Jesse par Frank et deux flics dans une cellule)...

Le dernier acte du film vire au grand n'importe quoi avec le vol d'une console d'avion dans une base militaire par une dizaine d'individus rassemblés par Jesse. Déjà chacun de ces cambrioleurs est affublé d'une tenue qui se repère à des km (sauf par les gardes de la base), ensuite le casse lui-même est affreusement laborieux, et le dénouement ne voit même pas l'avion décoller !

Bref, les limites du dispositif absorbent tout le reste et les héros passent pour de gentils baltringues mais plus vraiment des rebelles anti système. Ce sont plutôt des pieds nickelés que les persécutions de Frank soudent, et leur aventure se solde par une fuite mais hors champ, dans un geste simili western (tous à cheval sur une piste de décollage, essuyant les tirs nourris des policiers).

Donald Sutherland donne un côté irrésistiblement facétieux à Jesse, moins voyou que farceur, grand gamin immature qui veut faire emmerder son connard de frangin adulte, friqué, responsable. Jane Fonda reprend son rôle de pute (comme dans Klute) mais cette fois sans la paranoïa, suivant son amant brigand insupportable. Peter Boyle enchaîne les déguisements les plus saugrenus et imite même, de façon désopilante, Marlon Brando dans une scène. John Savage ne dit et fait presque rien à part gratter sa guitare.

Cet ersatz de film de contrebande possède un certain charme, mais il lui manque une véritable insolence et surtout une narration distincte pour dire quelque chose de son époque, de ses anti héros. 

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