jeudi 6 juin 2024

X-MEN #35 (Legacy #700) (Gerry Duggan, Al Ewing, Kieron Gillen) / Joshua Cassara, Phil Noto, Lucas Werneck, , Leinil Yu, Walter Simonson, John Romita Jr., Mark Brooks, Jerome Opeña, Luciano Vecchio, Stefano Caselli, Sara Pichelli

Hier paraissait le n°35 de la série X-Men. Ou bien le n°700 si on compte tous les épisodes parus, tous volumes confondus. Mais pour tous ceux qui ont suivi la franchise X depuis 2019, c'était surtout le dernier n° de l'ère de Krakoa, initiée il y a cinq ans par Jonathan Hickman. Une page importante de l'histoire des mutants trouve donc sa conclusion avec un très volumineux épisode de plus de 80 pages, co-écrit par Gerry Duggan, Al Ewing et Kieron Gillen, les trois principaux architectes de la franchise depuis le départ de Hickman.
 
Si j'ai abandonné la lecture des séries depuis quelques mois, avec le début des deux minis Fall of the House of X et Rise of the Powers of X, je tenais quand même à être là pour découvrir la fin de cette époque qui m'a globalement enthousiasmé, avant une relance à partir du mois prochain, avec de nouvelles équipes créatives et surtout un nouvel editor en la personne du vétéran Tom Brevoort.



Mais d'abord, tentons de résumer ces cinq dernières années de publication :

Charles Xavier, Magneto et Moira McTaggert s'allient pour fonder la nation mutante de Krakoa sur l'île vivante du même nom. Moira a le pouvoir de ressusciter et elle se rappelle toutes ses vies antérieures. Alors qu'elle est dans sa dixième et dernière vie, elle convainc Xavier et Magneto de son projet de refuge pour les mutants du monde entier.
Bien que Krakoa connaisse des problèmes en interne (comme toute nation), elle a un ennemi principal : l'organisation Orchis, rassemblant des savants experts dans le domaine de l'intelligence artificielle et partenaire de la sentinelle oméga, Karima Shapandar, venue du futur, qui a vu les mutants dominer et exterminer la race humaine et les robots.
Chaque année, sur les îles Mykines, se tient le gala du club des damnés où les mutants invitent les super-héros et les personnages les plus influents du monde. Ceux-ci sont d'abord témoins de la colonisation par les mutants de la planète Mars rebaptisée Arakko. Puis de la formation tous les douze mois d'une nouvelle formation de X-Men.
La domination des mutants ressemble de plus en plus au futur dont vient la sentinelle oméga, désormais épaulé par Nimrod, un robot surpuissant créé par Orchis. Orchis décide donc de frapper lors de la troisième édition du gala au cours de laquelle Xavier est forcé par l'ennemi de faire passer à sa communauté des portails dimensionnels les éloignant de la Terre. Ceux qui résistent à cette injonction télépathique prennent le maquis.
Ce que tous ignorent, c'est que les mutants exilés se trouvent désormais dans le royaume de la force Phénix, hors de l'espace et du temps, à l'abri, mais où les années défilent plus vite. Ils n'en sortiront que pour soutenir les efforts des résistants dans leur réplique contre Orchis à laquelle, pour la détruire de l'intérieur Xavier a fait mine de s'allier mais condamnant à mort de nombreux humains.
Nimrod et la sentinelle vaincus, les X-Men n'ont plus qu'une dernière mission à remplir : capturer Xavier pour le juger. Mais celui-ci s'est rendu aux autorités humaines...

C'est là que démarre ce 35ème épisode de X-Men.


Un convoi emmène Xavier dans une prison spécialement conçue pour lui par Reed Richards et Tony Stark lorsque Wolverine le stoppe et s'apprête à tuer son ancien mentor. Mais Magneto l'en empêche et évacue Xavier pour une discussion entre quatre yeux.
 

Cependant, Krakoa revient dans notre dimension et les X-Men retrouvent leurs semblables disparus depuis quelques semaines pour eux mais en vérité plus vieux de quinze ans durant leur séjour dans le royaume de la force Phénix. L'un des enfants de Krakoa, Kafka, explique que pendant cette période les habitants de Krakoa ont profondément modifié le mode de fonctionnement de la vie sur l'île.


Désormais, ils vivent dans une utopie pacifiste et seuls ce qui le désirent pourront retourner vivre au milieu des humains. Dans 24 heures, Krakoa disparaîtra à nouveau pour s'établir ailleurs dans l'espace-temps. Cela bouleverse les partisans les plus zélés de l'ancienne communauté, dont Exodus, mais surtout Apocalypse qui refuse ce projet, estimant qu'il trahit la vocation initiale de Krakoa et la volonté des mutants de lutter pour imposer leur nation.


La position d'Apocalypse déclenche un affrontement entre les mutants qui le soutiennent et ceux qui s'y opposent. Le Dr. Fatalis est aux premières loges pour observer le conflit des générations tandis que Magneto livre finalement Xavier aux humains...
  

Lorsque Jonathan Hickman a relancé la franchise X en 2019 avec les deux mini-séries connectées House of X et Powers of X, il avait mis au centre de son projet Krakoa, l'île vivante devenant la nation des mutants. Reconnue par certains pays, elle allait s'imposer comme une force incontournable grâce notamment à sa médecine révolutionnaire et son statut de refuge pour tous les mutants, accueillant dans son gouvernement d'anciens mauvais mutants.
 

La pandémie de Covid-19 et des désaccords avec l'editor Jordan White ont eu raison de la patience et des développements imaginés par Hickman qui quitta la navire en 2022 au terme d'une nouvelle mini-série, Inferno. Par la suite, White décida de ne pas remplacer Hickman comme principal architecte de la franchise, préférant s'appuyer sur trois auteurs, Gerry Diuggan, Al Ewing et Kieron Gillen. Ceux-là même qui, aujourd'hui, doivent boucler l'ère de Krakoa.
 

Passer après Hickman a fait de la franchise un objet à la fois plus varié dans ses propositions mais aussi plus bancal. On y trouvait un titre très classique dans sa formule comme X-Men (par Duggan) qu'une série politique comme Immortal X-Men (par Gillen) ou space opera comme X-Men Red (par Ewing), à côté de mensuels comme X-Force et Wolverine (par Benjamin Percy, dans un registre all-action). En route, des réussites comme New Mutants (par Vita Ayala) passèrent à la trappe et beaucoup de mini inégales virent le jour. Puis, la fin approchant, deux séries connectées furent lancées pour boucler la boucle (Fall of the House of X et Rise of the Powers of X, bien moins abouties et accessibles que HoX/PoX).


Sans décortiquer ce dernier épisode, on dira qu'il fait le job. Cela ne témoigne peut-être pas d'un enthousiasme délirant mais au moins Duggan, Ewing et Gillen ont rangé les jouets proprement, dignement. Is ont surtout laissé la porte ouverte à un deuxième âge de Krakoa, même si on peut douter que celui-ci voit le jour dans un futur proche (et même lointain).

Le cas de Charles Xavier est réglé de manière intelligente, sans l'enfoncer plus qu'il ne le faut malgré ses ultimes écarts moraux. En revanche, ceux qui n'auront pas suivi les derniers mois de la franchise seront sans doute plus songeurs en ce qui concerne Magneto (mort et ressuscité, mais surtout rajeuni). 

La vraie faute de cet épisode renvoie au traitement d'Apocalypse : Hickman et ensuite dans une moindre mesure Ewing en avaient fait un des acteurs les plus intéressants de cette période, et le voir affronter à nouveau les X-Men n'est vraiment pas à la hauteur. Si jamais il devait revenir en méchant, ce serait un énorme gâchis et un acte paresseux de la part des futurs auteurs.

Le rythme de l'histoire est soutenu malgré la densité des informations délivrées par les trois scénaristes. L'effort est louable car sans ça, le résultat aurait tout eu du récit trop plein, indigeste. En revanche, la transition avec la suite, post-Krakoa, est totalement absente (alors que Marvel a lourdement insisté pour prétendre le contraire, assurant que la fin de l'épisode et le début des nouvelles séries seraient parfaitement fluides et logiques). On sent bien que, malgré les déclarations de bonne intention, le passage de relais entre Jordan White et Tom Brevoort n'a pas eu lieu et que les auteurs n'ont pas davantage communiqué. A moins que Gail Simone, Jed MacKay et Eve Ewing (les trois principaux nouvelles têtes pensantes de la franchise) s'en chargent dans les n°1 de leurs séries...

Pour ma part, j'avais misé sur un reboot car Rise of the Powers of X semblait indiquer une pirouette temporelle remettant les compteurs à zéro vu ce qui se passait dans Fall of the House of X (où les X-Men tuaient un nombre incalculables d'humains). Mais je me suis trompé et il semble donc bien que ça va repartir sur la base de mutants considérés à nouveau comme des menaces pour l'humanité, véritablement hors-la-loi, traqués pour crimes.

