dimanche 30 juin 2024

THE ONE HAND #5 (Ram V / Lawrence Campbell) - Avec The Six Fingers, 2 comics qui n'en font qu'un


L'inspecteur déchu Ari Nassar arrive chez Helene, l'androïde qu'il a autrefois aimé. Elle vient de recevoir la visite de Johannes Vale qui l'a finalement épargnée avant de lui transmettre un message à l'intention du policier sur sa destination...


Avec ce cinquième épisode, la mini-série The One Hand s'achève donc. Mais pas l'histoire qui la lie à l'autre mini-série The Six Fingers. Donc c'est une conclusion, mais le dénouement de cette intrigue : pour cela, il faudra attendre fin Juillet et le dernier épisode de The Six Fingers. Suis-je clair ?


Je pense en tout cas que je suis plus clair que ne l'est Ram V avec ce dernier chapitre qui m'a laissé... Comment dire ?... Justement, sans mot. C'est évidemment intentionnel mais c'est tout de même très casse-gueule, du genre à complètement planter le lecteur. Je vais tâcher de vous expliquer ça, sans trop spoiler.
  

Une partie du concept de ces deux séries qui n'en font qu'une évoque Attrape-moi si tu peux, le film de Spielberg avec di Caprio, autrement dit la traque d'un personnage par un autre jusqu'à ce qu'ils se rencontrent enfin. Dans le film de Spielberg, on avait un escroc de génie, insouciant, poursuivi par un agent du FBI, tout ça sur le ton de la comédie.


The One Hand (et The Six Fingers) s'inscrit dans un registre beaucoup plus dramatique et noir. L'action se déroule dans le futur, dans un cadre urbain, avec un flic, un tueur en série (qui en copie un qui en copiait déjà un), des androïdes, des meurtres rituels, des glyphes énigmatiques. Il faut accepter de ne pas tout comprendre et même de s'y perdre pour savourer le concept. C'est pas évident mais ça participe de l'envoûtement si on joue le jeu.

Ram V, pour ce que j'ai lu de lui et ce que j'en ai entendu, est un scénariste qui apprécie de manipuler son lecteur, sans lui livrer toutes les clés de ses récits ni même lui donner toutes les réponses à la fin. On pourrait donc dire qu'il laisse à son public le soin de co-écrire l'histoire et même de lui donner un sens terminal. C'est une manière d'écrire qui est périlleuse car elle exige du lecteur une disponibilité, une ouverture d'esprit, une volonté de participer. 

Ce qui reste au lecteur, c'est l'appréciation, d'aimer ou non ce qu'on lui a raconté. C'est aussi le cas ici, mais avec une part plus importante accordé aux béances non comblées par l'auteur. David Lynch n'aimait pas expliquer ses films, justifiant cela par le fait qu'il s'adressait non à l'intellect mais aux sens du spectateur. C'est un peu la même chose ici, quoique moins sensuel, plus abstrait, plus cryptique. Et c'est raccord avec l'histoire qui traite du sorte de cracking de la réalité, comme si celle-ci était codée. C'est plus proche de Matrix des frères Wachowski (au moins pour le premier film, avant le gloubi-boulga christique des suites).

Est-ce que je vous dis si oui ou non Ari Nassar et Johannes Vale se rencontrent enfin et à quoi ça aboutit ? Bon, ils se rencontrent, ils sont dans la même pièce pendant une courte scène. Mais Nassar n'arrête pas Vale. Et on a la confirmation qu'en réalité ça n'a jamais été l'objectif, la finalité (sauf si le dernier épisode de The Six Fingers revient là-dessus). Nassar continue sa route, à creuser, à lever le voile. Et ce qu'il découvre est perturbant. Mais aussi très bizarre.

Et c'est un peu là-dessus que, moi, j'ai buté. Parce que je ne vais pas faire le malin : je ne crois pas avoir tout compris. L'épilogue, en particulier, après la grande scène de la révélation dérangeante que j'évoque plus haut (mais que je ne spoilerai pas), est très, mais alors très étrange. Le sens m'a échappé. Ce qui ne signifie pas que c'est raté, incompréhensible, fumeux, etc. Mais c'est un test. D'une certaine manière, je me suis demandé si Ram V n'avait pas voulu complètement paumer le lecteur. Avant, peut-être, de laisser à Dan Watters le soin de fournir à ce même lecteur une fin un peu plus abordable dans The Six Fingers #5. On verra.

Je pense en tout cas qu'on reverra Nassar dans la fin de l'autre série. Mais comment ? Avec quel résultat ? Quel impact ? Là, mystère. Je le répète : c'est couillu de faire ça. Moi, ça ne me déplaît pas, même si, donc, je n'ai pas tout capté. Je crois que je ne suis pas le client idéal pour les comics de Ram V en tout cas, même s'il fera des trucs qui m'attireront (notamment son prochain gros projet, chez DSTLRY, avec Joelle Jones, à partir de la rentrée, Through Red Windows).

Graphiquement, Lawrence Campbell a produit quelque chose de tout aussi radical. C'est très noir, très austère. On adhère ou pas. Parfois, je trouve ça fulgurant, et c'est encore le cas ici. Parfois aussi, je trouve que c'est trop noyé sous des à-plats de noir, que la colorisation de Lee Loughridge peine à nuancer. Mais c'es raccord avec le récit et l'ambiance est intense. Disons qu'il faut être prêt et prévenu parce que, de ce côté-là aussi, ce n'est pas facile.

Maintenant, j'ai quand même deux attentes : la première, c'est que le dénouement dans The Six Fingers #5 soit quand même un chouia plus accessible, moins frustrant ; et la deuxième, c'est que soit publié un volume regroupant les deux séries parce que ce serait un non-sens total de collecter ça en deux tomes séparées (il est impossible de piger et de goûter à l'expérience sans lire les deux mini-séries).

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