mercredi 3 juillet 2024

ABSOLUTE POWER #1 (Mark Waid / Dan Mora)


Superman surprend une bande de braqueurs. L'un d'eux s'affole et ouvre le feu sur lui. Surprise : Superman voit la balle lui traverser la poitrine et il chute... 28 heures plus tôt, Animal Man et sa fille sont agressés par des civils. Puis des images de super-héros circulent dans tous les médias, les montrant en train de tuer des innocents... Qu'est-ce qui lie tous ces événements ?


C'est donc au tour de DC Comics de lancer son event estival avec Absolute Power. Tout comme Blood Hunt chez Marvel, peu d'épisodes (quatre en tout et pour tout), mais diffusés sur quatre mois. Mark Waid est aux commandes et s'appuie sur une série d'événements qui ont ponctué le DCU ces derniers mois.


Car ce qui distingue Absolute Power, c'est sa préparation : DC et plusieurs de ses scénaristes vedettes ont anticipé cet event dans des arcs narratifs ou des sagas événementielles dont on voit ici la culmination. Le point commun à tout cela : Amanda Waller, la patronne de la Task Force X / Suicide Squad, désormais locataire de l'ancien Hall de Justice, rebaptisé Hall de l'Ordre.


Depuis toujours, Waller a oeuvré pour un contrôle des méta-humains, les considérant plus comme des aimants à problèmes, des déclencheurs de catastrophes, que comme des réponses au crime. Partant de sa position vis-à-vis de la Suicide Squad, Joshua Williamson a montré qu'elle comptait profiter des retombées de Dark Crisis (on Infinite Earths) au terme duquel la Justice League s'auto-démantelait au profit des Titans de Nightwing.


Ensuite, dans la série Batman de Chip Zdarsky, on a vu apparaître Failsafe, un robot conçu par Bruce Wayne pour le neutraliser si jamais son alter ego pétait les plombs. Tom Taylor s'est appuyé sur la série Titans pour Beast World dans lequel Garth Logan devait repousser une attaque contre la Terre en se transformant en Starro mais perdait la maîtrise de lui-même à cause du Doctor Chaos (le double maléfique du Doctor Fate), allié de Waller.


Enfin, dans les pages de Superman et d'Action Comics par Joshua Williamson développait un crossover, House of Brainiac, et créait Lady Brainiac sur laquelle Waller mettait la main. On peut ajouter à ce tableau de chausse la Wonder Woman de Tom King dans laquelle l'amazone était mise à mal par le Souverain et son bras armé, Sarge Steel, après un massacre commis par une de ses "soeurs". Et dans le Green Arrow de Williamson (décidément l'architecte de beaucoup de choses jusqu'à présent), Oliver Queen acceptait de s'allier à Waller.

Bref, au moment où démarre Absolute Power, les super-héros sont dans l'oeil du cyclone. Mark Waid hérite donc d'éléments patiemment mis en place par ses collègues et a pour première mission des les porter à ébullition pour créer une crise spectaculaire, suffisamment impressionnante pour ébranler le lecteur le plus blasé. On voit là la grande différence entre cet event, qui est en quelque sorte le dernier étage d'une fusée, la cerise sur le gâteau, longuement mijoté, et Blood Hunt avec ses vampires pathétiques, aussi vite surgis qu'ils seront oubliés. DC a réussi là où Marvel a échoué en semant les graines du chaos tout en laissant le lecteur dans l'expectative.

La première scène vous plonge dans le bain quand Superman est blessé par balle : toucher tout de suite le super-héros le plus emblématique, c'est garantir que personne, vraiment, n'est à l'abri.  Ensuite, tout va très vite, via un flashback sur les 28 heures qui ont précédé cette scène : l'agression sauvage d'Animal Man, les images de super-héros commettant des massacres sur des civils, l'allocution de Waller, la trahison de Green Arrow...

De ce point de vue, le défi est amplement relevé : Waid tape fort et dur. Mais il ne s'arrête pas là : c'était déjà percutant mais les scénariste enrichit ce spectacle de plusieurs réflexions captivantes. Par exemple, les images générées par l'Intelligence Artificielle sont dûment mentionnées, et cela fait écho à la fois aux campagnes de désinformation dans le champ politique mais aussi dans les domaines artistiques (et DC est sous le feu des critiques après les accusations portées contre Andrea Sorrentino ou Francesco Mattina, accablés par leurs collègues pour leur utilisation de l'IA dans leurs dessins).

Waid revient aussi sur un marronnier dans les comics : les super-héros sont-ils le remède ou la cause aux crises ? J'ignore si la suite d'Absolute Power tranchera la question, mais comme c'est Waller qui la pose, l'ambiguïté est réelle puisqu'elle-même fait appel à des méta-humains pour régler certaines situations, et ici elle est entouré par deux androïdes très perfectionnées (Failsafe et Lady Brainiac) ou la Suicide Squad et Green Arrow (qui n'est certes pas un méta-humain mais a été un membre régulier de la Justice League).

Ce qui est fascinant, c'est de lire une scène dans laquelle même Batman comprend que si Waller abat ses cartes aussi vite et publiquement, c'est parce qu'elle est sûre d'elle et que, surtout, lui n'a pas su l'anticiper. Plus loin, Green Arrow annonce à Batman qu'elle a tellement bien orchestré son coup, qu'elle s'est assurée le soutien des Planètes Unies, mais aussi qu'elle contrôle le Temps et le Microvers. Ce qui ôte leurs pouvoirs aux super-héros le fait définitivement (bon, ça, on sait que ce n'est pas vrai...). Mais bon, Waller fait une méchante implacable, bien entourée, et dangereuse, à des lieux des vampires de Marvel actuellement.

Et puis Waid fait à nouveau équipe avec Dan Mora. Même si Beast World a souffert du fait qu'Ivan Reis n'a pas dessiné tous les épisodes (étant déjà sur le départ) et que Knights Terror était aussi très inégal graphiquement, DC avait déjà misé sur Daniel Sampere sur Dark Crisis avec succès. Et Mora (qui a laissé Travis Mercer le soulager sur World's Finest) est tout entier investi dans Absolute Power.

Mora n'est pas l'artiste le plus subtil du monde mais donnez-lui un script brassant une quantité de personnages, de l'action à tout-va, et pour consigne d'en mettre plein la vue au lecteur, vous serez comblés. C'est exactement le sentiment qu'on a en lisant ce premier épisode qui est haletant, explosif, dramatique au possible, mais entre les mains d'un dessinateur qui maîtrise son sujet comme peu d'autres actuellement.

Même avec les couleurs, plus sombres, d'Alejandro Sanchez (à la place de l'habituelle Tamra Bonvillain), les planches de Mora conservent cette énergie démente qui colle si bien à ce qui se joue là.

Le plus dur reste à faire : maintenir cette tension, surprendre encore, et bien finir. Mais Waid et Mora sont des hommes sur qui compter pour ce genre d'entreprise. Et Absolute Power pourrait bien être le meilleur event d'un des Big Two depuis belle lurette.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire