mercredi 12 juin 2024

G.O.D.S. #8 (Jonathan Hickman / Valerio Schiti)


100 ans dans le futur. La guerre des dieux s'est achevée. Le Dr. Strange et Mia di Maria sont les vainqueurs et obtiennent des vaincus une reddition complète et définitive. Wyn retrouve Aiko après avoir disparu pendant 80 ans et sans aucun souvenir de ce qui lui est arrivé, même s'il sait que ce qui s'est passé à contrarié l'Intermédiaire. Mais Wyn, quel qu'en soit le prix, veut savoir pourquoi il ne souvient plus...


On commence par une bonne nouvelle ? G.O.D.S. aura bien une suite. Je ne sais pas quand, mais si on prend la peine de lire le courrier des lecteurs dans ce huitième numéro, on découvre que Martin Biro, un des editors de la série, confirme cette information. 


Ensuite, après avoir effectivement lu cet épisode, c'était évident que Jonathan Hickman n'allait pas en rester là. C'est même ce qui rend la critique dudit épisode si délicate car le scénariste désoriente complètement le lecteur, à dessein, quitte à le frustrer, voire le faire enrager.


G.O.D.S. #8 est-il seulement un bon épisode ? En tout cas, il va diviser. Pas ceux qui ont déjà jugé la série comme étant un pétard mouillé parce qu'elle se déroule en marge de tout ce que Marvel produit actuellement (même en comptant la présence du Dr. Strange). Mais c'est vrai que c'est aussi le moyen d'échapper à un tie-un de Blood Hunt par exemple. Et surtout de souligner que Hickman joue dans son coin, privilège certainement âprement acquis mais condition sine qua non pour que Marvel dispose de son talent.


Revenons au contenu de l'épisode. Dans le précédent, paru en Avril, on apprenait que Dimitri était parti rechercher son père après avoir brièvement sauvé sa mère. Mais il n'avait pas donné de nouvelles depuis et Wyn avait retrouvé son matériel et récupéré son assistant personnel. On pouvait s'attendre légitimement à apprendre la suite et fin de cette aventure. Mais autant vous prévenir tout de suite, ce n'est pas vraiment le cas.


Certes, on voit ce qu'il est advenu de Dimitri, mais Hickman ne s'attarde pas. Il n'a jamais été un sentimental et ça se confirme ici. En même temps, on n'avait pas grand espoir de revoir le "science boy" vivant après sa mission suicidaire. Oui, je spoile, mais ce n'est pas bien grave à côté de ce qui suit.

Parce que la vraie grosse surprise de ce numéro, c'est l'ellipse énorme qu'ose Hickman : l'action se situe 100 ans dans le futur. Une guerre entre divinités s'est soldée par la défaite sans appel d'un camp. Le Dr. Strange et Mia di Maria, tous deux vieillis, sont dans le camp des vainqueurs, on peut même deviner que ce sont eux qui ont donné l'avantage et obtenu la reddition inconditionnelle des perdants. Wyn est là aussi, mais on va vite apprendre qu'il a disparu pendant 80 ans, et qu'il n'a aucun souvenir de ce qui lui est arrivé.

Lorsque les autres évoquent sa situation, la formule se répète : c'est mieux pour lui qu'il ne souvienne pas. Il n'insiste pas pour interroger ceux qui, eux, le savent parce qu'il a déjà un plan pour le découvrir, et seul qui plus est. La seule chose qui le trouble vraiment plus que ça, c'est quand Aiko lui avoue qu'elle est prête à revenir à ses côtés et même plus, qu'elle aurait dû ne jamais le quitter, renonçant même à devenir une centivar de l'Ordre-naturel-des-choses.

Après avoir récupéré le matériel de Dimitri, et en infiltrant une base de l'A.I.M., Wyn entreprend un voyage dans le temps. Hickman s'amuse alors avec ce qu'il préfère : être là et ailleurs mais en même temps, jouer sur deux tableaux à la fois. Un procédé qu'il avait par exemple exploité dans House of X / Powers of X. On suit donc le Wyn que nous connaissons depuis le début, donc le Wyn immortel, avatar du Pouvoir-en-place, à travers différentes époques. Nous découvrons tout ce qu'il a traversé à travers les âges, d'abord comme dans un zapping effréné, puis qui va se poser sur quelques instants-clés.

Ainsi, nous assistons au moment où il a rencontré la Mère de la Magie juste après la mort de ses parents. Puis quand il atterrit dans le repaire de l'Intermédiaire, entouré de ses Cygnes noirs, qui sont ses agents, et qui est le responsable de l'amnésie de Wyn (mais aussi de la folie qui a gagné le Dr. Strange - donc l'issue de la guerre qui a eu lieu a déplu à l'Intermédiaire et il s'est vengé de Wyn et de Strange en les contaminant dès le début des hostilités). Ensuite, Wyn arrive chez lui, plus âgé, devenu un ermite. Et enfin, il aboutit au moment où sa vie a complètement basculé et où la Mère de la Magie lui fait une offre très tentante...

