mardi 2 juillet 2024

HAPPIEST SEASON (Clea DuVall, 2020)


Abby Hollad et Harper Caldwell sont en couple depuis un an et s'apprêtent à fêter leur premier Noël ensemble, même si Abby déteste ça depuis le décès de ses parents. Harper lui propose alors spontanément de passer les fêtes chez sa famille dans sa ville natale. Mais une fois en route, elle avoue à sa partenaire n'avoir jamais révélé à ses parents très conservateurs qu'elle est homosexuelle et en couple. Abby accepte à contrecoeur de jouer la comédie pendant les prochains jours à condition que Harper dise la vérité le matin de Noël.
   

Chez les Caldwell, c'est l'effervescence car Ted, le père, est en campagne électorale et sa femme, Tipper, supervise tout pour donner à sa famille une image respectable. Sur place, Abby fait la connaissance de Connor, le garçon qu'a failli épouser Harper, puis de Riley, sa première amante. Les deux soeurs de Harper sont aussi dissemblables que possible entre Jane, artiste excentrique, et Sloane, toujours en compétition avec Harper pour avoir les faveurs de leur père.


Une farce concoctée par les enfants de Sloane vaut à Abby d'être mise à l'écart pour le reste du séjour car Ted et Tipper craignent qu'un scandale ne ruine la campagne électorale. La jeune femme, de plus en plus isolée, trouve du réconfort auprès de Riley qui a, elle aussi, souffert des cachotteries de Harper, craignant la réaction de ses parents s'ils apprenaient qu'elle est lesbienne.


La situation, déjà tendue, va véritablement exploser lors d'une réception donnée chez les Caldwell à laquelle sont conviés des donateurs pour la campagne de Ted, quand Sloane surprend Harper en train de s'excuser auprès d'Abby puis l'embrassant sur le point de plier bagages et qu'elle menace de la dénoncer...


Longtemps actrice, Clea DuVall s'est tournée vers la réalisation lorsque les propositions de rôles se sont raréfiées. Happiest Season (aussi titré Ma belle-famille, Noël et moi....) est son deuxième long métrage derrière la caméra et elle en a écrit également le scénario avec Mary Holland, qui tient ici le rôle de Jane Caldwell, la soeur artiste de Harper.


Ouvertement lesbienne, DuVall en a logiquement profité pour parler de ce qu'elle connaît le mieux, c'est-à-dire d'un couple de femmes dont l'une n'a jamais osé faire son coming out auprès de sa famille par peur de leur réaction puisque ses parents sont très conservateurs. Elle a pu compter sur un casting bien doté et investi dans le projet et le financement de Disney qui a produit le film pour sa plateforme de streaming Hulu.


On redoute et on déplore souvent la "Disney-ification" des productions en pointant du doigt justement le fait de prôner des valeurs surannées. Ce n'est pas toujours justifié mais hélas !, c'est le cas ici. Entre les intentions louables de la cinéaste et le résultat final, on sent bien que tout a été considérablement édulcoré pour ne pas déranger le public le plus conservateur.

Sans parler de la fin, qui, ce n'est même pas un spoiler, est outrageusement dégoulinante de bons sentiments, après une cascade de révélations si rapides qu'on croirait qu'elles sont délivrées en espérant que personne ne les retiendra (et donc ne sera choqué par elles), on a droit à une collection de scènes gênantes à force de tomber à plat ou parce qu'elles s'éloignent du sujet comme, là encore, pour mieux le cacher.

Le fait d'avoir traduit le titre original en Ma belle-famille, Noël et moi renvoie à la série de longs métrages Mon Beau-Père et moi avec Ben Stiller et Robert de Niro. Mais au moins ceux-là étaient assez drôles, pas subtils pour un sou mais drôles. Là, c'est juste pas drôle du tout, c'est embarrassant car embarrassé : d'un côté, on a une réalisatrice qui tente de parler à une audience familiale de la nécessité d'accepter ses enfants pour ce qu'ils sont  et de l'autre une major qui veut ostensiblement éviter de fâcher ses abonnés.

Par conséquent, Happiest Season n'est jamais assez rigolo pour prétendre être la comédie ambitionnée ni assez romantique pour être aussi charmante que le genre dans lequel elle veut s'inscrire. Passée la révélation su secret de Harper à Abby et donc la mécanique entière à laquelle l'intrigue va devoir se plier (personne ne doit savoir pour les deux filles qui s'aiment), les 100' que dure le film se traîne et ressemble à un calvaire autant pour Abby que pour le spectateur.

Pour tenter d'être plus réussi, Happiest Season aurait pu être traité comme un drame ou une comédie dramatique. Mais aurait-il été plus convaincant. Comme drame, cela aurait été certainement exagérément mélo et lourd. Comme comédie dramatique, il aurait fallu un script bien plus subtil, nuancé, ciselé, ce qui paraît hors de portée du duo DuVall-Holland.

Les personnages sont tous trop caricaturaux et leurs relations trop grossièrement taillées : Jane, l'artiste excentrique de la famille, est trop hystérique ; Sloane n'est définie que par sa rivalité avec Harper ; les parents sont en vérité plus des managers incapables de réaliser qu'ils ont nourri cette compétition entre leurs filles. Connor est un type trop falot pour convaincre qui que ce soit qu'il a jamais pu séduire Harper. Seule Riley bénéficie d'un peu plus de finesse, échappant au cliché de l'ex qui, comme on le pense d'abord, pourrait profiter du chaos pour récupérer Harper.

Le vrai hic, au fond, c'est que le film se trompe de point de vue : au lieu de se focaliser sur Harper, il aurait dû être raconté en se concentrant sur Abby, sa découverte des Caldwell, son malaise grandissant face aux mensonges de Harper (constatés in situ ou rapportés par Riley). Le pardon qu'elle finit par accorder à son amante est impensable après tout ce qu'elle endure.

Il n'y a donc pas grand-chose à sauver là-dedans : les acteurs jouent avec ce qu'on leur a écrit et leur talent n'est pas discutable. Mais quand on dispose de Mary Steenburgen, Victor Garber, Alison Brie, Aubrey Plaza ou de Daniel Levy, ils méritent mieux que ça. MacKenzie Davis joue si bien la fille qui a honte qu'elle a certainement surtout honte de jouer dans ce film. Et Kristen Stewart, qui s'essaie à la comédie, semble souvent se demander ce qu'elle fait là, sauf qu'elle conserve cette sensibilité unique qui lui maintient la tête hors de l'eau : en somme, elle est trop douée pour se commettre dans un machin pareil et elle le sait, elle le montre, elle ne peut pas faire autrement (et je doute qu'on l'y reprenne).

A vite oublier. Mais c'est vite oubliable.

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