samedi 15 juin 2024

BLACK MONDAY MURDERS, TOME 1 : GLOIRE A MAMMON (Jonathan Hickman / Tomm Coker)


31 Octobre 2016. New York. Le capitaine William Merritt envoie l'inspecteur Theodore Dumas au siège de la banque d'investissement Caïna-Kankrin pour une affaire d'homicide. Sur place, Dumas trouve deux collègues, Michael Caffey et Susana Moreno. La victime est Daniel Rothschild et la scène de crime les interpelle tous.
 

Dumas remarque tout de suite des indices précis et troublants. Plus tard, grâce aux enregistrements de la vidéo-surveillance, avec l'aide de Moreno, Dumas identifie un suspect et va l'arrêter. Viktor Eresko est conduit au poste pour y être interrogé tandis que Dumas fait la connaissance de Thomas Dane, le responsable de la sécurité de l'immeuble, disposé à coopérer avec la police.


Cependant, Gregoria Rothschild, la soeur de la victime, atterrit à bord de son jet privé avec sa compagne Abby. Alexei Malkin les attend et les informe de la situation. Gregoria reçoit Dumas pour répondre à quelques questions, en particulier une concernant d'intraduisibles glyphes écrits avec le sang de son frère sur le mur de la pièce où il a été tué.


L'interrogatoire de Eresko par Caffey ne mène à rien. Dumas, lui, rencontre Tyler Gaddis, professeur d'économie à l'université de Fordham pour en savoir plus sur la banque d'investissement Caïna-Kankrin. Le peu qu'il apprend va cependant lui servir pour reprendre l'interrogatoire de Eresko...


Actuellement, Urban Comics célèbre les 10 ans de son label Urban Indies avec une collection d'une dizaine de titres dont les premiers tomes sont disponibles au prix de 10 Euros. J'en ai profité pour me procurer le tome 1 de Black Monday Murders tandis que j'ai acquis le tome 2 en occasion sur un site marchand.


J'ai longtemps tourné autour de ce titre, tenté par sa lecture certes mais freiné par le fait que la série est en stand-by depuis 2018, suite aux problèmes de santé subis par le dessinateur Tomm Coker. Mais il va à présent suffisamment mieux pour avoir repris son ouvrage. On devrait découvrir la suite et fin de Black Monday Murders d'ici fin 2024, début 2025.


Bien entendu, l'autre raison qui m'a finalement fait sauter le pas, c'est que c'est créé et écrit par Jonathan Hickman. Cette semaine s'est achevé le premier volume de G.O.D.S. et je n'avais pas envie d'en rester là. Car si je suis devenu fan du scénariste, ça n'a pas toujours été le cas.

Comme beaucoup de fans de comics, son écriture m'a longtemps refroidi. Je trouvai le bonhomme arrogant et ses concepts hermétiques. Sa réputation de construire ses runs en se basant sur des plans sur plusieurs années, avec des diagrammes, me faisait sourire.

A quand bascule-t-on et accepte-t-on d'aborder un auteur qu'on s'était juré de ne jamais lire ? Souvent par hasard, par curiosité surtout. Au bout d'un moment, il faut quand même essayer pour juger. Dans mon cas, c'est avec House of X / Powers of X que cela s'est concrétisé. J'ai été tellement conquis par la proposition folle de Hickman que je me suis qu'il était temps d'explorer sa bibliographie.

Revenons à Black Monday Murders. Lorsque démarre ce tome 1, on est d'abord, comme souvent avec Hickman, submergé d'informations de toute part. La scène d'ouverture se déroule lors du krach boursier de 1929 et l'idée est que cela a été provoqué par un dieu de l'argent et de la cupidité, comme toutes les autres crises financières avant et après. Puis, on effectue in bond dans le temps jusqu'en 2016 avec le meurtre de Daniel Rothschild que l'inspecteur Theodore Dumas est chargé de résoudre.

Ce flic est rapidement caractérisé pour nous intriguer : on apprend qu'il a abattu un passant en pleine rue, apparemment sans raison. Puis des investigations sur la victime ont permis de découvrir que cet homme avait assassiné huit personnes dont il gardait les têtes dans son congélateur. Depuis, Dumas végète dans un bureau à traiter de la paperasse mais son capitaine sait qu'il est certainement l'homme de la situation, malgré son passé.

En parallèle, la soeur de Rothschild débarque et son arrivée provoque une vague de tensions au sein du conseil d'administration de Caïna-Kankrin dont les membres l'ont autrefois sèchement écartée. Elle veut la tête du tueur de son frère mais aussi celles de tous ceux qui l'ont bannie. Sans le savoir, Dumas va l'aider dans ce projet et être entraîné dans les coulisses d'un monde qu'il ne soupçonnait pas...

Urban Comics résume la série comme un mix entre True Detective et Se7en pour souligner les aspects les plus saillants, les plus sanglants de l'histoire. Mais avec Hickman, rien n'est jamais aussi simple qu'une formule publicitaire. Il développe son scénario autour de manipulations sur les marchés financiers, le pouvoir comme représentation physique de l'argent, les arts occultes comme moyen de communiquer avec des puissances surnaturelles à même de déséquilibrer les forces en présence, quelle que soit l'époque.

Si vous choisissez de lire Black Monday Murders comme un thriller très noir, ça marchera très bien. Si vous assimilez les données contextuelles de l'histoire, vous êtes parti pour un trip vertigineux. Et c'est passionnant, captivant. Complexe aussi un peu, mais Hickman maîtrise tellement bien ce qu'il raconte qu'il veille à toujours à éclairer le lecteur quand c'est nécessaire. Pour cela, il appuie sa narration avec différents supports : il y a l'art séquentiel pur, des pages de bande dessinée, somptueusement composées par Tomm Coker et son coloriste Michael Garland, mais il y a aussi ses fameuses data pages (comme celles qu'on trouvait dans HoX / PoX) avec des diagrammes, des transcriptions d'interrogatoires (dont certains passages sont censurés), des extraits de journal intime, des articles de presse...

La richesse du récit en fait une lecture dense, qu'il faut accepter d'intégrer. Mais ce n'est pas abscons non plus. En vérité, Hickman est certainement un des très rares auteurs de comics depuis Alan Moore à exploiter toutes les ressources de la BD pour le bénéfice du récit et la captation de l'intérêt du lecteur. Il ne s'agit pas de dire qu'ils écrivent pareil ni qu'ils racontent les mêmes histoires, qu'ils partagent les mêmes centres d'intérêts et qu'ils construisent leurs mondes et leurs personnages de façon similaire. Juste qu'ils sont tous deux des bâtisseurs d'univers repoussant les limites de la narration, avec le partenaire graphique le plus approprié pour chaque projet, et une ambition folle, démesurée.

Pour 10 E le tome 1, ça vaut le coup d'essayer, non ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire