dimanche 16 juin 2024

BLACK MONDAY MURDERS, TOME 2 : UNE LIVRE DE CHAIR (Jonathan Hickman / Tomm Coker)


Faute de preuves suffisantes, Viktor Eresko est relâché par la police. Cette nouvelle contrarie autant l'inspecteur Dumas que Gregoria Rothschild qui réunit le CA de la Caïna-Kankrin. La guerre est ouverte entre Gregoria et Viktor même si les autres membres cherchent à les raisonner. Mais Eresko avoue avoir tué Daniel Rothschidl et entend bien régler son compte à sa soeur. Cette dernière, par la suite, confie à Thomas Dane la mission de retrouver Wynn Ackerman, génie de la finance travaillant pour la Caïna-Kankrin et disparu dans des circonstances troubles.


De son côté, Theodore Dumas, après un échange avec le professeur Tyler Gaddis au sujet de la source du pouvoir immense de la Caïna-Kankrin, le suit jusqu'à Washington pour un mystérieux rendez-vous avec un individu en mesure de leur apporter les réponses qui leur manquent. Pour Gaddis, la cause d'un krach survenu en 1987. Pour Dumas, de quoi confondre Eresko.



Et tandis que Gregoria défie Eresko, Dumas va se rendre compte que ce que lui a raconté Gaddis ne relève pas du mythe...



Ce deuxième tome de Black Monday Murders montre en parallèles les parcours de Theodore Dumas, cet inspecteur de la police de New York chargé de résoudre le meurtre de Daniel Rothschild, et celui de la soeur de dernier, Gregoria, pour prendre le contrôle total de la Caïna-Kankrin, la plus grande banque d'investissement du monde.



Jonathan Hickman ne se contente pas de développer une intrigue, il creuse l'histoire de la finance mondiale en y injectant une part de fantastique. J'ai envie de dire que c'est vraiment là que ça passe ou ça casse. Certains lecteurs ne marcheront pas dans cette direction et pourront même éventuellement regretter ces ingrédients surnaturels glissés dans un thriller. D'autres, au contraire, apprécieront ce mélange de deux genres, le polar et le fantastique, qui entretiennent l'ambiance glauque et captivante du récit.



J'ai remarqué que Hickman semble aimer ce point où le divertissement de genre s'envole à des altitudes insoupçonnées. Dans X-Men, il soignait l'arrière-plan très politique pour montrer que les mutants n'étaient pas que des super héros costumés, mais l'étendard d'une nation qui souhaitait être légitimé sur le plan international. Dans Decorum, l'éducation d'une apprentie tueuse s'accomplissait au coeur d'une intrigue cosmique dont l'enjeu était une créature convoitée. Dans G.O.D.S., la romance contrariée entre Wyn et Aïko se déroulait sur fond de complot chez les Dieux.

Si on veut résumer ici, on a d'un côté un flic tenace qui veut coincer le suspect n° 1 d'un meurtre ; et de l'autre, on a une femme qui veut venger son frère. Dans les deux cas, c'est le même individu qui est visé. Dumas, en bon inspecteur, doit trouver des indices qui confondront le coupable. Gregoria ne s'embarrasse pas de ça mais ça ne veut pas dire que sa quête est plus facile puisqu'entre elle et sa cible se dressent les membres du conseil d'administration de la banque, qui veulent à tout prix éviter un nouveau décès qui attirerait l'attention.

Et puis, progressivement, les repères de ces deux personnages se brouillent. Ou plutôt ce qu'en pense le lecteur se trouble. Il s'agit moins d'arrêter un meurtrier ou de venger un frère que d'accéder au pouvoir. Pour Dumas, le pouvoir passe par la connaissance, c'est donc logique qu'il suivre le professeur Gaddis qui lui sert de guide. Pour Gregoria, il s'agit d'écarter tous les obstacles qui se dressent devant elle pour devenir la seule patronne de la banque et elle s'en remet à la fois à Thomas Dane (qui doit retrouver Wynn - tiens, tiens, Wynn ici, Wyn dans G.O.D.S., Hickman a de la suite dans les idées -  Ackerman) et Abby (qui affrontera Eresko -et Abby, cette femme albinos, s'exprimant dans une langue inconnue, n'est autre qu'une incarnation des Cygnes Noirs qui peuplent l'oeuvre de Hickman - cf. Avengers, New Avengers, G.O.D.S.).

Ce qui lie aussi Dumas et Gregoria, c'est leur détermination. Mais ce qui les différencie, c'est leur expérience. Gregoria, comme on va le voir, s'est instruite durant son exil et affiche une assurance qui n'a rien d'une posture et dont Abby n'est qu'un des éléments. En revanche, Dumas s'enfonce dans un monde souterrain dont il ignorait tout, dont il doutait de l'existence, et qui va profondément le changer. La fin du 8ème épisode, le dernier de ce tome 2, réunit Dumas et Gregoria et ouvre la voie pour une suite imprévisible mais excitante.

Tomm Coker et son coloriste Michael Garland illustrent le script avec un génie visuel qui matérialise totalement même les parties les plus fantaisistes. C'est l'autre grande force de Black Monday Murders : Coker s'exprime dans un registre réaliste et, un peu comme Jorge Fornés avec Tom King, a ce don de tout ramener à hauteur d'homme (de lecteur). Du coup, le dessin agit ici comme une sorte d'ancre.

Mais ça n'empêche pas Coker et Garland de lâcher les chevaux dans les scènes les plus spectaculaires et fantastiques. Sans spoiler, ils confèrent une sorte de majesté sinistre à ces parties du récit qui montrent bien que ces éléments surnaturels sont intenses, puissants, impressionnants, mais aussi suffisamment incarnés pour que le lecteur ne soit pas tenté de les interpréter comme une sorte de folklore facile, juste destiné à épicer le plat.

Black Monday Murders est un trip puissant mais exécuté avec maîtrise. Cette alliance de la chair et de l'esprit (des esprits) ouvre une porte vers un objet hybride et fascinant, plus glaçant qu'exotique. Revisité par deux auteurs aussi forts que Hickman et Coker, le résultat laisse des traces chez les protagonistes comme chez le lecteur. La suite et fin, qui ne sauraient plus tarder désormais après un long hiatus, sont aussi prometteuses qu'attendues.

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