lundi 29 juillet 2024

SING STREET (John Carney, 2016)


Dublin, 1985. Parce que son père n'en a plus les moyens de payer ses frais de scolarité dans un établissement privé, Conor est transféré dans un lycée public tenu par des curés. Le premier jour se passe très mal : le frère Baxter lui ordonne de porter des chaussures noires alors que le garçon lui explique ne pas pouvoir s'en acheter et Barry, un jeune punk, l'intimide. 


Mais Conor fait aussi la connaissance de Darren et remarque Raphina sur le trottoir d'en face. Pour l'impressionner, il lui raconte faire partie d'un groupe de musique et lui propose de figurer dans leur premier clip vidéo. Problème : Conor ne fait partie d'aucun groupe. Darren lui présente alors Eamon, un jeune multi-intrumentiste puis ils recrutent Ngig aux claviers, les frères Larry et Garry à la basse et à la batterie. Conor commence à écrire des chansons composées par Eamon.
 

Quand il parle de ce projet à son frère ainé Brendan, celui-ci lui fait écouter les derniers groupes à la mode, comme Duran Duran. La musique de Sing Street, comme s'est baptisée la formation (en référence à Synge Street, où se situe leur bahut), se veut "futuriste. Contre toute attente, Raphina se présente sur le tournage de leur clip filmé par Darren et pour lequel elle joue aussi la maquilleuse-coiffeuse-habilleuse.


Pour Conor, l'aventure devient sérieuse car il pense que Raphina est sensible à ses efforts, bien qu'il découvre peu après qu'elle fréquente un gars plus âgé et qui lui a promis de l'emmener vivre à Londres, où partent nombre d'irlandais en quête d'une vie meilleure...


105' minutes de bonheur ! Voilà ce que vous procurera Sing Street, et si vous ne me croyez pas sur parole, louez ce film en streaming et on en reparlera ensuite. Vous vous souvenez quand vous étiez ado et que vous rêviez d'emballer la plus jolie fille du bahut mais sans oser le faire. On disait alors que savoir jouer d'un instrument (facilement transportable, comme une guitare) augmentait vos chances...


Moi, quand j'avais cette âge-là, justement dans les années 80, je ne jouais pas de musique, je dessinai : c'était moins spectaculaire et effectivement, ça ne valait rien pour séduire les filles. Mais c'est pour ça que l'histoire de Conor m'a tant touché : parce qu'on a tous été des Conor, ce mec timide et follement épris. Sauf que lui va au bout de son rêve en s'en donnant les moyens.


Dire qu'il part de loin est doux euphémisme : ses parents vont divorcer, sa soeur se réfugie dans les études, son grand frère ressasse avec amertume la fois où à l'âge de Conor il a tenté de fuir en Allemagne avant d'être rattrapé par sa mère (et depuis il fume des joints dans sa chambre en pontifiant sur l'industrie musicale et en méprisant ses parents). Pour ne rien arranger, Conor prétend à Raphina, la fille sur laquelle il a craquée, l'inaccessible Raphina, qu'il fait partie d'un groupe musical... Qui n'existe pas !

Aidé par Darren, un petit rouquin gouailleur et débrouillard, il va quand même former ce groupe. Mais à part Eamon, c'est à peine si les autres membres savent jouer un accord. Conor chante mal et écrit des bluettes. Mais tous ces petits gars ont du coeur et une revanche à prendre : Ngig le clavier est le seul noir du lycée, Garry et Larry sont harcelés, Eamon n'a personne avec qui jouer, Darren a des idées à revendre mais personne à qui les vendre, et Conor, hé bien, Conor veut Raphina mais surtout, poussé par son grand-frère, veut quitter Dublin.

Les anglo-saxons appellent ça des coming of age stories, des histoires qui montrent le passage à l'âge adulte, souvent sous un angle dramatique, comme une course d'obstacles, une série d'épreuves. Mais John Carney, qui a écrit le scénario de son film, refuse toute noirceur. Bien entendu, il n'élude pas les difficultés : la situation familiale de Conor, l'échec de son frère, le transfert difficile dans une école religieuse, le fait que Raphina ne soit pas libre... Tout ça est dûment traité.

Et c'est ce petit truc en plus qui fait la différence : le côté feel-good de Sing Street est équilibré par ce qu'il faut de mélancolie. Peut-on vraiment réaliser ses rêves quand on est issu d'une famille en crise, qu'on étudie dans un école aux règles rigides, avec pour seul soutien des acolytes de circonstance aussi désespérés que vous ? Carney montre bien que l'énergie seule ne suffit pas et que le talent seul compte, peut faire la différence. Etonnamment, après des débuts laborieux mais abordés sous un angle comique (Conor et sa bande copiant les looks de leurs idoles, de Duran Duran à Roxy Music en passant par The Cure), "Sing Street" se met à produire de vraies bonnes chansons, aux paroles à la fois naïves et sincères sur des mélodies soignées et accrocheuses.

Pour ce faire, le cinéaste a lui-même écrit et composé lesdites chansons en compagnie des membres du groupe Relish, et Adam Levine, le leader de Maroon 5, est également crédité sur un titre. C'était sans doute là l'aspect le plus périlleux du projet car les films musicaux avec des chansons de qualité sont rares, a fortiori quand il s'agit de s'inspirer d'une époque comme les années 80 où peu de formations musicales ont survécu à cette décennie. Mais, là, vraiment, c'est impeccable.

L'émotion et l'euphorie alternent sur un tempo parfait, servies par de jeunes comédiens presque tous amateurs au talent insensé. Ferdia Walsh-Peelo est une révélation telle qu'on a du mal à croire que c'est son premier rôle. Mark McKenna (Eamon) ressemble à une version ado d'Elvis Costello. Ben Carrolan (Darren), Percy Chambruka (Ngig), Conor Hamilton et Karl Rice (Larry et Garry), tous sont épatants. 

Lucy Boynton incarne la fille de rêve parfaite (en tout cas si vous raffolez des anglaises), avec ce sourire et ces yeux pétillants : j'adore cette nana qui mérite une grande carrière. Jack Reynor est royal en grand-frère. Les adultes sont aussi exemplaires dans leur registre : Aidan Gillen et Maria Kennedy Doyle (les parents), Don Wycherley (le frère Baxter).

Sing Street est un film au charme irrésistible, et à l'émotion vive. C'est un vrai coup de coeur.

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