La magnifique affiche peinte par l'immense Robert McGinnis.
Dans un lointain futur, l'aventurière de l'espace Barbarella est chargée par le président de la Terre de retrouver le savant Duran Duran qui se trouverait dans le système planétaire de Tau Céti. Duran Duran a inventé une arme, le rayon positronique, qui pourrait menacer l'ordre galactique par sa puissance. Barbarella se met en route à bord de son astronef qui est pris dans un orage magnétique et se crashe sur la 16ème planète de Tau Céti. Elle est capturée par des enfants qui l'emmènent dans l'épave d'un vaisseau spatial où ils la torturent avec des poupées mécaniques aux dents acérées comme des rasoirs.
Barbarella est heureusement sauvée par Mark Hand, qui patrouille sur les terres givrées de ce monde pour arrêter des enfants psychopathes. Lorsqu'elle évoque Duran Duran, il lui répond qu'il doit se trouver dans la cité de Sogo et accepte de l'y emmener une fois que l'astronef de la jeune femme sera réparé. Pour le remercier, elle accède à sa demande de faire l'amour avec lui, même si elle ne connaît plus le rapport physique puisque sur Terre on atteint désormais le plaisir charnel par la consommation de pilules.
Son engin remis en état de fonctionnement, Barbarella s'envole mais perd à nouveau le contrôle de son astronef et se crashe dans un labyrinthe souterrain où sont reclus les parias bannis de Sogo. Elle y fait la connaissance de Pygar, un ange aveugle qui a perdu la volonté de voler et qui lui présente le Professeur Ping. Celui-ci pense être en mesure de retaper l'astronef pendant que Barbarella couche avec Pygar et lui redonne l'envie de voler. Ensemble ils se rendent à Sogo où mille dangers les attendent...
Barbarella a été l'objet de vives critiques en France à sa sortie et de moqueries par la suite pour son esthétique kitsch. Aujourd'hui pourtant il est devenu un film culte, surtout en Angleterre et aux Etats-Unis au point qu'un remake va voir le jour avec dans le rôle titre Sydney Sweeney et certainement Edgar Wright à la réalisation.
Pour ma part, c'est en le voyant que je suis tombé littéralement et définitivement amoureux de Jane Fonda qui, je le répète, est la plus belle femme du monde de tous temps. En 1968, la fille de Henry et la soeur de Peter n'est pas encore une star mais elle s'est faite remarquer ici et là, et notamment en France dans Les Félins (René Clément, 1964).
Un an plus tard, en 1965, elle épouse Roger Vadim qui va en faire sa nouvelle muse (après Brigitte Bardot et Catherine Deneuve) et la diriger dans quatre longs métrages. Barbarella sera leur dernier effort commun et ils divorceront en 1973 après que Vadim ait un peu trop abusé des parties fines auxquelles il faisait participer sa femme.
Vadim est considéré comme un cinéaste scandaleux depuis Et Dieu créa la femme et il entretient cette réputation sulfureuse dans sa filmographie. Quand le producteur italien Dino de Laurentiis le contacte pour adapter la bande dessinée de Jean-Claude Forest, Barbarella, il mise donc là-dessus bien qu'il veuille que le résultat soit visible par toute la famille.
La même année, de Laurentiis a mis en boîte Danger : Diabolik ! et une partie de l'équipe du film de Mario Bava oeuvrera à la réalisation de Barbarella. Mais ici, Forest est investi en qualité de consultant et a donc son mot à dire sur la production. Comme il avait dessiné son héroïne en pensant à Brigitte Bardot, le projet lui est soumis mais elle refuse.
De Laurentiis pense alors à Sophia Loren, sans succès. Puis à Virna Lisi (qu'il avait déjà envisagé pour Danger : Diabolik !), en vain. Naturellement, Vadim propose Jane Fonda qui se montre aussi réticente, à cause de l'érotisme de la BD et de sa maîtrise du français. Mais elle sera Barbarella et le film sera une ode à sa beauté mais aussi à l'intelligence de son interprétation.
Le script initial est signé Terry Southern, à qui l'on doit celui de Dr. Folamour (Stanley Kubrick, 1964). Toutefois, il sera considérablement remanié et la légende veut que pas moins de quatorze scénaristes se soient employés à en rédiger la version finale. Le résultat aurait pu virer au grand n'importe quoi, et pourtant il tient étonnamment bien debout.
Barbarella au cinéma, c'est une comédie d'aventures fantastique tout à fait irrésistible et entraînante. Le rythme, qui n'a pas toujours été le point fort du cinéma de Vadim, est alerte, les péripéties se succèdent sans temps mort et, avec le recul, visuellement, l'ensemble a vieilli, notamment pour les effets spéciaux, il s'en dégage un charme absolu.
