L'inspecteur de police Ginko supervise le transport de 10 M $ depuis une banque. Pour empêcher le voleur Diabolik de mettre la main sur ce pactole, il a imaginé une ruse : un fourgon achemine non pas la somme mais du papier tandis que le véritable butin est véhiculé dans une Rolls Royce où l'inspecteur et ses hommes se trouvent. Pourtant, alors qu'ils passent par les docks, ils sont piégés par Diabolik qui les attire hors de la voiture pour mieux s'emparer de celle-ci. Il rejoint ensuite avec sa complice et amante Eva Kant sa base souterraine où ils font l'amour sur un lit recouvert de billets de banque.
Le ministre de l'intérieur donne une conférence de presse au sujet de cette opération mais Diabolik et Eva, se faisant passer pour des journalistes, le ridiculise en libérant un gaz hilarant. Ginko obtient alors carte blanche pour arrêter le voleur et commence par s'attaquer aux affaires de la pègre dirigée par Ralph Valmont. Ce dernier négocie sa tranquillité contre la promesse de lui livrer Diabolik. A ce moment-là, le voleur regarde un reportage sur le célèbre collier d'émeraudes Aksand et entreprend de le dérober pour l'offrir à Eva à l'occasion de son anniversaire.
Malgré le dispositif de sécurité mis en place par Ginko, qui espère que la publicité faite autour de ce bijou va attirer Diabolik dans un guêpier, le criminel réussit à s'emparer du collier et à s'enfuir une nouvelle fois. Mais, alors qu'elle effectuait des repérages pour ce braquage, Eva a été identifiée et elle est enlevée peu après par les hommes de Valmont, qui dispose alors d'un moyen de pression sur Diabolik. Celui-ci accepte de payer une rançon exorbitante et de restituer les émeraudes contre sa compagne...
C'est en lisant un article sur la réédition en 4K UHD de Danger : Diabolik ! que j'ai eu envie de découvrir ce film culte adapté du fumetti créé par les soeurs Angela et Luciana Giussani dans les années 60. Il est sorti un an après On ne vit que deux fois, le pire James Bond de l'ère Sean Connery, et c'est tout sauf un hasard...
Le producteur Dino de Laurentiis espère depuis un moment monter une franchise aussi rentable que les longs métrages tirés des romans de Ian Fleming et il jette son dévolu sur la bande dessinée des soeurs Giussani. Il veut en faire un divertissement familial alors que Diabolik avait maille à partir avec la censure.
Nous sommes alors en 1965 et de Laurentiis engage le réalisateur anglais Seth Holt pour diriger le projet en compagnie d'une horde de scénaristes (une véritable writer's room avant l'heure). Holt a des idées ambitieuses pour le casting : il veut Jean Sorel ou Alain Delon pour incarner Diabolik et Elsa Martinelli ou Virna Lisi pour jouer Eva Kant. Pour leur adversaire, il désire George Raft.
Mais de Laurentiis, bien qu'immensément riche, est une vrai pince et tous ces noms sont trop chers. Le projet piétine, et le producteur vire Holt et presque tous les scénaristes qui planchaient avec lui sur l'adaptation. A la place il fait appel à Mario Bava, réputé pour son respect des budgets et son formalisme inventif. Le cinéaste embarque avec lui de nouveaux auteurs.
Toutefois Bava va lui aussi se heurter à de Laurentiis car il envisage Diabolik comme une adaptation fidèle aux fumetti originel, un film noir, sexy, sans happy end (le criminel meurt à la fin). L'opposé de ce que souhaite le producteur qui veut lancer une franchise de plusieurs longs métrages pour un public familial.
Bava obtient gain de cause pour recruter John Phillip Law dans le rôle principal - et pour cause l'acteur vient de tourner dans Barbarella de Roger Vadim, produit par... De Laurentiis. Pour Eva Kant, il jette son dévolu sur Catherine Deneuve et lui fait passer des essais avec Law. Mais l'absence d'alchimie entre eux le navre et la française est éjectée. Bava pense alors à Marilu Tolo, avant de Laurentiis n'impose Marisa Mell.
