mercredi 31 juillet 2024

COLOSSAL (Nacho Vigalondo, 2017)


Gloria était chroniqueuse dans un journal quand, sous l'emprise de l'alcool, elle s'est moquée d'une personnalité et a été renvoyée. Son compagnon, Tim, la met également à la porte, la jugeant "ingérable". Elle retourne à Mainhead dans le New Hampshire où elle a grandi pour habiter la maison de ses défunts parents. Elle croise peur après son arrivée Oscar, un ami d'enfance, qui tient un bar et lui offre un poste de serveuse.


Mais évidemment le job ne fait qu'aggraver l'a dépendance à la boisson de Gloria, surtout qu'elle lève le coude en compagnie d'Oscar et de ses deux meilleurs potes, Garth et Joel, jusqu'au petit matin. Elle se réveille avec la gueule de bois dans le parc municipal à l'heure où les enfants vont à l'école, puis rentre chez elle. Au JT, on parle de l'apparition d'un monstre gigantesque à Séoul qui a causé d'énormes dégâts à 1 h. du matin heure locale.


En observant la gestuelle du monstre, Gloria remarque qu'il a le même tic qu'elle qui se gratte le haut du crâne quand elle est soucieuse. Se pourrait-il qu'il existe un lien entre ce qu'elle a fait ivre morte et ce qu'a fait le monstre ? Pour s'en assurer, elle partage ces interrogations avec Oscar, Garth et Joel qu'elle demande de l'accompagner au parc à 8 h du matin le lendemain. Le monstre réapparait à Séoul...


Ai-je besoin d'aller plus loin dans ce résumé ? Vous l'aurez deviné : oui, le monstre de Séoul est une manifestation des démons intérieurs de Gloria. C'est farfelu et d'ailleurs le seul reproche qu'on peut adresser à l'histoire écrite par Nacho Vigalondo est de consacrer une séquence à expliquer l'origine de la création de ce monstre 25 ans avant l'action. Mais ce n'est pas suffisant pour éclipser les autres qualités du film.


Rembobinons : Colossal n'est jamais sorti en salles chez nous, il a été commercialisé directement en VOD et en DVD, car il a fait un bide retentissant sur le sol américain (malgré un budget limité d'une quinzaine de millions de dollars, il n'en a rapporté que quatre). Mais est-ce si étonnant ? Le grand public n'a pu être que désarçonner par cet objet qui refuse de choisir un genre.


Mettons que vous soyez un fan de Godzilla (auquel on pense forcément avec son kaiju et son mech - car oui, il y a aussi un robot géant), et que vous espérez un grand spectacle destructeur à la Pacific Rim, vous serez frustrés. Si vous êtes fan des rom-com (dont Anne Hathaway est en quelque sorte la reine), pareil, vous vous demanderez ce que des monstres géants viennent faire là-dedans.


Et si le début du film, avec son héroïne alcoolique qui a la mauvaise idée d'accepter une place de serveuse dans un bar, vous fait croire qu'il s'agit d'un drame su un sujet de société, vous serez encore plus largués. Mais en revanche, si vous aimez vous aventurer en terre inconnue, ne pas savoir où une histoire vous entraîne, voir un cinéaste agiter ses idées dans un shaker, alors Colossal va vous combler.

Le postulat du film est donc simple et loufoque à souhait : que se passerait-il si nos démons intérieurs se matérialisaient à l'autre bout du monde sous la forme d'une créature gigantesque et dangereuse pour d'innocents civils ? C'est donc ce qui arrive à Gloria, qui a un sérieux problème avec la bouteille puisque ça lui a déjà coûté son boulot, son boyfriend et son appartement. Mais le pire, c'est que, au début du moins, c'est affreusement drôle, comme un sketch absurde du Saturday Night Live, et ensuite que ce n'est justement que le début des emmerdes pour Gloria.

Car qu'est-ce qui peut arriver de pire à une fille alcoolique que de renouer avec un ami d'enfance qui s'avère un sale con aigri et méchant ? Oscar est ce type : porté de bons services au départ, puis jaloux du fait que Gloria a réussi à échapper à Mainhead et à avoir une vie à elle (avec un copain, un bel appartement, une carrière de journaliste), et surtout qui a l'alcool mauvais. Au point de faire du chantage à Gloria en menaçant de s'en prendre à d'innocents coréens à l'autre bout du monde.

