jeudi 20 juin 2024

ULTIMATE SPIDER-MAN #6 (Jonathan Hickman / Marco Checchetto)


Peter Parker rentre chez lui avec un gros oeil au beurre noir. Il tente de faire croire à sa femme et ses enfants qu'il a simplement fait une mauvaise chute mais May, sa fille, révèle le secret de sa double vie. Sommé de s'expliquer, il raconte alors la soirée qu'il vient de passer en compagnie du Bouffon Vert..


Ce sixième épisode de Ultimate Spider-Man marque la fin du premier arc écrit par Jonathan Hickman et le retour au dessin de Marco Checchetto. Il y a donc tous les ingrédients pour se régaler... Et c'est le cas : cet épisode est jouissif !


Finalement, sur le plan de la construction, du rythme, Ultimate Spider-Man 2024 n'est pas si différent de celui de 2000 quand Brian Michael Bendis et Mark Bagley étaient commandes. La narration est volontiers décompressée, avec une volonté évidente de poser les bases d'un nouvel univers, très différent du premier mais comportant son lot de surprises.


En vérité, Hickman paraît très sage dans cette série : elle n'abrite aucun grand concept auquel il nous a habitués, ces six premiers épisodes misent tout sur les personnages, leur caractérisation, leurs rôles souvent étonnants dans leur manière d'être configurés. C'est déroutant mais rafraîchissant aussi.
 

Surtout on sent chez le scénariste cette envie de faire des pieds de nez constants aux fans mais aussi à une direction éditoriale qui a muselé les auteurs dans l'univers classique du Tisseur. Les exemples les plus frappants sont le fait que Peter est marié à Mary Jane, a des enfants avec elle, que Ben Parker n'est pas mort, que Harry Osborn est l'époux de Gwen Stacy, ou encore que le Caïd Wilson Fisk revient dans le giron des ennemis de Spider-Man (comme il le fut avant d'être récupéré par Frank Miller pour Daredevil).

Mine de rien, ça fait beaucoup de choses à intégrer mais, alors qu'on croit souvent impossible de renouveler de vieux héros comme Spider-Man (ou Superman chez DC), en déplaçant quelques éléments, cette sensation de nouveauté se fait jour, non par quelques astuces réellement originales mais par un décalage avec ce dont on a l'habitude. En cela, ce n'est pas si différent, même si appliqué à une échelle plus modeste, que ce que Hickman avait fait pour X-Men en s'écartant du dogme des mutants persécutés en équipe au profit d'une nation toute entière et souveraine.

Dans ce numéro, on assiste à l'affrontement attendu entre Spider-Man et le Caïd avec le Bouffon Vert qui est aussi de la partie. Comme on pouvait s'y attendre, puisque Hickman a souligné à quel point Peter Parker était encore un débutant en tant que super-héros, la bagarre ne tourne pas comme prévu. Elle montre aussi à quel point Harry Osborn, qui affichait une assurance proche de la suffisance, n'est pas, lui non plus, prêt comme il le prétendait.

L'épisode accorde autant de pages à cette bataille qu'à ses répercussions puisque Peter Parker rentre chez lui le visage tuméfié et ne peut plus cacher son secret. Hickman ausculte alors les réactions des enfants mais aussi de Mary Jane et là encore, il arrive à surprendre tout en donnant au lecteur ce qu'il attend (comme le fait que, enfin, Peter adopte le pseudonyme de Spider-Man).

Visuellement, même si David Messina n'a vraiment pas démérité ces deux derniers mois, le retour de Marco Checchetto au dessin fait plaisir. L'italien s'est reposé et il revient au maximum de sa forme pour un numéro qui lui permet de briller dans les exercices où il est particulièrement fort.

La baston à trois entre Fisk, Peter, et Harry est authentiquement épique, avec une puissance qui s'en dégage très impressionnante. Fisk a rarement été aussi brutal et massif et dangereux. Il est un adversaire terrifiant. La manière dont il réussit à malmener les deux intrus dans son bureau possède une intensité à même de combler n'importe quel fan de ce genre de scène.

Puis ensuite, donc, il y a l'échange entre les membres de la famille Parker. Checchetto a toujours eu cette aisance pour traduire par les gestes, les attitudes, les sentiments qui animent ses personnages. Il n'a pas l'expressivité des visages des spécialistes du genre comme Kevin Maguire ou Stuart Immonen, en revanche il sait composer des plans où chaque protagoniste trouve sa place harmonieusement, varier les angles de vue, les valeurs de plan, et surtout bouger à l'intérieur du cadre de telle manière qu'on saisit tout de suite ce que la situation lui inspire.

Enfin, je ne l'ai jamais mentionné jusqu'ici mais la série bénéficie d'un maître coloriste avec Matt Wilson et on peut apprécier le talent avec lequel il valorise le dessin de Checchetto mais aussi comment il établit les ambiances du récit écrit par Hickman.

Ultimate Spider-Man est une franche réussite, quand bien même faut-il en passer par quelques épisodes dessinés par un fill-in (mais on n'est pas mal loti). J'attends avec appétit la suite.

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