samedi 22 juin 2024

CHARLIE'S ANGELS (Elizabeth Banks, 2019)


A Rio de Janeiro, Jane Kano et Sabina Wilson, deux "anges" de la Townsend Organisation, arrêtent Jonny Smith, un trafiquant qu'elles livrent à leur formateur-superviseur, John "Bosley", qui lui-même le remet aux autorités américaines ensuite.
 

Un an plus tard. Elena Houghlin, une ingénieur, tente de dissuader Peter Fleming, le chef marketing de l'homme d'affaires Alexander Brok, de ne pas commercialiser tout de suite le programme Calisto qui n'a pas encore subi tous les tests nécessaires. Mais celui-ci n'en tient pas compte. Cependant, John "Bosley" participe à son pot de départ organisé par celle qui va lui succéder à la tête des "anges", Rebekha, et reçoit les félicitations de Charlie Townsend, le chef de cette organisation de contre-espionnage.


Edgar "Bosley", lui, rencontre en secret Elena Houghlin qui dénonce Peter Fleming et la mise sur le marché imminente du programme Calisto dont elle craint le détournement comme arme. Un tueur à gages surveille leur conversation et tente de les éliminer lorsque Jane et Sabina interviennent. A terme d'une course-poursuite, Hodak tue Edgar tandis que les trois filles s'en tirent de justesse. Rebekha les accueille dans une des bases de l'organisation et met au point une opération visant à dérober tous les prototypes de Calisto au siège social de Brok.
  

Une fois dans la place, les fille se rendent compte qu'un seul des prototypes est encore sur place. Les autres ont été dérobés par Peter Fleming qui compte les vendre au plus offrant. Rebekha trouve sa trace à Istanbul et compte faire d'une pierre deux coups en récupérant les programmes et en arrêtant le vendeur et l'acheteur...


Créée en 1976 par Leonard Goldberg et Aaron Spelling et diffusée jusqu'en 1981, Charlie's Angels (Drôles de Dames chez nous) fut une série à succès, qui révéla Farrah Fawcett (Mme Lee Majors à l'époque) aux côtés de Jaclyn Smith et Kate Jackson (d'autres comédiennes leur succéderont progressivement).


Comme toutes le séries cultes, elle n'a pas manqué d'intéresser le cinéma mais il aura fallu attendre le début des années 2000 pour que McG en tire une adaptation avec Drew Barrymore, Cameron Diaz et Lucy Liu. Le résultat, s'il cartonna au box office, était pourtant aux antipodes du produit original : une comédie d'action hystérique avec trois actrices en roue libre, des intrigues débiles, une réalisation tape-à-l'oeil.


Presque vingt ans après, Elizabeth Banks décide de tourner une nouvelle version, qui n'est pas un reboot mais s'inscrit dans la continuité, citant à la fois la série télé et les deux films de McG (on voit le trio Barrymore-Diaz-Liu en photo, et Jaclyn Smith fait une apparition à la toute fin. L'actrice-scénariste-réalisatrice veut faire de son film une oeuvre divertissante et militante, féministe, mais plus sobre que le diptyque des années 2000.

La démarche est louable mais aboutira à un cuisant échec commercial (et critique). Charlie's Angels 2019 ne manque pas de qualités, mais on peut facilement cibler ce qui ne fonctionne pas et qui n'a donc pas convaincu le public. Et la principale raison tient au simple fait que Banks s'est d'abord fait un cadeau pour elle.

L'intrigue est un prétexte, elle a un air de déjà-vu qui ne pouvait suffire à rivaliser avec une franchise rodée comme Mission : Impossible par exemple. C'est flagrant à l'image : sans être cheap, ça n'a jamais l'air d'être une super production digne de ce nom, à la hauteur des ambitions affichées. Cette histoire de programme informatique révolutionnaire risquant de devenir une arme redoutable ne captive jamais et on a le sentiment que les "anges" passent beaucoup de temps à courir après, aux quatre coins du monde, sans que le spectateur ressente le moindre danger, la moindre menace.

