mardi 23 juillet 2024

DON JON (Joseph Gordon-Levitt, 2013)


Jon Martello, jeune barman italo-américain résidant dans le New Jersey, mène sa vie de façon très ordonnée : il s'entretient physiquement à la salle de sports, veille à l'état impeccable de sa voiture et des appartement, fréquente régulièrement l'église avec sa famille (sa soeur Monica, ses parents, Jon Sr. et Angela) et se confesse à chaque fois qu'il y va, et multiplie les aventures d'un soir avec des clientes.
  

Mais son vrai plaisir, il le trouve dans des vidéos pornographiques devant lesquelles il se masturbe compulsivement. Jusqu'à ce que, un soir qu'il est de sortie avec ses deux meilleurs amis en boîte, il repère Barbara Sugarman, une plantureuse blonde dont il tombe fou amoureux dès les premier regard. Malgré un flirt poussé, elle refuse de se donner à lui tout de suite mais accepte de le revoir en exigeant qu'il la séduise patiemment et qu'il soit toujours honnête avec elle.


Jon est prêt à tout pour Barbara : il s'inscrit au cours du soir dans un collège communautaire pour décrocher un diplôme qui lui vaudra un meilleur job et il accepte même d'aller avec elle au cinéma pour voir les comédies romantiques dont elle raffole. Ils se présentent à leurs familles et amis respectifs, et enfin couchent ensemble. Mais Jon n'est pas satisfait et se fait prendre en train de mater du porno par sa belle.
 

Il réussit à la calmer. Mais à la même époque, au cours du soir, il fait la connaissance d'Esther, une femme plus âgée que lui, qui l'agace d'abord puis le trouble par la facilité avec laquelle elle le pousse à se confier sur son addiction et à réfléchir sur son couple...


Originellement intitulé Don Jon's Addiction, mais remonté par son réalisateur-scénariste-acteur pour éviter d'être classé par la commission de censure américaine comme un un film pornographique, le premier (et seul à ce jour) effort derrière la caméra de Joseph Gordon-Levitt est un objet très curieux, à la fois audacieux et timoré, osé et frileux.


Peu de longs métrages se sont intéressés de manière aussi directe à l'addiction au porno que Don Jon : pour cela, on peut reconnaître à Gordon-Levitt un vrai culot. Il ne s'est pas écrit un rôle facile ni flatteur, lui qui est un beau gosse ici transformé en adepte de la gonflette, vulgaire comme un dragueur horriblement misogyne, ayant grandi dans l'ombre d'un père macho et d'une mère espérant qu'il lui donnera des petits-enfants.
 

Jon Martello est un obsédé sexuel, qui se paluche devant du porno à une fréquence pathologique et qui couche avec des filles faciles (mais qui sont toutes dimensionnées comme des top models de chez Victoria's Secret). Evidemment, le véritable amour lui saute à la figure quand il remarque Barbara Sugarman, une blonde plantureuse dont le nom fait penser irrésistiblement à une star du X.

Seulement voilà, la demoiselle le chauffe à mort sans se donner à lui. Pour ne rien arranger, elle est folle des comédies romantiques mais déteste qu'un homme fasse le ménage parce que ce n'est pas viril. C'est une sorte de combinaison démoniaque entre une bombe sexuelle et une emmerdeuse de première. Et ne comptez pas sur le film pour vous surprendre : c'est exactement ce qu'elle est. Dans la seule vraie scène accordée à Monica, la soeur de Jon, éternellement rivée à son téléphone portable, elle lui assène ce que le spectateur sait déjà depuis 1h. 30 : Barbara ne cherche pas un amant, elle cherche un homme qu'elle tiendra en laisse après l'avoir ensorcelé avec ses charmes.

Donc, Jon Martello est quand même un type assez stupide pour endurer ça pendant la moitié du film. Il est aussi complètement abruti à force de se branler comme un possédé sans reconnaître qu'il est addict mais en admettant qu'il s'adonne à cette manie parce qu'il n'arrive pas à s'abandonner au lit avec une femme. Que va faire Joseph Gordon-Levitt avec cette tête de noeud ? Lui offrir une fille attachante ou sexy ? Ou, mieux, une histoire plus intéressante ?

Heureusement pour nous, dans la seconde partie de Don Jon, le héros fait la connaissance d'Esther qui ne se remet pas d'un énorme chagrin (une ficelle un peu trop grosse mais avec laquelle on sera indulgent puisque rien n'est de toute façon subtil ici). Elle l'a surpris en train de matin du X sur son téléphone et le taquine avec ça. Il est agacé puis, quand Barbara a décidé de rompre, il baisse la garde et voit enfin la femme authentique qu'est Esther, celle qui lit en lui comme personne d'autre, le fait se confier plus sincèrement qu'à l'église, lui permet de s'ouvrir à lui-même et aux autres.

Le virage qu'emprunte alors le film est si radical qu'on a l'impression que Gordon-Levitt démarre une autre histoire. Tout devient plus sensible, mesuré, et même si Jon Martello est loin d'être sauvé (pour ça, il aurait fallu un troisième acte afin d'en être sûr, ce qui aurait été possible vu le format resserré du montage final), il y a de l'espoir. Le problème, c'est que ça ait mis autant de temps à être établi, en vérité autant de temps qu'il en a fallu à ce pathétique Don Jon pour se rendre compte qu'il se fourvoyait.

Donc, oui, d'un côté, Joseph Gordon-Levitt a du cran, pour aborder ce sujet, composer ce personnage ; mais de l'autre, il insiste lourdement sur tout ce qui est rebutant chez son héros et passe un peu à côté d'une histoire plus intéressante et surtout plus rare et audacieuse. Parce que la romance d'un jeune homme avec une femme plus âgée est certainement plus périlleuse à bien traiter que celle d'un branleur macho et insatiable.

Sachant tout cela, il demeure assez étonnant que le casting quatre étoiles que Gordon-Levitt a réussi à convaincre de le suivre ait aussi consenti à jouer de pareilles caricatures de ce qu'on fantasme à leur sujet. Scarlett Johansson est cette poupée pulpeuse ultra désirable (pour rester poli) et c'est ce qui est le plus facile à retenir dans sa prestation alors qu'elle est formidable dans sa manière d'être absolument insupportable. Idem pour Julianne Moore dont on connaît trop bien le brio avec lequel elle interprète les femmes en souffrance mais qui se révèle surtout lumineuse. Je sais que ça paraît improbable, mais à la fin, vous comprendrez pourquoi on a plus envie de sortir avec Moore qu'avec Johansson...

Tony Danza (hé oui, le Tony Micelli de Madame est servie) est absolument épatant en papa macho horripilant et grossier. Toutefois, avec son unique dialogue du film, c'est peut-être Brie Larson qui restera le plus dans les mémoires : elle débite ses quatre vérités à sa tribu avec une authenticité hilarante.

Don Jon n'est pas un mauvais film, mais un film bancal et peu subtil, toujours le cul entre deux chaises, entre la volonté d'aborder un sujet périlleux et celui d'offrir le salut à son andouille de héros.

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