Comme pour Danger : Diabolik !, Barbarella est le fruit de son époque : on nage en plein psychédélisme et la libération des moeurs transpire par tous les pores de cette histoire. Les néo-féministes d'aujourd'hui trouveraient certainement cela affreusement machiste avec cette manie de dénuder sans cesse notre héroïne par tous les moyens possibles et imaginables, y compris les plus sadiques, mais le film a une sorte de candeur rafraîchissante.
Jane Fonda l'a très bien résumé : elle a joué le personnage comme une jeune femme innocente et libérée à la fois. Ce n'est pas une fille facile, elle est issue d'une civilisation où les rapports physiques a été remplacé par une consommation de pilules déclenchant un plaisir factice et son apprentissage passe par l'expérience sexuelle originelle. Si elle fait l'amour, c'est parce qu'elle le teste d'abord et l'apprécie tellement ensuite qu'elle le fait essayer à ses autres partenaires.
Le sexe est donc vue comme une libération, une émancipation. Mieux : comme un moyen de réveiller la volonté, comme dans le cas de Pygar, l'ange aveugle et désenchanté qui a renoncé à voler. L'intrigue joue énormément, mais sans perversité, sur cette idée, avec la ville de Sogo (c'est-à-dire la contraction sibylline de Sodome et Gomorrhe), la machine excessive, la chambre des fantasmes, etc.
Barbarella traverse ces endroits comme autant de rites initiatiques et surtout elle y évolue avec innocence là où les habitants de Sogo se sont abandonnés à une sorte de langueur désabusée face au plaisir. Sogo est bâtie sur la Matmos, une source d'énergie de forme liquide qui est alimentée par les pensées maléfiques. Barbarella, créature pure, est la seule à lui résister et même, in fine, à le faire se retourner contre l'esprit le plus mauvais, le plus corrompu de Sogo.
Au cours de son aventure mouvementée, Barbarella progresse par rencontres : d'abord avec Mark Hand, qui lui fait donc découvrir l'amour physique, puis Pygar, l'ange aveugle, puis le Professeur Ping, puis le concierge alias Duran Duran (dont le nom a inspiré le groupe pop des 80's), puis Dildano le rebelle, et enfin la Reine Noire.
Chacun a sa manière instruit Barbarella qui, en retour, les libère, leur permet de recouvrer leur liberté, même si quelques-uns périront lors de la révolte des bannis du labyrinthe contre Sogo. Le film est souvent drôle parce que, c'est vrai, un peu ridicule, grotesque, daté, mais aussi parce qu'il est vraiment divertissant, épique, bondissant, sensuel. J'insiste là-dessus parce que c'est ce qui emporte l'adhésion du spectateur.
Il sera intéressant de voir ce que donnera son remake, à quel point il se détachera du film de 68, s'il bénéficiera de plus de moyens (ce qui paraît assuré) tout en conservant cette fraîcheur, cet aspect rigolo, qui est l'essence de la BD de Forest. Il faudra aussi qu'il ait une esthétique rétro car rien ne serait pire que de vouloir l'actualiser, le moderniser, surtout pour tendre vers une Barbarella woke et donc fade. Sydney Sweeney et Edgar Wright peuvent réussir ça.
Mais en attendant, Barbarella restera toujours Jane Fonda, absolument magnifique et tellement formidable dans ce délicat exercice de comédie (elle joue très premier degré et c'est parfait). Les seconds rôles sont épatants, on sent que les comédiens se sont amusés : Ugo Tognazzi est notamment impayable, John Phillip Law est superbe, Marcel Marceau touchant, Milo O'Shea campe un Duran Duran grandiloquent à souhait, David Hemmings est hilarant en révolutionnaire maladroit, et Anita Pallenberg (la fiancée du Rolling Stones Brian Jones) est superbe en Reine Noire.
Il faut encore mentionner les costumes inspirés par Paco Rabane, alors grand chantre de la mode futuriste, et conçus par Jacques Fonteray et Sartoria Faroni. Et on n'oubliera jamais l'intérieur de l'astronef de Barbarella, avec sa moquette mordorée et ses reproductions murales de Seurat : voir Jane Fonda flotter et se déshabiller jusqu'à être complètement nue (mais subtilement préservée par les crédits qui s'affichent) est un spectacle absolument divin lors du générique.
Fantasmatique et vintage, Barbarella est un temple à la gloire de Jane Fonda. Rien que pour ça, merci Roger Vadim.







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