jeudi 25 juillet 2024

HOW TO TALK TO GIRLS AT PARTIES (John Cameron Mitchell, 2017)


1977. La Grande-Bretagne s'apprête à fêter la vingt-cinquième année de règne d'Elizabeth II. Mais cela, Enn s'en fiche : il est bien trop occupé par son fanzine et les concerts de groupes punk dans des clubs où se rend avec ses deux meilleurs amis, Vic et John.


Un soir, après un de ces concerts organisés par la reine de l'underground de la ville de Croydon, les trois amis décident de s'incruster dans une fête privée mais se trompent d'adresse. Ils pénètrent dans une maison peuplée de gens étranges qu'ils prennent pour les membres d'une secte. Pour assouvir leur curiosité, ils se séparent afin de visiter l'endroit.


John se mêle à des danseurs qui s'agitent sur une musique étrange. John se laisse entraîner dans des jeux sexuels. Quant à Enn, il rencontre Zan, une très belle jeune femme qui, à sa grande surprise, s'intéresse à lui quand il lui parle de sa passion pour le punk. Elle veut qu'il lui fasse découvrir cela et passe la nuit chez lui.


Mais le lendemain, en parlant avec Zan et en recueillant les témoignages de Vic et John, Enn comprend qu'ils ont rencontré des extraterrestres ayant pris forme humaine pour mieux les étudier. Il craint que cela augure d'un drame (une invasion ? Un suicide collectif de ces aliens ?) et veut protéger Zan. Mais celle-ci a commis une faute grave en s'échappant. Or, elle veut continuer à expérimenter ce que lui réserve l'humanité...
 

How to talk to girls at parties est l'adaptation d'une nouvelle de Neil Gaiman : ce scénariste de comics et romancier est le créateur de l'incarnation moderne de Sandman chez DC Comics, qui a fait l'objet d'une série sur Netflix (on attend toujours la deuxième saison). Sans spoiler, on comprend, à la toute fin, que le film le met en scène quand on retrouve Enn en 1992 lors d'une séance de dédicaces : le personnage et l'acteur qui le joue ont en effet un look identique à Gaiman alors.


Mais, avant cela, le film de John Cameron Mitchell, un cinéaste indépendant qui s'est fait auparavant remarquer par Hedwing and the angry inch, Shortbus et Rabbit hole, est une ode à l'époque punk à la fin des années 70 en Angleterre. L'hommage est si réussi qu'il a les qualités et les défauts exacts de ce mouvement.


On suit donc trois pieds nickelés d'une ville anglaise qui passent leurs soirées à écumer les clubs pour écouter des groupes musicaux. La grande prêtresse locale est une nommée Boadicea qui se vante d'avoir découvert Johnny Rotten avant qu'il ne fasse partie des Sex Pistols et qui dénigre Vivienne Westwood car elle l'aurait virée après qu'elle a amélioré une de ses robes. Puis, une nuit, ils décident de taper l'incruste dans une after-party sauf qu'ils se trompent d'adresse et tombent sur une tribu d'illuminés qui ne sont peut-être pas les membres d'une secte comme ils le pensent...

Enn fait à cette occasion la connaissance de la belle Zan qui s'enfuit avec lui après qu'il lui a parlé du mouvement punk synonyme de liberté et de rébellion. Deux notions qui intéressent la jeune femme qui souffre des codes rigides de la communauté dans laquelle elle vit. Enn est amoureux au premier regard et doit tout apprendre à Zan qui ignore tout des sentiments humains puisqu'elle s'avère être une extraterrestre (comme tous ses compagnons - sa "colonie")...

Lorsque je disais que le film épouse complètement les qualités et les défauts du punk, c'est parce qu'il déborde d'énergie, un dynamisme communicatif, contagieux, souvent drôle, mais qu'il semble dans son troisième et dernier acte ne plus savoir qu'en faire. D'où un dénouement à la fois poignant et un peu poussif, qui a surtout le tort de laisser trop de côté ses amoureux maudits.

Tout ce qui touche et met en scène le couple formé par Enn et Zan est magnifique : c'est sentimental, romantique, amusant, déchaîné à souhait. John Cameron Mitchell fait feu de tout bois sans se soucier de savoir si ce récit hirsute et délirant sera intégré par le public. C'est l'essence même du punk qui est une musique mais aussi tout un art de vivre, de s'habiller, de parler, de penser contre - l'ordre établi, les conventions, la bienséance, le passé, le bon goût, etc.

Mais surtout ce qui est irrésistible, c'est la manière dont le cinéaste s'empare de ces codes non pas avec ironie mais avec une forme de mélancolie, comme si le punk cristallisait surtout la jeunesse, la fougue, la spontanéité, l'immédiateté. L'instant présent est primordial, il faut l'embrasser, sans retenue, sans se soucier du qu'en-dira-t-on. Et ses deux héros incarnent ça avec une fraîcheur émouvante et euphorisante à la fois. 

Les dialogues et les situations absurdes fusent, comme quand Zan et Enn sont dans la cabane perchée dans un arbre : il lui parle de son fanzine pour lequel il a créé un personnage capable d'infecter les gens pour les rendre insoumis à l'autorité. Elle remarque que c'est une autre manière d'assujettir et que c'est donc paradoxal, puis elle voit 'érection d'abord timide puis plus prononcée du jeune homme et, ignorant ce que cela signifie, elle lâche : "ça m'émeut". Ou comment transformer une situation gênante en moment de poésie. 

Hélas ! lorsque le film s'avance inexorablement vers son dénouement, très bizarrement, inexplicablement, le scénario de John Cameron Mitchell et Philippa Goslett met trop de côté Enn et Zan et les scènes s'enchaînent plus laborieusement, perdant de leur rythme, de leur fantaisie, de leur loufoquerie. Il faut vraiment cet épilogue pour qu'à nouveau on soit ému. Dommage.

Alex Sharp est épatant dans le rôle de Enn, ce garçon gauche et révolté mais éperdument épris d'une fille qu'il a peine à suivre et à protéger comme il le souhaiterait. Elle Fanning prête toute sa grâce lumineuse et gracile à Zan et c'est toujours le même enchantement de voir cette jeune actrice évoluer : elle est vraiment d'un autre monde. Enfin Nicoile Kidman et Ruth Wilson dans des seconds rôles cabotinent à qui mieux mieux mais ça n'est pas gênant vu l'esprit débraillé du contexte.

Même s'il finit moins bien qu'il a commencé, How to talk to girls at parties est tout de même un film tout à fait charmant et singulier, où l'on rit beaucoup avant d'avoir les larmes au bord des yeux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire