dimanche 21 juillet 2024

MUGSHOTS #2 (Jordan Thomas / Chris Matthews)


John Bannan sauve son beau-frère Allan d'une mort certaine face à Ian Woods à qui il était venu demander où est sa faille Grace. Mais ce grabuge a attiré l'attention de Harry Woods et de la commissaire Karen Land, qui sont complices. Cependant, Mary, la soeur de John et femme d'Allan, fait une découverte sur une récent déplacement de Grace...


Tout juste sorti cette semaine, le deuxième numéro (sur quatre) de Mugshots est celui qui m'a convaincu d'écrire sur cette série - dans l'absolu, il faudrait toujours pouvoir procéder ainsi : laisser passer le début pour être certain qu'on va investir dans une série et sa critique, mais, c'est bien connu, le lecteur de comics n'est pas patient et se précipite sur les nouveautés, sans aucun recul...


Cette question de la périodicité est à la fois la force et la limite des comics US : chaque mois les éditeurs et les auteurs fournissent leur dose aux junkies que nous sommes, et quand un épisode a le malheur de sortir en retard, nous honnissons les uns et les autres pour leur manque de professionnalisme, comme s'ils faisaient exprès de nous provoquer.


Sans vouloir jouer le vieux con, je me rappelle que, adolescent, quand j'achetai les revues Lug, les séries Marvel étaient traduites avec plusieurs années de retard et l'offre était loin d'être aussi généreuse qu'aujourd'hui. Comment faisions-nous alors ? Nous sommes devenus impatients, accros, intransigeants. Et nous avons oublié que derrière ces livres, il y a des gens qui travaillent, que ce travail est dur, prend du temps.


Bien sûr, écrire et dessiner des comics, ce n'est pas l'usine, diront certains. A qui je répondrai volontiers, même si c'est facile : essayez donc pour voir. Ecrire, c'est être constamment dans le doute, tenir un rythme. Dessiner, c'est avoir mal au dos, au dos, au poignet, aux yeux. On fait ça par passion mais ça a un prix et peu de valeur vu ce que les artistes sont payés.


C'est pour ça que, quand je lis un comic book aussi bon que Mugshots, je suis à la fois complètement disponible, indulgent et admiratif. Les épisodes ne sortent que tous les deux mois, OK, mais ce sont de superbes épisodes, une super série, faits par des gens investis à tous les niveaux de la chaîne de production, et qui, en prime, ne cherchent pas la facilité.

Cet épisode en témoigne remarquablement : l'intrigue s'étoffe puissamment et les scènes alternent dans des ambiances très différentes pour un ensemble d'une cohésion épatante. Encore une fois, le dessin de Chris Matthews m'impressionne par sa manière de composer avec un casting riche et bien typé, des tonalités simples mais intenses, des décors variés mais épurés.

Tout est d'une fluidité à la lecture qui a de quoi laisser pantois. Deux scènes d'action, celles où on peut vraiment tester la narration d'un artiste, se distinguent : en ouverture, quand John porte secours à son beau-frère avec l'aide son pote Matty dans le club de Ian Woods. Voilà une bagarre exemplairement traitée sur le plan visuel avec une grande diversité d'angles de vue, des plans choisis, des valeurs de plan d'une justesse imparable. Le flux de lecture est excellent, le regard du lecteur est incessamment guidé sur le point le plus important de l'image.

Plus loin, John sort du commissariat. Il est étonné d'être relâché aussi vite par une commissaire qui lui a avoué juste avant qu'elle n'attendait qu'une chose : le boucler définitivement au prochain faux pas. Il a raison de se méfier car on lui a tendu un piège : des hommes de Harry Woods l'attendent pour lui faire sa fête. Il doit leur échapper en attendant l'arrivée de Matty. Chris Matthews favorise les plans larges pour cette scène, avec des cases qui occupent toute la largeur de la bande. Cette option l'oblige donc à travailler la profondeur de champ mais il le fait astucieusement avec un plan quasiment fixe, sans changer, là, d'angle de vue, l'équivalent d'un plan-séquence au cinéma en somme. 

Et donc on voit John éviter d'être percuté par la voiture des malfrats, courir, atteindre le grillage qui le sépare d'un terrain, l'escalader, et finir sa course, débarrassé de ses assaillants. La tension suivie de la détente avec laquelle John retrouve Matty, qui arrive enfin sur place, donnent lieu à une scène magnifique, une vraie leçon de storytelling, d'une limpidité à enseigner dans les écoles. Je n'exagère pas (d'ailleurs j'ai posté un extrait avec la quatrième page ci-dessus).

Jordan Thomas est aussi in scénariste de première classe. Après l'exposition des faits dans le premier épisode, il accélère, mais sans brusquer : comme je l'avais dit dans ma précédente critique, Mugshots s'appuie avant tout sur les affaires de famille (celle de John, celle de Harry). On apprend ici, de manière très dialogué (et quels dialogues !), que la mère de John et Mary a été tuée par leur père, qui depuis croupit en prison. C'est un sale type déjà pour ça mais aussi parce qu'on devine aussi qu'il abusait de sa fille sexuellement. 

Mais alors qu'est allée faire Grace, quelques jours avant sa disparition, en lui rendant visite en prison ? La toute dernière page nous le révèle et ça, mes amis, c'est un putain de cliffhanger ou je n'y connais rien. On n'est pas plus avancé sur le kidnapping de la jeune fille, mais en revanche, sur l'état de sa situation avec Ian Woods, c'est tout autre chose.

Une autre partie importante concerne la relation entre la commissaire Land et Harry Woods, qui sont de mèche. Ce qui signifie que, maintenant que ces deux-là savent que John est revenu à Brighton, ça va chauffer pour notre héros, qui n'avait déjà pas la tâche aisée. Le script est malin mais surtout prodigieusement bien construit : Thomas ajoute des éléments, mais dosant ses effets, en veillant toujours à ne pas égarer le lecteur, il maintient une tension permanente qui s'exerce aussi bien sur les personnages que sur le lecteur. Et c'est pour ça qu'on en redemande, qu'on est accroché.

Mugshots est une révélation. On se donne rendez-vous en Septembre pour le n°3...

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