4 Novembre 1968, Beverly Hills. Richard Nixon sera élu Président des Etats-Unis dans 24 heures, mais George Roundy, coiffeur à succès, a la tête ailleurs. Il couche avec Felicia, une des clientes du salon où il travaille, lorsque leurs ébats sont interrompus par un appel téléphonique de Jill, une autre des maîtresses du jeune homme, en panique car elle pense qu'un intrus s'est introduit chez elle. George part aussitôt la réconforter sans qu'elle sache d'où il vient, pensant être son unique amante.
La profession et le charme de George lui valent de collectionner ainsi les aventures mais, malgré ça, il est insatisfait car il aimerait monter sa propre affaire et les banques refusent de lui accorder un prêt. Felicia, pour l'avoir tout à elle, lui présente son mari, Lester, collecteur de fonds pour le Parti Républicain. Or il se trouve que Lester a aussi une maîtresse, Jackie, avec qui George a une liaison la plus sérieuse de son existence.
Le soir des résultats de l'élection, Lester demande à George d'escorter Jackie et le voilà qui se retrouve dans la même pièce que Felicia mais aussi Jill, venue en compagnie d'un cinéaste, Johnny Pope, qui veut la faire tourner dans son prochain film. Lors de cette nuit-là, George va devoir ménager ses trois maîtresses, choisir celle qu'il aime vraiment, sans être certain d'éviter le pire...
Hal Ashby était un cinéaste qui a débuté comme monteur (on lui doit le montage, virtuose, de L'Affaire Thomas Crow, de Norman Jewison, 1968, avec ces fameux split-screens). En 1971, son second opus, Harold et Maude, connaît un succès mondial. Deux ans plus tard, rebelote avec La Dernière Corvée. Et en 75 donc, il signe le coup du chapeau avec Shampoo.
Mais Shampoo n'est pas un projet qu'il initie : c'est Warren Beatty, alors au firmament de sa gloire, au moins autant pour ses films que pour ses innombrables conquêtes féminines, qui lui propose de réaliser le script qu'il a co-écrit avec Robert Towne (l'auteur de Chinatown, de Roman Polanski, 1974). Ashby y lit, à juste titre, un autoportrait parodique de la star.
En effet, George Roundy, c'est Beatty, un queutard invétéré, en quête de respectabilité mais qui est incapable de contenir son appétit pour les femmes. Comme il l'explique lui-même à Lester (avec la femme et la fille duquel il couche), quand il voit une belle fille, cela illumine sa journée, et il ne peut littéralement pas s'empêcher d'avoir envie de lui faire l'amour.
Mais George est comme aveuglé par toutes les femmes qu'il croise : ses clientes au salon de coiffure lui tournent la tête, même quand il marche dans la rue il ne peut s'empêcher de regarder les passantes. Et, ce faisant, le monde pour lui se cantonne à cela - c'est l'équivalent de L'Homme qui aimait les femmes, mais tourné deux ans avant le film de François Truffaut. Et plus encore : c'est l'homme qui voulait baiser toutes les femmes. Avec amour.
Quand Shampoo démarre, on est à la veille de la première élection de Nixon, en 1968, mais cela George ne le considère même pas. Ashby établit pourtant une comparaison sibylline entre son héros et le futur nouveau locataire de la Maison-Blanche alors : tous deux sont des menteurs, des manipulateurs, et tous deux connaîtront l'échec, la disgrâce.
Mais alors d'où vient que Shampoo ne convainc pas vraiment ? En fait Ashby avait certainement en tête un film différent de celui de Beatty : pour ce dernier, il s'agissait presque d'une confession sur ce qu'on pensait qu'il était et ce qu'il était effectivement, tandis que pour le cinéaste, c'était certes ça aussi, mais surtout le moyen de dresser un parallèle entre la vie d'un obsédé du sexe et d'un obsédé du pouvoir (Nixon).
Ce qui est troublant, c'est que Ashby comme Beatty étaient des partisans du Parti Démocrate, ils haïssaient Nixon, et furent même proches des socialistes, voire des communistes. Mais ils n'ont pas su se répondre au moment de collaborer. Beatty voulait un divertissement cruel. Ashby une satire sociale. Et tout ce qui manque au film se situe dans ce fossé entre ces deux ambitions.
Ainsi Shampoo n'est jamais aussi drôle qu'on l'espère, jamais aussi méchant qu'on peut s'y attendre, jamais aussi métaphorique que nécessaire. La seule fois où le film est sur le point d'atteindre son pic, c'est à la toute fin, dans une scène pathétique et poignante à la fois, où George se rend compte qu'il a complètement raté le coche avec la seule femme qu'il aimait vraiment.
Ce n'est pas mauvais cependant, et il y a des moments épatants, notamment quand George, lors de la soirée des résultats de l'élection, découvre que toutes ses plus fidèles maîtresses sont au même endroit et qu'elles comprennent qu'elles se le partagent. Mais là encore, ça se résume à une sorte de vaudeville. Et quand Lester, à son tour, saisit la situation, sa réaction est curieusement indulgente.
Il y a des films comme ça qui ont tout sur le papier pour être de vraies pépites, mais qui restent trop à la surface des choses pour vraiment vous embarquer, vous faire rire aux éclats, vous émouvoir. Le personnage de George est au fond un homme-enfant trop perdu dans ses désirs pour anticiper ses échecs et ne pas blesser celles qu'il aime.
Jill est comme sa petite soeur, Jackie comme la femme qui pourrait l'équilibrer, Felicia comme une mère, Lorna (la fille de Felicia) comme la gamine qu'il débarrasse de sa virginité et soulage de sa jalousie envers sa mère. Et on sent bien que ce sont elles qui intéressent le plus Ashby, elles qui ont le plus de profondeur, de vérité.
Warren Beatty est un acteur tout à fait singulier : il n'est pas extraordinaire mais sa sincérité et son absence de cynisme font qu'on croit à ce qu'il joue. Goldie Hawn (Jill) est absolument craquante. Julie Christie (Jackie - elle était la compagne de Beatty à l'époque) est magnifique. Lee Grant (Felicia) est superbe. Et Carrie Fisher (Lorna) est tout à fait sidérante. Quant à Jack Warden, il campe l'arroseur arrosé avec brio.
Il manque un je-ne-sais-quoi à Shampoo mais en même temps c'est aussi ce qui lui fait défaut qui le rend mémorable et si spécial. Comme beaucoup de films de cette époque.
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