mercredi 26 juin 2024

CAFE SOCIETY (Woody Allen, 2016)


Années 1930. Benjamin d'une famille juive de New York, Bobby Dorfman, las de travailler avec son père bijoutier, part pour Los Angeles avec l'espoir que son oncle Phil, prestigieux impresario, lui donnera un job dans son agence. Pour lui faire visiter la ville où il sera son coursier, Phil confie Bobby à sa secrétaire Veronica "Vonnie" Sybil dont le jeune homme tombe amoureux au premier regard.
  

Mais elle le prévient qu'elle a déjà une liaison avec quelqu'un - sans lui dire qu'il s'agit de Phil. A l'occasion du premier anniversaire de leur rencontre, Vonnie offre à ce dernier une lettre autographe de Rudolph Valentino lors d'un dîner aux chandelles dans un restaurant; Phil lui avoue alors qu'il met un terme à leur aventure, car il est incapable de quitter sa femme.


Vonnie trouve du réconfort auprès de Bobby et finit par l'aimer. Mais de son côté Phil regrette sa décision et il s'en ouvre à son neveu qui lui annonce son intention de rentrer à New York pour y épouser Vonnie. Dévasté, Phil revoit Vonnie pour la supplier de lui pardonner et lui promet qu'il va divorcer. Bobby découvre la lettre autographe de Valentino dans le bureau de son oncle et comprend tout.


Vonnie lui déclare préférer rester à Hollywood auprès de Phil. Le coeur brisé, Bobby rentre donc sur la Côte Est et devient le collaborateur de son autre oncle, Ben, un gangster qui a acquis une boîte de nuit dont il lui confie la gestion. C'est là, au "Café Society", que Bobby rencontre une autre Veronica...


A partir de 2005, conscient que son cinéma tourne en rond, Woody Allen décide de tenter de nouvelles expériences. Il part à Londres tourner Match Point, qui sera un gros succès, dans lequel il dirige notamment Scarlett Johansson qu'il retrouve l'année suivante pour Scoop puis en 2008 pour Vicky Cristina Barcelona.


Johansson va devenir une source d'inspiration pour ses collègues et le cinéaste au-delà de leurs trois collaborations car Allen, requinqué, recrute alors de nouvelles têtes, comme Evan Rachel Wood (Whatever Works), Ewan McGregor et Colin Farrell (Le Rêve de Cassandre), Cate Blanchett (Blue Jasmine), Emma Stone (Magic in Moonlight, L'Homme irrationel), Marion Cotillard (Minuit à Paris)... En une dizaine d'années et autant de longs métrages, vous ne trouverez pas quelqu'un qui a aussi bien servi ses comédiens que Allen.
  

Et donc en 2016 Kristen Stewart mais aussi Jesse Eisenberg, Blake Lively, Steve Carrell pour Café Society. Ce sang neuf dynamise les histoires de Allen qui renoue avec cette légèreté pleine d'humour mais aussi cette mélancolie romantique dans lesquelles baignent ses meilleurs opus (Annie Hall ou Manhattan).

Pour Café Society, il s'inspire des années 30 avec tout le glamour fantasmé qu'elles véhiculent, les femmes dans de belles toilettes, les hommes élégants dans leurs complets, dans le cadre des studios hollywoodiens et des clubs new yorkais et une dose de gangstérisme. Tous ces clichés, le cinéaste les absorbe et s'en sert pour donner à son histoire une patine chic et nostalgique.

On suit donc Bobby Dorfman, un jeune homme naïf qui part tenter sa chance à Los Angeles en comptant sur l'entregent de son oncle, un agent artistique réputé. Mais il tombe surtout amoureux de la belle Vonnie qui, il l'ignore, est justement la maîtresse de son oncle. Ce dernier fait miroiter à la jeune femme la belle vie dès qu'il aura trouvé le courage de demander le divorce à son épouse. Et Vonnie, qui finit par être abandonnée, tombe dans les bras du neveu de son amant.

Mais la romance tourne court à cause d'un quiproquo très habilement amené : le spectateur est dans la confidence et compatit pour le pauvre Bobby quand il se fait plaquer et rentre à New York. Le chanceux ne reste toutefois pas seul bien longtemps quand une très jolie divorcée lui tape dans l'oeil. Et, tiens, elle se prénomme Veronica comme Vonnie (dont c'est le diminutif). Alors, heureux ?

Woody Allen raconte presque toujours ce genre d'intrigues amoureuses compliquées dans lesquelles les femmes décident, souvent involontairement, du sort des hommes qui sont fous d'elles. Allen acteur a d'ailleurs souvent joué le rôle de ce type infortuné puis veinard mais jamais vraiment comblé car déchiré entre deux coups de coeur. Mais avec Café Society, il touche au sublime tant l'enchaînement des péripéties est fluide.

Découpé en deux actes bien nets, le film est complété par des subplots, comme celle qui concerne l'oncle Ben, un gangster de la pire espèce, qui se pense intouchable et qu'on appelle en cas de besoin, qu'il s'agisse de trouver un boulot ou de calmer un voisin trop bruyant. Son traitement est hilarant et Corey Stoll le joue en imitant à la perfection Robert de Niro jusqu'à la fin de son parcours, irrésistible. 

Après avoir été un réalisateur classique qui se préoccupait surtout de servir sobrement ses scripts, Allen a dans les années 90 tâté du "dogme" des jeunes danois puis est revenu à une forme plus simple. Avec les années 2010, il porte à l'image un soin particulier en s'associant à des directeurs de la photo prestigieux comme Remi Adefarasin, Vilmos Zsigmond, Javier Aguirresarobe, Darius Khondji, et donc Vittorio Storaro. Café Society a donc ce cachet visuel qui lui donne l'aspect d'un film ayant coûté plus cher que son budget ne le dit.

Alors qu'on loue souvent sa direction d'acteurs, Allen corrige en affirmant que l'essentiel de son travail se passe au moment du casting, n'exigeant ensuite de ses interprètes que deux choses : être ponctuel et savoir leur texte. Jesse Eisenberg ne peut pourtant pas se retenir de faire comme nombre de ses pairs avant lui, c'est-à-dire imiter son réalisateur, avec un débit bégayant, une attitude gauche - mais bon, il le fait avec assez de retenue. Blake Lively est absolument divine et on comprend sans effort qu'elle fascine son partenaire. Steve Carrell s'empare avec gourmandise du veule Phil. Et Kristen Stewart a rarement été aussi somptueusement filmée : dommage qu'elle et Allen n'aient pas retourné ensemble.

Cruel, touchant et drôle, Café Society est un must pour tous les fans de Woody Allen. Et au-delà pour tous ceux qui aiment les comédies romantiques de première classe.

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