Le ressort du scénario, ce n'est pas l'amour déçu d'Oscar pour Gloria : en vérité, il n'a jamais été amoureux d'elle et on peut imaginer que Vigalondo s'amuse avec les rom-com de Hathaway en détournant les clichés du prétendant éconduit. Non, il est surtout seul et triste, mais une tristesse et une solitude amères, qui lui donnent envie de faire du mal à Gloria, sans se soucier des conséquences.

Avant le twist final et la solution toute bête mais pour le coup vraiment spectaculaire que trouve Gloria, le film vagabonde entre cet argument délirant, des situations qui dégénèrent crescendo et des personnages caractérisés finement. Le premier acte est très marrant et farfelu, puis l'ambiance devient plus trouble avec le double robotique d'Oscar, avant de virer carrément au règlement de comptes dérangeant du troisième acte. En le revoyant, la structure du film apparaît clairement mais ce n'est pas gênant car Vigalondo déploie son propos avec beaucoup de maîtrise.

Tant, faut-il croire, que la célèbre société Toho, qui détient les droits de Godzilla, a voulu traîné la production en justice pour plagiat avant qu'un arrangement soit trouvé. On peut supposé que c'est la raison pour laquelle le monstre ne ressemble pas au fameux reptile atomique et que, d'ailleurs, le réalisateur n'a pas procédé traditionnellement en confiant à une équipe chargée des effets spéciaux la création du monstre mais plutôt en filmant Anne Hathaway et Jason Sudeikis bardés de capteurs afin que leurs doubles géants reproduisent exactement leurs gestes (et même leurs mimiques pour le monstre). Le résultat est peut-être moins dynamique mais tellement plus sensible tandis que les scènes qui montrent l'action en parallèle à Mainhead et à Séoul ont une intensité absurde géniale.

Je les ai déjà cités à plusieurs reprises mais les acteurs sont également magistraux. Anne Hathaway... Comment dire ?... Bon, je ne peux guère cacher que j'ai ce qu'on appelle un crush pour elle depuis longtemps. Pour moi, si le monde tournait rond, ce serait une star mondiale, elle aurait tous les scénarios du haut de la liste en priorité : je veux dire, regardez cette femme, elle est superbe, elle joue magnifiquement, avec ce subtil décalage où tous les films d'Anne Hathaway sont littéralement des Anne Hathaway movies. Elle imprime son style, quel que soit le film. C'est une voleuse se scènes redoutable parce qu'elle le fait sans qu'on s'en aperçoive. Elle est sublime ici, déglinguée, super jolie dans cette déglingue, rageuse. Anne Hathaway, quoi !

Et Vigalondo a eu cette idée épatante de confier le rôle d'Oscar au comédien le plus inattendu pour ça : Jason Sudeikis ! Ted Lasso ! Bon, OK, c'était avant Ted Lasso, mais qu'importe, Sudeikis est désormais pour la postérité Ted Lasso, le summum du good guy. Alors le voir camper ce sale mec, c'est brillant parce que, bien sûr, on n'y croit pas pour commencer. Ted Lasso ne peut pas être méchant, avoir l'alcool mauvais, frapper une femme, humilier ses potes. Impossible ! Sauf que Sudeikis fait passer le côté menaçant, dangereux de son personnage sans forcer le trait : c'est précisément parce qu'il a l'air su sympa qu'il est si détestable quand le masque tombe. Et il est vraiment, mais vraiment haïssable !

Dave Stevens, Austin Stowell et Tim Blake Nelson font un peu de la figuration entre ces deux-là, mais c'est aussi une forme d'humilité chez des seconds rôles de laisser deux champions marquer les buts. Eux, ce sont les passeurs et ils servent du caviar.

Colossal est un de mes films bizarres préférés. Soyez aventureux, je vous garantis que ça ne ressemble à rien que vous ayez déjà vu !

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