Sachant que Marvel n'a jamais été très regardant sur la responsabilité de ses héros, je me demande donc si les futures séries X vont vraiment creuser cet aspect (c'est-à-dire traiter les X-Men qui ont tué comme de véritables fugitifs qu'il faut juger) ou s'en tenir aux violons mélodramatiques (c'est-à-dire nous chanter une nouvelle fois qu'ils sont la métaphore des humains persécutés à cause de leur couleur de peau, leur religion, etc. - ce serait vraiment d'une lâcheté sans nom dans la situation post-Fall of the House of X). Mais quand on sait que Wolverine ou Kitty Pryde sont parmi ceux qui ont le moins hésité à éliminer des humains dernièrement, je doute que Marvel et les auteurs les traînent en justice et se contentent de les écrire comme de pauvres bougres victimes des circonstances. Dommage...

La partie graphique est assurée par pas moins de 11 artistes : celui qui a le plus produit ici est Phil Noto, sans doute parce que c'est le plus rapide et qu'il assume dessin et colorisation. Joshua Cassara vient ensuite, avec un style plus vigoureux (que j'aimerai désormais voir sur The Immortal Thor, puis que Martin Coccolo dessinera Wolverine). Lucas Werneck signe quelques belles planches, meilleures qu'à son habitude. Jérome Opeña livre une séquence avec Wolverine, Deadpool et Diablo de toute beauté et très violente. John Romita Jr., Walter Simonson et Mark Brooks se fendent chacun d'une pleine page d'action. Stefano Caselli a trouvé le temps de produire deux planches. Idem pour Sara Pichelli. Et Luciano Vecchio ferme la boutique.
 

J'en ai encore. Je vous le mets quand même ? Allez, zou ! Pas de numéro comme ça sans faire une place à Papy Chris Claremont à qui Marvel verse son chèque pour ne rien faire (alors qu'il serait bien plus légitime que n'importe quel editor pour superviser la franchise).


Avec le médiocre Salvador Larroca, le scénariste iconique des X-Men livre quelques pages sur la famille recomposée de Destinée et Mystique avec leur fils Diablo et leur fille Malicia. C'est touchant et surtout fait par quelqu'un qui connaît sur le bout des doigts ces personnages.


S'ensuit ce qui n'est rien d'autre qu'un gros teaser pour la relance de la franchise : Jed MacKay et Gail Simone avec l'excellent Javier Garron au dessin nous montrent à quoi ressembleront leurs séries (respectivement X-Men avec les dessins de Ryan Stegman et Uncanny X-Men avec les dessins de David Marquez), avec des postulats plutôt bizarres (Cyclope et ses suiveurs en Alaska (!) et Malicia et Gambit à la Nouvelle-Orléans.
 

Les deux auteurs présentent aussi la situation de Kitty Pryde, qui a décidé de quitter les mutants. Mais évidemment ça ne durera pas puisqu'elle sera la co-vedette (avec Emma Frost) de X-Ceptional X-Men (de Eve Ewing et Carmen Carnero).


Puis on passe en revue les autres mutants dont Brevoort a désormais la charge : Wolverine, Ms. Marvel, Havoc, Tornade, Dazzler, Forge (pour les séries Wolverine, NYX, X-Factor, Storm, Dazzler, X-Force)...


... Et enfin Jean Grey, désormais dans l'espace, à nouveau en communion avec la force Phénix (pour la série Phoenix).


Je me demande encore si je vais suivre ça. La série la plus aguicheuse est sans doute Uncanny X-Men par Simone et Marquez, qui rassemble des personnages très populaires (Malicia, Gambit, Daiblo, Wolverine, Jubilé). X-Men de MacKay et Stegman ne m'attire pas du tout. X-Ceptional X-Men m'aurait bien plu pour Carmen Carnero, mais Eve Ewing n'est pas motivante. Wolverine, non merci. Je ne crois pas à la pérennité de séries consacrées à Phoenix, Storm, Dazzler ou NYX. X-Force davantage, mais ce sera sans moi. Idem pour X-Factor. Il y a déjà, à mon goût, trop de séries (et pourtant ce n'est pas fini !).

C'est vraiment une page qui se tourne. Et si ça aura été bien pendant trois ans (le bail de Hickman), désormais, l'offre de Brevoort me semble un retour en arrière peu engageant. Mais je peux me tromper, et peut-être craquerai-je quand même.

1 commentaire:

  1. Salut RDB,
    je ne commente jamais (j'ai déjà largement assez squatté le blog de Phil pendant des années pour le faire ailleurs).

    Merci pour cet article qui me permet de comprendre un peu de ce qui s'est passé ces dernières années sur les X-Men.

    J'ai aimé cette série, je l'ai détesté sans vraiment même pouvoir la lire (découpage illisible à mes yeux, retours en arrière, retournements et régression improbables, sans parler des morts provisoires de... tout le monde en fait).

    Bref, une fois n'est pas coutume, je salue tout ce boulot à la destination d'invisibles visiteurs occasionnels comme moi.

    Laurent

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