Le premier réflexe, la première pensée que j'ai eu en terminant ma lecture a été une interrogation perplexe. Qu'est-ce que Hickman a fait, a voulu dire ? C'est comme si, entre le n°7 et le n°8, tout un tas d'épisodes manquaient. C'est un sentiment très frustrant, comme si la série avait en fait été annulé et que l'auteur avait conclu en sautant un maximum d'étapes pour arriver à la conclusion qu'il avait quand même prévue.

Et puis, j'ai relu l'épisode. Et je l'ai alors fait en tenant compte de l'information donnée par Martin Biro, donc que G.O.D.S. aurait une suite, que ce n'était que le premier acte. Et là, l'excitation m'a saisi. En vérité, ce geste audacieux, cette ellipse d'un siècle, la quête de Wyn en remontant le temps, l'offre que lui fait la Mère de la Magie, tout ça est en vérité non seulement incroyablement culotté mais terriblement excitante.

J'ignore ce que Hickman racontera dans la suite de sa série, mais on peut imaginer qu'il revienne sur ce qui s'est passé durant ce siècle, comment la guerre s'est déclarée et déroulée. Il y a là assez de matière pour encore quelques sacrés épisodes. Ou alors il peut choisir de ne pas revenir sur ces événements et reprendre sur la réponse de Wyn à la Mère de la Magie, et là deux directions s'ouvrent à la série (s'il accepte l'offre, ou la refuse : dans les deux cas, les conséquences sont énormes). Ou bien carrément repartir avec de nouveaux personnages, une nouvelle intrigue. Ou bien raconter comment Dimitri n'a pas pu revenir. Ou comment Mia est devenu ce qu'on voit d'elle au début de ce chapitre 8. Ou...

Le champ des possibles est infini. Et n'est-ce pas ce que G.O.D.S. ambitionnait vraiment ? Explorer le panthéon cosmique de Marvel, redesigner ses figures, établir de nouvelles forces (le Pouvoir-en-place, l'Ordre-naturel-des-choses) et d'autres déjà connues (L'intermédiaire, les Cygnes noirs, l'Oubli, le Tribunal Vivant...), et écrire cela de telle manière qu'on voit bien que ce n'est accessible qu'à des personnages initiés mais dont le lecteur devient le témoin privilégié.

Là où certains n'aiment pas ou ont été déçus que G.O.D.S. ne soit pas davantage connecté au reste de la production Marvel, moi, j'ai précisément adoré cette série parce qu'elle m'emmenait ailleurs, qu'elle ne dépendait pas des séries régulières, que les personnages les plus familiers n'y étaient que des invités, des guests. C'était rafraîchissant, dépaysant, et pas moins passionnant, captivant, drôle, flippant, spectaculaire. J'aimerai tant que Marvel sorte plus de projets comme ça au lieu de tout miser sur l'univers partagé, l'inter-connection des séries à outrance, ponctués par des events, des crossovers, etc. Parce que, d'abord, avant tout, ça permet à des auteurs de se lâcher, de proposer autre chose, sans que ce soit des What if...?.

Le suite de ce projet dépendra sans doute en partie désormais de la disponibilité de Valerio Schiti, qui va devenir le nouvel artiste régulier de la série Avengers (à partir du #18). Il a accompli son meilleur travail sur ces huit épisodes, même si on sent dans cet ultime chapitre qu'il est parfois moins flamboyant, un peu vidé. Mais il a tout donné, produit des images mémorables, des séquences superbes, servi l'imaginaire débridé de Hickman comme peu l'ont fait avant lui. En tout cas, on n'imagine pas que le scénariste se passe du dessinateur pour de futurs épisodes.

Hickman a-t-il déjà commencé à écrire la suite ? C'est le secret des dieux (et comme il n'est plus sur aucun réseau social, impossible d'essayer de l'interroger - quand bien même ce serait possible, il ne dirait certainement rien car il maîtrise sa communication mieux que tous les responsables de Marvel réunis). On sait juste que son prochain tube sera une mini Wolverine, avec Greg Capullo (en 5 n°). G.O.D.S. acte II ne sera donc pas de retour avant 2025.

Mais d'ici-là, vous pourrez vous procurer le recueil en v.o., dispo début Août, ou en v.f., à l'Automne, chez Panini (avec une version collector en noir et blanc...). L'occasion de vous plonger dans ce que Marvel aura publié de plus renversant en 2024.

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