dimanche 7 juillet 2024

THE GUARD (Peter Sattler, 2014)


11 Septembre 2001. Les attentats touchant les tours jumelles du World Trade Center sont retransmis en direct à la télévision quand Ali Amir rentre chez lui et se prépare à accomplir la Salah (une prière islamique). Il est arrêté et emmené sur l'île de Cuba dans le camp de Guantanamo.


Huit ans après. Le soldat de première classe Amy Cole intègre le camp comme garde. A son arrivée, elle se porte volontaire pour incorporer l'IRF (l'escouade anti-émeute) et lors de l'extraction d'un détenu, elle est légèrement blessée mais gagne le respect de ses pairs. Pendant son tour de garde où elle doit veiller à ce que les détenus se tiennent à carreau dans leurs cellules, elle est interpellé par Ali Amir qui tente de communiquer avec elle. Il la provoque quand elle refuse de lui répondre et lorsqu'il masque la partie vitrée de la porte, elle ouvre la fente par la quelle on fait passer la nourriture et reçoit des excréments.


Ali Amir est transféré dans le programme de privation de sommeil pour le punir. Un soir de relâche, les soldats se détendent en compagnie du caporal Ransdell. La boisson échauffe les esprits et Ransdell suit Cole dans les toilettes où ils s'étreignent. Mais elle finit par le repousser et s'enferme dans sa chambre. Le lendemain, elle inspecte la cellule vide de Ali et trouve parterre des brochures de prévention contre le suicide. Puis elle consulte son dossier et découvre qu'il s'est plusieurs fois automutilé et compromis dans des actes de désobéissance.
 

Après sa punition, Ali s'excuse auprès d'Amy et lui confie venir de Brême en Allemagne et n'avoir jamais été impliqué dans des actions terroristes. Son avocat lui a pourtant déclaré qu'il ne quitterait jamais ce camp alors que son innocence a été prouvée...


Il y a des films inconfortables à regarder mais qui sont néanmoins nécessaires, pour leur valeur quasi-documentaire. La tragédie du 11 Septembre 2001 a fait basculer le monde entier dans une nouvelle ère, une époque de terreur et les Etats-Unis ont, c'est avéré, abusé de leur droit à riposté, déclenchant des représailles davantage dans le but de venger leurs morts que pour appliquer la justice.


Certes, Oussama Ben Laden, le planificateur de ces attaques contre les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone a été éliminé, mais le chaos a perduré après lui, avec l'émergence de nouvelles organisations terroristes, de nouveaux modus operandi. La menace terroriste n'a pas cessé et s'est même amplifié, suivant des agressions moins spectaculaires peut-être mais plus nombreuses, plus difficiles à anticiper et contrarier.


La création du camp de Guantanamo pour y enfermer des détenus - et non des prisonniers, car le terme "détenu" n'est pas reconnu par les accords de Genève et permet donc des actes de torture et de rétention extraordinaires - a elle aussi continué au-delà du mandat de l'administration Bush Jr.. Barack Obama (pourtant récompensé par le Prix Nobel de la paix) ne l'a pas démantelé, ni Donald Trump.

C'est dans ce cadre glaçant que se situe l'action de Camp X-Ray (en vo, soit le Camp Rayon X). On y suit un soldat féminin, Amy Cole, dont le rôle consiste principalement à surveiller les détenus dans leurs cellules et s'assurer qu'ils y restent en bonne santé - même s'ils ont été torturés ou victimes de punition consécutive à leur indiscipline. Dès son arrivée, elle participe à une intervention de l'escouade anti-émeute pour déplacer un détenu et celui-ci, refusant d'être maîtrisé, lui porte un coup qui entaille sa lèvre. Une fois soumis, elle ne peut se retenir de lui flanquer un coup de pied dans les côtes.

C'est la seule fois où elle manifestera de la violence envers les détenus. D'Amy Cole, on ne saura pas grand-chose au long du film, seulement qu'elle vient d'un bled en Floride et qu'elle s'est engagée pour essayer de faire quelque chose de bien. Est-ce qu'elle a perdu des proches dans les attentats par exemple ? Mystère. Et le règlement interdit formellement d'établir tout contact avec les détenus ou même d'en dire trop à ses collègues. D'ailleurs, même son identité civile est effacée : le caporal Ransdell lui arrache son étiquette ou figurent son grade et son nom de famille afin que personne ne puisse l'identifier. 

Tout comme les détenus, qu'on appelle seulement par leur numéro de matricule, les gardes doivent rester anonymes mais pour se protéger, éviter toute familiarité. Les rares moments de détente sont dédiés à noyer dans l'alcool ce dont ils sont témoins au quotidien : les insultes des détenus les plus radicaux, les châtiments infligés par la police militaire du camp, l'ambiance oppressante dans ces installations, la vie de reclus, le quotidien sur cette portion de l'île cubaine annexée par les américains. Et même donc, quand c'est relâche, et que la proximité invite les esprits embrumés par la boisson au sexe, Cole finit par repousser le caporal qui a cru qu'elle se donnait à lui.

Peter Sattler a écrit et réalisé le film sans jamais éviter son côté le plus austère. On assiste aux rondes monotones des gardes dans un couloir étroit, observant les détenus dans leurs cellules. Après avoir été aspergée de merde par Ali, et avoir accepté plus tard ses excuses, Amy communique avec lui lorsqu'elle distribue des livres. Il a dévoré les six premiers tomes de Harry Potter mais n'arrive pas obtenir le septième et dernier de la saga. Ces échanges vont humaniser les rapports entre la garde et le détenu.

Sans doute trop, au goût du caporal Ransdell, qui finit par contrevenir au règlement pour humilier et Cole et Amir dans une scène très dérangeante mais qui résume la situation parfaitement. Cole va vouloir dénoncer ce comportement et comprendre qu'elle est là pour obéir aux ordres comme le commandant de la base obéit à celui de sa hiérarchie : sans discuter. Progressivement, la jeune femme ne peut plus supporter ce qu'elle vit, ce qu'on fait subir aux détenus et le tout culmine dans une longue scène absolument terrible, à la tension extrême.

Sattler offre, non pas une happy end, mais une sorte d'issue plus lumineuse. Mais ce que l'héroïne et le spectateur viennent de traverser laisse un arrière-goût désagréable sur ce que font les Etats-Unis dans cette zone de non-droit, quelque chose d'indigne du pays qui prétend être la plus grande démocratie du monde. Cela n'efface absolument les atrocités commises par les terroristes mais nuancent le regard qu'on porte sur ce qui a été mis en place comme réponse.

Face à Payman Maadi dans le rôle d'Ali, absolument remarquable, et Lance Garrison dans le rôle du caporal Ransdell, abject à souhait, Kristen Stewart démontre encore une fois sa capacité à s'emparer de personnage difficile sans chercher ni à les rendre plus sympathique ni plus antipathique. Son jeu est d'une justesse confondante, frémissante devant les conditions inhumaines des détenus, bouillonnante devant les provocations auxquelles Amy Cole fait face, bouleversante et bouleversée. Quand on observe sa filmographie, encore une fois, on ne peut qu'être épaté par la variété des compositions, mais aussi par l'exigence dont elle fait preuve, préférant des projets indés et des sujets forts au glamour des blockbusters et des histoires tout public.

Inconfortable donc, mais percutant et tout en sobriété qui plus est.

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