lundi 1 juillet 2024

EQUALS (Drake Doremus, 2015)


Dans le futur, les citoyens, appelés "membres", font partie du Collectif, une entité législative qui surveille et contrôle les émotions du peuple. La plupart des maladies ont été éradiquées, mais les sentiments amoureux et l'activité sexuelle sont contraires aux règles en vigueur : la procréation ne se fait que par insémination artificielle via une convocation au Bureau de la Conception.


Slias, un jeune homme, travaille pour la compagnie Atmos qui développe un programme spatial. En rentrant chez lui un soir, il assiste à l'arrestation d'un couple par la police car ils sont atteints du syndrome d'activation, une affection en plusieurs étapes qui restaure les émotions humaines. Ceux qui ne se suicident pas à cause de ça sont emmenés et confinés dans le Centre de Neuropathie Emotionnelle (CNE), un institut spécialisé dont personne n'est jamais revenu.


Le lendemain, justement, un employé d'Atmos se jette du toit de la compagnie. Les travailleurs assistent à l'évacuation du corps sans manifester le moindre trouble, sauf Nia, une collègue de Silas, qui dissimule son malaise. La nuit venue, c'est au tour de Silas da faire un cauchemar et il décide de consulter un médecin qui lui fait une prise de sang. Le verdict est sans appel : il est au stade un du syndrome d'activation et doit suivre un traitement à base d'inhibiteurs.


Silas fait la connaissance de Jonas, atteint au stade 2, qui l'invite à participer à un groupe de parole dont il fait partie avec une infirmière du CEN. Malgré cela et les médicaments, Silas va de moins en moins bien et son travail s'en ressent. Nia le remarque et comme il pense qu'elle est aussi malade, il la confronte. Elle lui avoue en être au stade 3 mais le cache à ses collègues au prix d'efforts considérables. Le soir venu, ils se revoient en secret et commencent à se toucher, partageant leurs ressentis et bientôt, ils tombent amoureux malgré les risques auxquels ils s'exposent...
 

Drake Doremus a eu l'idée de cette histoire qu'il a mise en forme avec Nathan Parker. Son cinéma s'intéresse souvent au thème de l'incommunicabilité des sentiments, comme ce sera encore le cas dans son long métrage suivant, Newness (2017) qui traite des applis de rencontre, puis Zoe (2018) où deux chercheurs tentent d'améliorer chimiquement les relations amoureuses.


Cette fois, avec Equals, il situe l'action dans un futur dystopique où la société a complètement prohibé les émotions et le sexe. Tout est régenté par le Collectif qui applique des lois rigoureuses pour ses membres, considérant les sentiments comme une véritable maladie. Ceux qui ont choisi de fuir ce régime sont appelés les déficients et vivent dans la Péninsule, une section de terre isolée et primitive d'où on ne revient jamais.
 

Le héros, Silas, est troublé par l'arrestation de voisins dénoncés pour avoir eu des relations sexuelles et embarqués pour être traités dans un centre de soins d'où, là aussi, on n'a jamais vu revenir personne. Plus tard, en rencontrant une infirmière qui y travaille, il apprendra que le personnel de cet institut ne prodigue aucun soin et encourage même le suicide.

Quand, par malheur, on se remet à éprouver des sentiments ou du désir pour quelqu'un, on est atteint du syndrome d'activation qui compte quatre stades - au stade quatre, les malades se suicident. L'arrestation de ses voisins va progressivement détraquer Silas, pourtant un modèle d'équilibre, qui travaille comme illustrateur dans une compagnie développant un programme spatial sur Mars. Il est spécifiquement chargé de mettre en image les plans d'une de ses collègues, Nia, dont il remarque, lors d'un accident dans le siège de la compagnie, le malaise.

Le rythme lent, l'ambiance oppressante, les décors et les vêtements blancs des personnages contribuent à établir un climat froid, de plus en plus en pesant. A travers Silas, on comprend comment toute une société a été patiemment conditionnée pour réprimer ce qu'elle ressent, aussi bien positivement que négativement. Ainsi, tout le monde est mis au pas, rien ne dépasse, en même temps que règne la suspicion permanente (car on est encouragé à dénoncer ceux qui pourraient être atteints du syndrome).

Le drame se noue évidemment quand l'inévitable se produit : Silas tombe amoureux de Nia qui lui avoue être malade depuis un moment mais le cache au prix de gros efforts en public. Ils se retrouvent après les heures de bureau d'abord dans les toilettes mixtes de la compagnie où ils parlent tout bas, commencent à se toucher, s'embrasser, faire l'amour. La peur est permanente : s'ils sont découverts, a fortiori par leur directeur, ils seront arrêtés, séparés et placés en confinement.

Ni Silas ni Nia ne peuvent se fier à quiconque : la jeune femme est particulièrement méfiante alors que lui fait la connaissance d'un stade 3 qui l'invite à se joindre à un groupe de parole. Le spectateur sent que des espions du Collectif ont certainement infiltré cet endroit. C'est la force du récit mais aussi sa limite : sa force parce qu'on devient aussi parano que les héros mais sa limite parce que toute l'histoire est un eu trop balisée, le scénario ne se déploie jamais dans une direction surprenante (par exemple Jonas, le stade 3, est en relation avec des gens qui peuvent emmener des "membres" sur la Péninsule, mais on ne les voit jamais et on se demande comment une société aussi autoritaire que le Collectif peut ne pas avoir déjà appréhendé ces passeurs et leurs complices).

Néanmoins, parce que le film n'est pas long (100'), on ne s'ennuie pas trop et la toute dernière scène va quand même laisser place à un mince espoir très émouvant. Cette ultime note, on la doit aux interprètes qui composent des partitions particulièrement délicates puisqu'il leur faut ne pas jouer - ou plutôt jouer à être éteints. Nicholas Hoult, (qui retrouvera Doremus pour Newness), incarne à la perfection Silas dont il exprime avec un jeu très nuancé la progression. Face à lui, Kristen Stewart montre une fois encore l'étendue de sa palette : elle est admirable de sensibilité et de retenue tout en s'illuminant quand elle partage son amour avec Silas/Hoult. Guy Pearce (habitué de la filmographie de Doremus) officie dans un second rôle mais n'a que peu d'occasion de briller.

Equals a beaucoup de qualités, mais son manque évident de moyens limite son histoire dans ses développements. Heureusement, il peut compter sur ses deux acteurs principaux, dévoués au projet et produisant des interprétations déchirantes - les seuls à briser la glace qui paralyse le cinéaste.

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