Le budget est de 200 millions de lires, ce qui paraît énorme mais qui équivaut à 3 M d'Euros, ce qui est donc très modeste. Pourtant Bava n'en dépensera qu'un sixième et Laurentiis proposera au réalisateur de tourner une suite avec l'argent non dépensé. Sauf que le tournage et le montage vont très mal se passer, Bava et de Laurentiis achèvent la production fâchés.
Le résultat est pourtant loin d'être inintéressant. L'intrigue est conçue comme une succession d'épisodes dans une série de BD, avec plusieurs casses audacieux commis par Diabolik et les efforts de la pègre et de police pour le coincer, jusqu'à un final délirant. Ce n'est effectivement pas aussi sombre qu'espéré par Bava, mais comme film d'aventures, ce n'est pas si mal.
Là où ça pèche vraiment, c'est au sujet de la caractérisation. Dans les fumetti, Diabolik est un véritable criminel, violent, sadique, et qui inspirera des copies encore plus outrancières (comme Kriminal). Dans le film, il tue quelques flics, mais au fond ce n'est pas un mauvais bougre, il s'amuse même à libérer du gaz hilarant pour humilier le ministre de l'intérieur quand il annonce le rétablissement de la peine de mort pour dissuader d'éventuels admirateurs de Diabolik.
Ce dernier commet ses braquages essentiellement pour le défi que cela représente et pour faire plaisir à Eva Kant, qui paraît autant aimer son compagnon pour son charme que pour ce qu'il lui offre. Toute la dimension criminelle et violente de Diabolik a été supprimée pour ne pas choquer, comme dans les comics des soeurs Giussani qui avaient rendu leur anti-héros moins agressif pour ne pas être censuré.
C'est dommage, mais toutefois on obtient un divertissement plaisant, bien rythmé, et surtout formidablement filmé. Evidemment, les effets spéciaux provoquent des ricanements, ça a terriblement mal vieilli (peut-être encore plus mal que pour Barbarella), et les poses de Diabolik font penser à OSS 117 version Jean Dujardin, avec un maquillage qui plus est gratiné.
Mais Bava a un talent visuel indéniable et qui a inspiré beaucoup de ses successeurs (comme Dario Argento). Ses angles de vue privilégient plongées et contre-plongées agressives, les couleurs pètent, et la musique de Ennio Morricone participe aussi de ce look space age, avec des décors très design.
Pour cela, Danger : Diabolik ! surpasse, avec des bouts de ficelle, l'esthétique James Bond, pourtant plus généreusement financée, avec des fulgurances graphiques plus radicales, poussant l'art de la vignette psychédélique jusqu'à la limite de l'expérimental. Ici, tout est too much, plus sexuel, plus arty, plus pop, plus cuir, plus bizarre, et on peut rêver jusqu'où Bava aurait pu aller en ayant les mains libres.
Le casting est à l'image de ce génie foutraque. John Phillip Law et Marisa Mell ne sont pas ici dirigés comme des acteurs (lui affiche un registre limité, et elle sait à peine jouer), mais comme des icones. Ce qui importe, c'est la ressemblance, quasi fétichiste, avec les personnages de la BD, et c'est bluffant. Evidemment, avec Delon et Deneuve, ç'aurait été encore plus spectaculaire, mais c'est déjà bien.
La présence de Michel Piccoli en flic à la fois obsédé et admiratif (il admet que, lorsque Diabolik est retrouvé - apparemment - mort, il regrette qu'il n'ait pas eu droit à une fin plus glorieuse) suffit à rendre le film encore plus décalé. Tout comme le fait d'avoir Adolfo Celi (le méchant de Opération Tonnerre, un autre James Bond) dans la peau de Valmont.
Danger : Diabolik ! n'est donc pas complètement abouti, c'est un mix bancal entre le rêve de de Laurentiis (qui verra son projet de franchise tombé à l'eau puisque le film remboursera à peine son budget) et le cauchemar de Bava. Mais c'est une vraie pépite 60's, qui a d'ailleurs eu droit à une version plus récente (en 2022 et sa suite en 2023).







 
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