Faute d'un enjeu assez fort, un léger suspense est entretenu au sujet d'un agent double mais il fait long feu et s'achève dans un règlement de comptes d'une mollesse accablante où le message féministe voulue par Banks pèse une tonne. D'ailleurs, c'est bien simple, aucun homme n'a un rôle digne de ce nom, aucun mâle ne vaut grand-chose dans cette affaire (excepté le geek joué par Noah Centineo, à peine caractérisé mais surtout totalement accessoirisé). En fait, le traitement s'aligne sur le néo-féministe le plus pathétique où l'homme est au mieux un figurant sacrifiable, au pire un sale prédateur.

Est-ce que les filles, les femmes sont davantage valorisées ? A peine. Jane Kano est la meuf qui aime les gros calibres et la baston (mais craque pour le geek précité). Sabina Wilson est une lesbienne issue d'une famille riche et qui se cache derrière des vannes pas drôles. Elena Houghlin est une lanceuse d'alerte embarquée dans une aventure qui la dépasse et l'excite à la fois. On est donc très loin des drôles de dames originelles.


Ci-dessus, Jaclyn Smith, Farrah Fawcett et Kate Jackson, qui étaient non pas des super espionnes mais des détectives privées, auxquelles la critique de l'époque reprochaient surtout d'être trop sexy (et les machos trop malines). Mais en tout cas, elles avaient des rôles autrement plus subtiles et les défendaient sous une direction plus habile.

Kristen Stewart a tourné Charlie's Angels la même année que Seberg et elle s'essaie ici à un registre plus léger : son charme est renversant, mais l'intensité de son jeu est trop bridée. Ella Balinska est une superbe mannequin dont les talents de comédienne sont agréables mais la partition trop caricaturale. Naomi Scott est certainement des trois celle qui tire le mieux son épingle du jeu car elle a hérité du personnage dont l'évolution entre le début et la fin est la plus notable et elle lui insuffle une énergie drôlatique.

Mais tout ça, y compris les rôles masculins (qui ridiculisent Patrick Stewart et Sam Claflin), ne semble guère intéresser Banks qui, tout du long, a surtout veiller à avoir la meilleure part du gâteau. Elle a donc écrit le script (même si l'histoire est de Evan Spiliotopoulos et David Auburn), réalisé, co-produit le film. Et comme elle n'a jamais été une star dans les longs métrages des autres, elle paraît s'être dit qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même.

En soi, rien de mal. Mais Bosley, dans la série comme dans les films, est le support technique, logistique, des "anges", il n'est jamais sur le terrain avec elle. Banks en fait, elle, quasiment le pivot du film : sa Bosley piste les méchants, élabore des plans pour les piéger, assiste en toutes circonstances ses trois "anges" (qui sont donc souvent réduits à terminer le boulot, à être son bras armé). Cela fait du personnage le vrai moteur de l'intrigue, reléguant celles qui devraient en être les héroïnes au second plan.

Curieux message féministe pour le coup : chaperonnées par un homme, les "anges" paraissent plus autonomes et au premier plan que sous la coupe d'une femme, qui récolte les lauriers à leur place, se met constamment en avant, donne l'impression que sans elle les trois autres seraient complètement perdues. Banks réussit l'exploit de créer un Bosley au féminin encore plus macho que tout le patriarcat qu'elle veut dénoncer. Un comble !

Le public n'est pas idiot : quand on lui promet quelque chose qui dit le contraire de cette promesse, il rejette tout en bloc (cf. Argylle, vendu comme un spy movie spectaculaire avec Henry Cavill et qui n'existe que pour Bryce Dallas Howard et Sam Rockwell dans un pseudo spy-movie méta). Est-ce qu'on aura un jour droit à une adaptation digne de ce nom de Drôles de dames ? Pas avant longtemps, je le crains. Mais finalement, n'est-ce pas mieux ainsi ?

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