lundi 24 juin 2024

HELEN OF WYNDHORN #3 (Tom King / Bilquis Evely)


A la nuit tombée, alors qu'elle est déjà au lit, Lilith Appleton est réveillée par Helen qui est de retour du voyage qu'elle a fait avec son grand-père Barnabas. La jeune femme est toute excitée par ce qu'elle a vu et s'empresse d'en faire le récit à sa prescriptrice...


Avant de passer à la critique proprement dite de ce numéro, il convient de revenir sur sa publication. Il s'est écoulé deux mois entre les épisodes 2 et 3, et le 4 ne sortira que fin Août. Si, après, les 5 et 6 sont prévus pour Septembre et Octobre, on peut légitimement en douter.


Il semble en effet peu probable que Bilquis Evely soit en mesure de livrer sa vingtaine de pages mensuellement et je tablerai donc sur une périodicité bimestrielle, ce qui verrait la conclusion de Helen of Wyndhorn arriver en Décembre à ce rythme.


On peut dire que, éditorialement, ce n'est pas très bien joué de la part de Dark Horse qui paraît avoir voulu sortir la série au plus vite en profitant de l'attractivité de l'équipe créatrice à l'origine de Supergirl : Woman of Tomorrow, au lieu de retarder un peu les choses et ainsi de laisser le temps à Bilquis Evely d'avoir assez d'épisodes d'avance.


Bon, après, on ne va pas geindre pour rien : deux mois d'attente entre chaque épisode, ce n'est pas la mer à boire, d'autant que, mais je vais y revenir, le résultat est à la hauteur des promesses. Au point d'ailleurs que l'artiste éclipse le scénariste...

Cet épisode nous dévoile donc la nature du voyage entrepris par Helen et son grand-père Barnabas à la fin du précédent numéro. Le lecteur savait que le papy cachait un secret, après l'avoir vu tuer un monstre dans le parc de sa propriété. Il restait à nous montrer l'envers du décor et à le découvrir via les yeux de Helen.

De ce point de vue, la construction de cette mini-série n'est pas si éloignée de celle de Supergirl : Woman of Tmorrow. Tom King reprend le procédé qui consiste à développer l'histoire par étapes, à chaque nouveau chapitre, le lecteur et l'héroïne sont propulsés dans un cadre à la fois merveilleux et terrifiant, l'expérience est partagée, et tout cela s'inscrit évidemment dans le registre du récit initiatique.

Dans le cas précis de Helen, il s'agit de comprendre que l'oeuvre romanesque de son défunt père n'était pas que le fruit de son imagination mais une adaptation des aventures de son grand-père Barnabas, une sorte de seigneur, de guerrier, évoluant entre deux mondes, et qui a inspiré le héros des livres de C.K. Cole, un prince dans un décor d'heroic fantasy.

Ce qui est troublant, c'est finalement le classicisme de l'écriture de King ici : il ne cherche pas à détourner les codes de cette littérature. La voix off est rédigée dans un langage châtié, celui de Lilith Appleton, exprimant à la fois une forme de perplexité et de maniérisme. Cela induit une distanciation dont le lecteur n'est pas dupe puisque, contrairement à elle, il voit ce que Helen découvre et constate le décalage entre la rationalité de Lilith et l'excitation nourrie par l'apprentissage de Helen.

Mais méfiez-vous de l'eau qui dort : on n'en est qu'à la moitié de la série, et il serait donc étonnant que King n'ait pas gardé dans ses manches quelques retournements de situation, quelques twists pour la seconde partie. Une des rencontres que fait Helen lors de son périple suggère un questionnement inévitable sur ses origines quand quelqu'un lui parle de bénédiction et de malédiction mêlées. Et puis, il y a ces scènes au début et à la fin de chaque épisode, des flash-forward, concernant des documents renseignant la famille Cole, et ce qui relève du mythe et de la réalité. Il est là encore évident que, avant la fin de l'histoire, cela servira au scénariste pour nous étonner.

Enfin, comme je le disais plus haut, si Tom King a souvent travaillé avec des artistes aux styles très forts, quitte à s'effacer derrière eux (je pense en particulier à Greg Smallwood pour The Human Target), sa collaboration avec Bilquis Evely est encore plus spéciale.

N'oubliez pas qu'il a écrit Helen of Wyndhorn sur mesure pour la dessinatrice, en s'appuyant sur un carnet de croquis qui lui ont inspiré cette histoire. Et, là, c'est absolument flagrant qu'il se tient en retrait pour laisser toute la lumière à Evely. Cette dernière produit des pages qui ne peuvent que subjuguer, même le plus blasé des fans de comics.

Voyez, moi par exemple, je ne suis vraiment pas un fan de fantasy, je trouve ça à la rigueur amusant, mais ce n'est pas un univers qui m'attire. Ce que j'ai préféré dans ce qui s'en approche, c'est Fafhrd and the Grey Mouser de Howard Chaykin et Mike Mignola d'après Fritz Leiber, et je ne sais même si c'est de l'heroic fantasy pure. Par contre, Conan ne m'a jamais accroché.

Mais, c'est comme la musique classique, j'en écoute peu, mais parfois je tombe sur quelque chose qui me saisit, souvent par le biais d'un instrument plus qu'un compositeur (par exemple après avoir suivi Mozart in the Jungle, j'ai eu une période où j'écoutais spécifiquement des pièces pout hautbois, l'instrument de l'héroïne de cette série).

Helen of Wyndhorn ne me fait pas adorer la fantasy au point d'acheter des comics ou de la littérature de ce genre, mais la manière dont Bilquis Evely dessine ça, c'est tout simplement éblouissant. Son trait est d'une beauté terrassante, et elle sublime vraiment le script, faisant de cette série quelque chose de tout à fait fascinant, d'ores et déjà une des plus belles BD de l'année. Et avec les couleurs magiques de Matheus Lopes en prime.

A suivre donc, forcément. Impatiemment. Vivement fin Août prochain !

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